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25/01/2021 | FRANCE | N°20PA03353-20PA03354

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 janvier 2021, 20PA03353-20PA03354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de renouveler son attestation de demande d'asile et la décision du 5 juillet 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 1909346 du 23 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Den

is portant prolongation du délai de transfert de M. C..., a annulé la décision de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de renouveler son attestation de demande d'asile et la décision du 5 juillet 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 1909346 du 23 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis portant prolongation du délai de transfert de M. C..., a annulé la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 juillet 2019 suspendant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours, a enjoint à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir à M. C... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans un délai de dix jours et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20PA03353, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1909346 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il lui enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Il soutient que le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui enjoindre d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale, dès lors que ces dispositions l'autorisaient seulement à enjoindre un réexamen de la situation de M. C....

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une demande d'aide juridictionnelle a été présentée pour M. C... le 6 janvier 2021, après la clôture de l'instruction.

Me B... a produit un courrier le 6 janvier 2021, après la clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20PA03354, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1909346 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une demande d'aide juridictionnelle a été présentée pour M. C... le 6 janvier 2021, après la clôture de l'instruction.

Me B... a produit un courrier le 6 janvier 2021, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant afghan, a été reçu en préfecture le 22 octobre 2018 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Il s'est vu délivrer le 28 mars 2019 une attestation de demande d'asile mentionnant que l'examen de sa demande d'asile relevait de la compétence d'un autre Etat. Par une décision du 15 novembre 2019, les autorités allemandes ont accepté leur responsabilité. Par arrêté du 11 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert en Allemagne. Le 27 juillet 2019, M. C... s'est de nouveau présenté en préfecture pour solliciter son admission au séjour au titre de l'asile, estimant que la France était devenue responsable de sa demande d'asile. Les services préfectoraux ont refusé d'enregistrer cette nouvelle demande d'asile au motif que la France n'était pas responsable de l'examen de sa demande d'asile, le délai d'exécution de l'arrêté de transfert vers l'Allemagne ayant été prolongé par une décision en date du 11 juin 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis motivée par la fuite de l'intéressé. En outre, par une décision du 5 juillet 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de suspendre le bénéfice par M. C... des conditions matérielles d'accueil. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 23 octobre 2020 en tant que le tribunal administratif de Montreuil lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale.

2. Les requêtes susvisées n° 20PA03353 et n° 20PA03354, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis tendent respectivement à l'annulation partielle et au sursis à exécution du même jugement du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les conclusions aux fins d'annulation partielle du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Il appartient au juge, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions précitées, de statuer sur ces conclusions, en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". Aux termes de l'article L. 742-6 de ce code : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ". Et aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; / 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable. / II. - L'office peut, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur a présenté de faux documents d'identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin de l'induire en erreur ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; / 2° Le demandeur n'a soulevé à l'appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d'asile qu'il formule ; / 3° Le demandeur a fait à l'office des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d'origine. / III. - L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : / 1° Le demandeur refuse de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales conformément au règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des Etats membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice ; / 2° Lors de l'enregistrement de sa demande, le demandeur présente de faux documents d'identité ou de voyage, fournit de fausses indications ou dissimule des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur l'autorité administrative ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; / 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ; / 4° Le demandeur ne présente une demande d'asile qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; / 5° La présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. / IV. - La procédure ne peut être mise en oeuvre à l'égard de mineurs non accompagnés que dans les cas prévus au I et au 5° du III du présent article ".

5. Par le jugement dont l'annulation partielle est demandée, le tribunal administratif a annulé la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis, révélée par le refus verbal d'enregistrement de la demande d'asile de M. C..., par laquelle le préfet a prolongé le délai de transfert de l'intéressé aux autorités allemandes de six à dix-huit mois. Aux fins d'exécution de cette décision, le tribunal administratif a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile idoine. Si le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que le tribunal administratif a entaché d'irrégularité son jugement dès lors qu'une telle injonction méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prescrivent un réexamen de la situation de l'étranger, ces dispositions ne s'appliquent toutefois que dans l'hypothèse où la décision de transfert a fait l'objet d'une annulation. La décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé du transfert de M. C... aux autorités allemandes n'a pas été rapportée et a ainsi produit ses effets, seule la décision de prolongation du délai d'exécution de cette décision ayant été annulée. Le préfet de la Seine-Saint-Denis ne demande pas l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé sa décision portant prolongation du délai de transfert. Dans ces conditions, et dès lors que le délai de six mois prévu pour l'exécution de la décision de transfert était expiré à la date à laquelle l'annulation de la décision de prolongation du délai de transfert a été prononcée par la tribunal, la France était nécessairement devenue responsable de la demande d'asile de M. C... en application des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile.

6. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la demande d'asile peut faire l'objet, selon la situation administrative de l'étranger, d'un examen en procédure accélérée. Dans ces conditions, et alors que les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir la situation de M. C... au regard de ces dispositions, la circonstance que la France était devenue l'Etat responsable de sa demande d'asile n'impliquait pas nécessairement que le tribunal administratif enjoigne au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil lui a enjoint d'enregistrer en procédure normale la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile idoine.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

8. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA03353 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 23 octobre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03354 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicite de la Cour le sursis à exécution du jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1909346 du 23 octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil, en tant seulement qu'il enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'enregistrer en procédure normale la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20PA03353 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejeté.

Article 3 : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03354 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 janvier 2021.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N°s 20PA03353, 20PA03354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03353-20PA03354
Date de la décision : 25/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-25;20pa03353.20pa03354 ?
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