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30/12/2020 | FRANCE | N°19PA01677

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 décembre 2020, 19PA01677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B..., Mme A... H..., M. G... E... et la société d'exercice libéral par actions simplifiée " Atrium, notaires " ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 octobre 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de la société Atrium tendant à être nommée titulaire d'un office notarial dans la zone de Paris et la demande de M. B... tendant à être nommé notaire associé exerçant au sein de la société Atrium, ensemble la décisi

on implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1804503/6-1 du 24...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B..., Mme A... H..., M. G... E... et la société d'exercice libéral par actions simplifiée " Atrium, notaires " ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 octobre 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de la société Atrium tendant à être nommée titulaire d'un office notarial dans la zone de Paris et la demande de M. B... tendant à être nommé notaire associé exerçant au sein de la société Atrium, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1804503/6-1 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai 2019, 23 juin 2020 et 10 novembre 2020, M. B..., Mme H..., M. E... et la société Atrium, représentés par Me D..., demandent, dans le dernier état de leurs écritures, à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804503/6-1 du 24 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2017 de la garde des sceaux, ministre de la justice, révélée par la modification du statut de la demande sur le portail " OPM - Officiers publics ou ministériels " de la société Atrium tendant à être nommée titulaire d'un office notarial dans la zone de Paris, en tant que cette décision déclare la caducité de cette demande et de celle de M. B... tendant à être nommé notaire associé exerçant au sein de la société Atrium, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance par la décision du 13 octobre 2017 des dispositions de l'article L. 212-2 1° du code des relations entre le public et l'administration ;

- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 13 octobre 2017 a été écarté à tort par les premiers juges comme inopérant ;

- les premiers juges ont ajouté à la loi en opposant l'absence de demande de communication des motifs de la décision du 13 octobre 2017 pour écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision méconnaît le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense ;

- la décision du 13 octobre 2017 ne comporte ni le nom, ni le prénom, ni la qualité de son auteur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-2 1° du code des relations entre le public et l'administration ;

- la caducité d'une demande de nomination à un office ne peut pas en l'absence de texte affecter un tiers, la société Atrium n'étant pas la même personne morale que la société Eunomia, personne morale différente ne comprenant pas strictement les mêmes associés au sens de l'arrêté n° JUSC1702103A du 24 janvier 2017 ; ainsi la ministre de la justice a-t-elle méconnu l'article 52 du décret du 5 juillet 1973, qui prévoit la caducité seulement dans les cas où un même demandeur a déjà été nommé dans un autre office ;

- les décisions attaquées méconnaissent le principe d'égalité entre sociétés candidates ainsi qu'entre notaires déjà associés et notaires non encore associés, car il est notoire que le ministère de la justice a admis en cours de procédure dans d'autres dossiers des modifications affectant les suppliques des notaires associés d'une structure à créer après le tirage au sort et en fonction des négociations entre associés pour déterminer qui exercera dans le nouvel office ;

- M. B... avait la faculté de présenter des demandes de nomination à titre individuel et en qualité d'associés de personnes morales, qui est reconnue aux notaires déjà installés et était permise par l'article 6 de l'arrêté n° JUSC1702103A du 24 janvier 2017 dans sa rédaction antérieure à la modification introduite par les articles 1er, 2°, et 3° du décret n° 2018-971 du 9 novembre 2018 ;

- l'existence d'une demande présentée individuellement par M. B... est sans incidence sur la demande de la société Atrium en raison de l'illégalité de l'article 6 de l'arrêté n° JUSC1702103A du 24 janvier 2017 et sur la date de publication de la demande de la société Atrium qui si elle a été enregistrée le lendemain de la demande de M. B... car elle n'a pas été déposée par la même personne et ne peut donc être considérée comme étant surnuméraire ;

