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26/01/2021 | FRANCE | N°18PA03856

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 26 janvier 2021, 18PA03856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de 2011, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1621988/1-1 du 10 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en co

urs d'instance et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de 2011, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1621988/1-1 du 10 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1621988/1-1 du 10 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités, et la restitution des sommes versées assortie d'intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa résidence fiscale se trouvait en 2011 au Maroc en vertu des stipulations de la convention fiscale entre la République française et le Royaume du Maroc signée le 29 mai 1970 ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était compétente pour se prononcer sur les questions de fait relatives à sa domiciliation fiscale ;

- le manquement délibéré à ses obligations déclaratives n'est pas caractérisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 29 mai 1970 entre la République française et le Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle en matière fiscale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre de 2011. M. C... fait appel du jugement du 10 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la fraction de ces impositions demeurant en litige, en droits et pénalités.

Sur la domiciliation fiscale de M. et Mme C... :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention conclue le 29 mai 1970 entre la France et la Maroc, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

4. L'administration a considéré que M. et Mme C... avaient en France leur domicile fiscal en 2011 dès lors, notamment, qu'ils y avaient leur foyer, caractérisé par leurs lieux d'habitation dans le Var, à Cannes et à Paris. D'une part, il résulte de l'instruction qu'en 2011, M. C... avait la disposition du château de Sainte-Roseline, aux Arcs-sur-Argens (83), figurant à l'actif de la SCEA Château de Sainte-Roseline détenue à 99,36 % par la SA BTI, dont il détenait lui-même 10 % de la nue-propriété et 90 % de l'usufruit jusqu'au 26 août 2011, date à compter de laquelle les titres de la SA BTI ont été apportés, avec ceux de deux autres sociétés, à la SARL GBTI, de droit luxembourgeois, dont les statuts prévoient que les actes majeurs relatifs à la gestion de son patrimoine requièrent la signature de M. C.... Le ministre fait valoir, sans être utilement contesté, qu'en 2011, le château comportait 11 appartements dont 9 étaient proposés à la location, les deux appartements non loués présentant des surfaces respectives de 80 m² et 100 m². Le requérant, qui a indiqué résider aux Arcs sur des actes notariés de 2007 et 2010, a souscrit le 23 septembre 2010 auprès de La Poste un contrat de réexpédition afin que le courrier livré à ses adresses à Paris et à Cannes y soit transféré, et était en 2011 toujours inscrit sur les listes électorales de la commune, où se situait la mutuelle qui le prenait en charge, la caisse nationale lui versant ses pensions de retraite retenant également sa domiciliation à l'adresse du château. Le requérant était par ailleurs, au cours de l'année en cause, propriétaire de cinq véhicules immatriculés aux Arcs, deux motos, deux voitures et une remorque à moto, dont trois ont été acquis en 2011, ainsi que d'un bateau amarré à Saint-Raphaël dans le même département, dont les charges d'amodiation ont été réglées en 2011 par l'un de ses comptes bancaires ouverts en France. Il disposait également d'au moins quatorze comptes bancaires ouverts en France auprès d'établissements bancaires français dont la plupart des relevés, y compris ceux pour lesquels le requérant a communiqué son adresse marocaine, étaient adressés au château de Sainte-Roseline. D'autre part, si M. C... a mis en location en 2011 son appartement à Cannes, propriété d'une SCI dont son épouse et lui détiennent chacun la moitié des parts, et déclaré au service des impôts comme étant sa résidence principale jusqu'au 1er octobre 2010, le contrat de bail n'a pris effet qu'à compter du 12 octobre 2011, et les relevés d'électricité témoignent d'une consommation régulière au cours de l'année 2011. Enfin, si M. C... a autorisé une société immobilière à mettre en location l'appartement qu'il détient rue de Lille à Paris (7ème), en indiquant au demeurant comme contact le numéro de téléphone d'une société sise au château de Sainte-Roseline dont il était associé par l'intermédiaire de la SARL GBTI, le contrat prévoyait de réserver l'appartement pour son utilisation personnelle ou toute autre utilisation sur des périodes qui ne feraient pas l'objet d'une sous-location. Par ailleurs, les deux filles de M. et Mme C... et leurs cinq petits-enfants résidaient en France en 2011. M. C..., qui dit avoir eu son foyer au Maroc en 2011, fait valoir que, lorsqu'il revenait en France, il logeait chez l'une de ses filles, résidant à proximité du château de Sainte-Roseline, sans toutefois produire aucune pièce de nature à l'établir, et se borne à alléguer qu'une collaboratrice recevait pour lui son courrier au château de Sainte-Roseline avant de le lui réexpédier au Maroc où il dit avoir alors rencontré des problèmes de transmission postale. Dans ces conditions, M. et Mme C... doivent être regardés comme ayant eu en France en 2011 un foyer au sens du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts. Ils étaient, dès lors, en principe, passibles, au titre de cette année, de l'impôt sur le revenu en France à raison de l'ensemble de leurs revenus, à moins que le requérant n'établisse son droit à se prévaloir de sa qualité de résident marocain, au sens des stipulations de la convention fiscale franco-marocaine susvisée.

