Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de 2012 et des pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été infligées au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1712518/2-3 du 8 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a réduit les impositions contestées, en droits et pénalités, à raison de l'imposition des distributions de fonds communs de placement à risques versées aux enfants de M. et Mme A... dans la catégorie des plus-values de cessions de valeurs mobilières et non celle des revenus de capitaux mobiliers, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais de justice, et rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1712518/2-3 du 8 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rétablir M. et Mme A... au rôle de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales de 2012 à raison des droits et pénalités dont la décharge a été ordonnée par le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- les distributions de fonds communs de placement à risques versées aux enfants de M. et Mme A... devaient être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions de l'article 137 bis du code général des impôts ;
- les contribuables n'entrent pas dans le champ du régime dérogatoire d'imposition en plus-values de cession de valeurs mobilières pour les parts de " carried interest " prévu par la doctrine administrative publiée au BOI 5-I-2-02 du 28 mars 2002 ;
- les moyens soulevés par M. et Mme A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, M. et Mme A..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et demandent à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui est l'un des dirigeants de la société Idinvest Partners, et Mme A..., ont, par une donation-partage du 16 novembre 2011, cédé à leurs trois enfants des parts, dites de " carried interest ", de fonds communs de placement à risques (FCPR) acquises en 2001, 2002, 2007 et 2008. Ils ont déclaré au titre de l'impôt sur le revenu les distributions de ces FCPR versées en 2012 à leurs enfants, dont l'un était mineur à charge et les deux autres, majeurs rattachés au foyer fiscal, comme plus-values sur cessions de valeurs mobilières. A la suite d'un contrôle sur pièces, le service leur a notamment notifié, par une proposition de rectification du 2 avril 2015, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de 2012, à raison de l'imposition des sommes en cause dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et des pénalités pour manquement délibéré relatives à divers rehaussements, dont ce dernier. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a réduit les impositions contestées, en droits et pénalités, à concurrence de l'imposition des distributions de fonds communs de placement à risques versées aux enfants de M. et Mme A... dans la catégorie des plus-values de cessions de valeurs mobilières et non celle des revenus de capitaux mobiliers, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais de justice, et rejeté le surplus de leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans la rédaction applicable à l'espèce : " I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) / II - Les dispositions du I sont applicables : / (...) 7. Sous réserve de l'application de l'article 163 quinquies B et du 8, en cas de distribution d'une fraction des actifs d'un fonds commun de placement à risques ou d'un fonds professionnel de capital investissement dans les conditions du IX de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier, à l'excédent du montant des sommes ou valeurs distribuées sur le montant des apports, ou le prix d'acquisition des parts s'il est différent du montant des apports (...) ". Les dispositions de l'article 200 A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable, prévoyaient, sur option, et sous conditions, que les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'articles 150-0 A puissent être imposés au taux forfaitaire de 19 %. Aux termes du IX de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier : " Le règlement d'un fonds commun de placement à risques peut prévoir une ou plusieurs périodes de souscription à durée déterminée. La société de gestion ne peut procéder à la distribution d'une fraction des actifs qu'à l'expiration de la dernière période de souscription et dans des conditions fixées par décret ".
3. Il résulte de l'instruction que les trois enfants de M. et Mme A... ont perçu en 2012 des distributions d'une fraction des actifs de deux fonds communs de placement à risques à raison des parts dont ils étaient titulaires à la suite d'une donation-partage. Il n'est pas contesté que les distributions en cause ont été réalisées dans les conditions du IX de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier. M. et Mme A... ont été imposés, conformément à leurs déclarations, sur les plus-values dégagées à l'occasion de ces distributions, sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts. Le ministre, qui soutient que les sommes en cause doivent être imposées en tant que sommes réparties par un fonds commun de placement sur le fondement de l'article 137 bis du code général des impôts, se borne à faire valoir que les enfants des contribuables n'étaient pas, contrairement à M. A..., membres de l'équipe de gestion des fonds communs de placement à risques et ne pouvaient dès lors bénéficier du régime d'imposition revendiqué, prévu par les dispositions précitées du 7 du II de l'article 150-0 A du code général des impôts. Il ne ressort toutefois pas de ces dispositions qu'elles excluraient les bénéficiaires des distributions d'une fraction des actifs d'un fonds commun de placement à risques à qui ont été cédées les parts de " carried interest " attribuées à un membre de l'équipe de gestion du FCPR. Le ministre n'est, en outre, pas fondé à invoquer ses propres commentaires administratifs, publiés au bulletin officiel des impôts du 28 mars 2002 sous la référence 5-I-2-02, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, dont, au demeurant, contrairement à ce qu'il soutient, ils ne donnent pas une interprétation différente de celle dont il est fait application.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a réduit les impositions contestées, en droits et pénalités, à raison de l'imposition des distributions de fonds communs de placement à risque versées aux enfants de M. et Mme A... dans la catégorie des plus-values de cessions de valeurs mobilières et non dans celle des revenus de capitaux mobiliers.
Sur les frais de justice :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme C... A....
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré).
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00766 2