- les décisions attaquées sont fondées sur l'article 6 de l'arrêté n° JUSC1702103A du 24 janvier 2017 qui est illégal puisque, d'une part, il méconnaît l'article 8 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, l'article L. 210-6 du code de commerce, le principe d'autonomie des personnes morales et à l'article 4 de la loi contenant organisation du notariat (loi 25 ventôse an XI) et l'article 51 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 et, d'autre part, il a été pris par une autorité incompétente ;

- l'article 52 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 n'est pas applicable à la demande de la société Atrium qui n'a jamais été nommée en qualité de titulaire d'un office, ni à la supplique de M. B... qui n'a jamais été nommé en qualité d'associé exerçant dans une société titulaire d'un office ; il ne doit y avoir aucune automaticité entre la décision de rejet de la demande la société Atrium et de celle de M. B... et la caducité éventuelle des demandes de Mme H... et de M. E... à être nommés en qualité d'associés exerçant de la société Atrium du fait de leur nomination en cette qualité dans un office à Lyon ;

- la ministre de la justice n'était pas en compétence liée pour prendre les décisions attaquées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'en application de l'article 52 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 elle était en situation de compétence liée pour constater la caducité de la demande de la " SAS Atrium notaires " et celle de la demande de M. B..., ainsi les moyens soulevés sont inopérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 modifié par le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 ;

- le décret n° 93-78 du 13 janvier 1993, modifié par le décret 2016-880 du 29 juin 2016 ;

- l'arrêté du 24 janvier 2017 fixant les modalités des opérations de tirages au sort prévues à l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;

- l'arrêté du 3 octobre 2017 portant nomination d'une société d'exercice libéral par actions simplifiée (NOR : JUSC1727684A) ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B..., Mme H..., M. E... et la société Atrium.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exercice libéral par actions simplifiée " Atrium, notaires " en cours de création et composée de trois associés, Mme A... H..., M. F... B... et M. G... E..., a déposé le 17 novembre 2016 une candidature pour l'attribution d'un office notarial dans la zone de Paris dans le cadre de la création de nouveaux offices de notaire prévue par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Les intéressés ont également déposé une demande de nomination en qualité de notaires associés exerçant au sein de cette société par courriers des 21 et 22 novembre 2016. Par arrêté du 3 octobre 2017, Mme H... et M. E... ont été nommés notaires associés dans la société d'exercice libéral par actions simplifiée " Eunomia, notaires ", titulaire d'un office créé à la résidence de Lyon. Lors de la consultation du portail OPM - Officiers publics ou ministériels, ils ont constaté que leur demande avait fait l'objet d'une modification de son statut qui est passée de " reçue " à l'état " R " le 13 octobre 2017, correspondant soit au fait que le demandeur a renoncé à sa demande ou à prêter serment après nomination, ou que la demande a fait l'objet d'une décision de rejet ou que la demande a été déclarée caduque. Par un courrier du 5 mars 2018 notifié le 7 mars 2018, Mme H... et MM. B... et E... ont présenté à la garde des sceaux, ministre de la justice, un recours gracieux contre la décision ayant provoqué ce changement de statut, révélée par la modification des mentions apposées sur ce portail. Une décision implicite de rejet de leur recours gracieux est née du silence gardé par la ministre de la justice sur cette demande. Le recours formé par Mme H... et MM. B... et E... et la société Atrium devant le tribunal administratif de Paris contre la décision du 13 octobre 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de la société Atrium tendant à être nommée titulaire d'un office notarial dans la zone de Paris et la demande de M. B... tendant à être nommé notaire associé exerçant au sein de la société Atrium et la décision implicite rejetant leur recours gracieux a été rejeté par un jugement en date du 24 avril 2019 dont ils relèvent appel devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration, " Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : 1° Les décisions administratives qui sont notifiées au public par l'intermédiaire d'un téléservice conforme à l'article L. 112-9 et aux articles 9 à 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ainsi que les actes préparatoires à ces décisions ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la copie d'écran du portail OPM - Officiers publics ou ministériels fait apparaître l'état de la demande des requérants correspondant à son niveau de traitement par le bureau de la gestion des officiers ministériels. Or, si elle permet de constater l'existence d'une modification du statut de leur dossier avec la mention R apposée le 13 octobre 2017 correspondant au fait que le demandeur a renoncé à sa demande ou à prêter serment après nomination, ou que la demande a fait l'objet d'une décision de rejet ou que la demande a été déclarée caduque, cette indication ne peut être regardée comme constituant une décision en tant que telle. Elle révèle, en revanche, l'existence d'une décision non formalisée par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté comme caduque la demande de la société Atrium tendant à être nommée titulaire d'un office notarial dans la zone de Paris ainsi que la demande enregistrée conjointement de M. B... tendant à être nommé notaire associé exerçant au sein de la société Atrium. Il s'en suit que le moyen selon lequel cette décision non formalisée, qui par définition n'a pas été notifiée, méconnaît les dispositions de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant. Par suite, la circonstance que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 4 du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : " La demande de nomination d'une société régie par les dispositions de l'article 3 est présentée par le mandataire de la société ou, si celle-ci n'est pas encore constituée, par le mandataire des associés, conjointement à la demande de nomination de ceux des associés qui entendent exercer la profession de notaire dans l'office. (...) ".

5. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 51 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire : " Les demandes sont enregistrées par téléprocédure sur le site internet du ministère de la justice. Elles sont horodatées. La demande mentionne la zone choisie parmi celles figurant sur la carte susmentionnée et, au sein de cette zone, la commune dans laquelle le demandeur souhaite être nommé. Chaque demandeur ne peut déposer qu'une seule demande par zone (...) ". En application de l'article 52 du même décret, " Pour chaque zone fixée par la carte, les demandes sont instruites suivant leur ordre d'enregistrement. (...) / La nomination en qualité de titulaire d'un office ou en qualité d'associé d'une société titulaire d'un office à tout moment de la procédure entraîne la caducité de toute autre demande de nomination sur un office à créer formée par l'intéressé. (...) ".

6. Ainsi, en application de l'article 4 du décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 précité, une demande de nomination dans la zone de Paris a été déposée pour la société Atrium en cours de création composée de trois associés, Mme H..., M. B... et M. E... par le mandataire des associés, conjointement à la demande individuelle de nomination de ces trois associés qui entendaient exercer la profession de notaire dans cet office à créer. Ces demandes ont fait l'objet d'un seul numéro d'enregistrement le 17 novembre 2016 au nom de la société Atrium en application de l'article 51 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973. Or, par arrêté du 3 octobre 2017, Mme H... et M. E..., qui avaient formé concomitamment une demande dans une autre zone, ont été nommés notaires associés dans la société d'exercice libéral par actions simplifiée " Eunomia, notaires ", titulaire d'un office créé à la résidence de Lyon. Par suite, en application de l'article 52 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité, cette nomination de Mme H... et de M. E... en qualité d'associés d'une société titulaire d'un office en cours de procédure entraînait la caducité de leur autre demande de nomination qui avait été enregistrée sous un numéro unique au nom de la société d'exercice libéral par actions simplifiée " Atrium, notaires ", entraînant par voie de conséquence la caducité de la demande de nomination de M. B... en tant qu'associé qui entendait exercer la profession de notaire dans l'office notarial dont la société Atrium demandait l'attribution. Il s'en suit que la Garde des Sceaux est fondée à soutenir qu'elle était en situation de compétence liée pour constater, par la décision non formalisée attaquée, la caducité de ces deux demandes enregistrées sous le même numéro. Tous les moyens de légalité externe et de légalité interne soulevés par les requérants sont donc inopérants.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B..., Mme H..., M. E... et la société Atrium ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. L'ensemble des conclusions de leur requête d'appel ne peut qu'être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B..., de Mme H..., de M. E... et de la société Atrium est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme A... H..., à M. G... E..., à la société d'exercice libéral par actions simplifiée " Atrium, notaires " et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président de la formation de jugement,

- Mme C..., premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA01677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01677
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-02 Professions, charges et offices. Accès aux professions.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ROLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-30;19pa01677 ?
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