En ce qui concerne l'application de la convention franco-marocaine :

5. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 2 de la convention franco-marocaine du 29 mai 1970 : " Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son " foyer permanent d'habitation ". Si cette personne possède un foyer permanent d'habitation dans les deux Etats, elle est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle a le centre de ses activités professionnelles et à défaut où elle séjourne le plus longtemps. "

6. Pour établir qu'il disposait en 2011 d'un foyer permanent d'habitation au Maroc, M. C... produit un bail relatif à la location d'une maison de 270 m² à Marrakech, conclu selon les termes du contrat pour un an renouvelable à compter du 1er novembre 2010, à l'appui duquel il verse des quittances de loyer pour 2010 et 2011. M. C... produit également deux formulaires de déclaration d'impôt sur le revenu marocain, remplis par lui au titre de décembre 2010 et l'année 2011, mentionnant la seule perception de sa pension de retraite, ainsi que des attestations de location de véhicules au Maroc pour des durées comprises entre sept et dix jours en 2011, dont l'administration souligne toutefois, sans être ultérieurement contredite, que certaines se chevauchent avec des séjours effectués par lui aux Etats-Unis et en Espagne. Par ailleurs, le requérant ne produit aucun document, tel que des factures de téléphone ou des relevés de consommation d'énergie dans le logement loué, justifiant son utilisation effective. Il résulte de l'instruction, en tout état de cause, que M. C..., bien que retraité, exerçait des activités professionnelles en France, où il était président du conseil de surveillance de la SA BTI, continuait de contrôler le groupe qu'il a créé, percevait une rémunération annuelle d'environ 60 000 euros, effectuait de nombreux déplacements professionnels à ce titre et exerçait également huit mandats sociaux, et qu'il n'avait, à l'inverse, développé aucune activité professionnelle au Maroc. Par suite, quand bien même M. C... aurait eu, comme en France, un foyer permanent d'habitation au Maroc en 2011, il n'y disposait pas du centre de ses activités professionnelles. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il y serait fiscalement domicilié avec son épouse en application des stipulations de l'article 2 de la convention franco-marocaine au titre de l'année en cause.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

7. Aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I - La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) II - Dans les domaines mentionnés au I, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. " Il résulte de ces dispositions que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est compétente pour connaître d'une question de fait que pour autant que cette dernière se pose dans l'un des domaines mentionnés au I de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de l'instruction que le différend opposant M. C... au service a trait à son domicile fiscal, qui n'est pas au nombre des désaccords mentionnés au I de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de ce que le service l'aurait à tort privé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts doit dès lors être écarté, alors même que le litige appelait l'examen de questions de fait.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré aux droits supplémentaires mis à la charge de M. C... au titre de 2011, le service fait état de ce que l'intéressé, qui a déclaré être résident fiscal marocain et n'a pas été imposé, au titre de cette année, sur les dividendes de source française ni les plus-values qu'il a réalisées, ne pouvait ignorer que sa résidence fiscale était alors située en France, dès lors qu'il avait dans cet Etat un foyer en 2011, et qu'il ne disposait notamment pas au Maroc du centre de ses activités professionnelles. Ainsi, l'administration établit le caractère délibéré du manquement de M. et Mme C... à leurs obligations déclaratives et, par suite, le bien-fondé de la pénalité correspondante.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution des sommes versées, assortie d'intérêts moratoires et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. D..., premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.

Le rapporteur,

A. D...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03856


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03856
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-26;18pa03856 ?
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