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19/01/2021 | FRANCE | N°20PA01303

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 janvier 2021, 20PA01303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... I... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1911051 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2020, Mme I..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 14 novembre 2019 ;

3°) d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... I... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1911051 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2020, Mme I..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 14 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- en estimant que la provenance d'un demandeur d'asile d'un pays d'origine sûr, comme la Géorgie, impliquait automatiquement la perte de son droit à se maintenir sur le territoire français, le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur de droit ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et notamment de sa situation familiale ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'à la date de son édiction, son époux disposait du droit de se maintenir sur le territoire français en sa qualité de demandeur d'asile ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I..., de nationalité géorgienne, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 décembre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 mai 2019. Par un arrêté du 14 novembre 2019, le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme I... relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante mais seulement à ceux de ses moyens qui étaient opérants à l'encontre de la décision contestée, a suffisamment motivé son jugement en retenant, sans analyser le détail de l'argumentation de la requête, que l'arrêté préfectoral était suffisamment motivé dès lors qu'il comportait l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement. Il a également suffisamment motivé son jugement en retenant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne se serait abstenu de procéder à un examen de la situation de la requérante. Ainsi, le jugement n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation.

3. D'autre part, si Mme I... soutient que le premier juge aurait entaché son jugement d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens relèvent du contrôle du juge de cassation et non du contrôle de la régularité du jugement attaqué par le juge d'appel.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 novembre 2019 :

4. En premier lieu, l'arrêté du 14 novembre 2019 vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celles du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la situation de Mme I.... Il précise que le rejet de la demande d'asile de l'intéressée est devenu définitif et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Enfin, il mentionne que la requérante n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, cet arrêté, qui contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'arrêté n° 2019/2404 portant délégation de signature du 5 août 2019 et publié au recueil des actes administratifs spécial le même jour, que le préfet du Val-de-Marne a délégué sa signature à Mme E..., adjointe au chef du pôle asile au sein de la direction des migrations et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de M. F... C..., chef du pôle asile et de M. H..., directeur de l'immigration et de l'intégration, aux fins de signer notamment les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français pris sur le fondement du 6° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux manque en fait et doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté où figurent les éléments pertinents et suffisants relatifs à la situation administrative et personnelle de la requérante, que le préfet du Val-de-Marne s'est livré à un examen particulier de la situation de Mme I....

7. En quatrième lieux, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles

L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ".

8. Pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Val-de-Marne, pouvait, sans erreur de droit, se fonder sur le motif tiré de ce que la demande d'asile de Mme I... avait été définitivement rejetée, sans être tenu de s'interroger sur le droit au maintien de l'intéressée sur le territoire en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme I... a été rejetée au terme d'une procédure accélérée par une décision de l'OFPRA du 28 décembre 2018, confirmée par une décision de la CNDA le 27 mai 2019 notifiée le 6 juin 2019. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 précitées doit donc être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme I... est entrée sur le territoire français accompagnée de son fils alors âgé de deux ans en octobre 2017, et qu'elle ne justifie en France d'aucune insertion particulière. Elle n'établit pas par ailleurs être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, la Géorgie. Si elle fait valoir que son conjoint ne peut être éloigné du territoire français car sa demande d'asile est en cours d'examen, l'arrêté contesté n'a pas pour effet de séparer les membres de la cellule familiale, dès lors que, dans l'hypothèse d'une annulation par la CNDA de la décision du 25 juin 2018 par laquelle l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile, M. I... disposera de la possibilité de demander au préfet que soit mise en oeuvre la procédure de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de leur fils. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de Mme I....

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. L'arrêté en litige n'a pas, en lui-même, pour effet de séparer Mme I... de son fils dès lors qu'aucune circonstance ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en-dehors du territoire français. En outre, si la requérante fait valoir que son fils, âgé de quatre ans à la date de l'arrêté contesté, présente des angoisses sévères et des troubles du comportement, les attestations médicales qu'elle verse au dossier n'établissent pas l'impossibilité d'assurer le suivi de l'enfant en Géorgie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. En dernier lieu, si Mme I... soutient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre à la juridiction d'en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

- M. G..., premier vice-président ;

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

Le rapporteur,

G. D...Le président,

M. G...Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01303
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SINGH

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-19;20pa01303 ?
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