Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a révoqué du corps des instituteurs du premier degré, ensemble la décision, en date du 26 octobre 2018, de rejet de son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de procéder à sa réintégration.
Par un jugement n° 1900002 du 28 mai 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900002 du 28 mai 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 et la décision du 26 octobre 2018 de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de le réintégrer dans le corps des instituteurs du premier degré, dans un délai de quinze jour à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de substituer à la révocation une sanction de déplacement d'office ;
4°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure disciplinaire est entachée d'un manquement aux principes du contradictoire, de loyauté et d'impartialité, en méconnaissance des droits de la défense ;
- la sanction est disproportionnée par rapport aux faits.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me Philippot, avocat de M. B....
Une note en délibéré a été présentée le 13 décembre 2020 pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été titularisé dans le corps des instituteurs de l'enseignement du premier degré de Nouvelle-Calédonie par un arrêté du 4 janvier 2010 et affecté à l'école élémentaire Hnassé Wé dans la commune de Lifou. Par arrêté du 10 février 2016, il a été détaché, sur sa demande, comme instituteur spécialisé en Section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et affecté au collège Laura Boulé, dans la même commune, pour y enseigner tout en suivant une formation en alternance afin d'obtenir le certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPASH). A la suite d'un rapport de la principale de son collège et d'une inspection pédagogique extraordinaire diligentée le 21 septembre 2016, il a été suspendu à titre conservatoire par arrêté du 7 octobre 2016. Convoqué à un conseil de discipline le 23 février 2017, il a fait l'objet, le 19 juin 2018, d'un arrêté de révocation du corps des instituteurs de premier degré. Par une décision du 26 octobre 2018, son recours gracieux a été rejeté. M. B... fait appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité externe de l'arrêté du 19 juin 2018 :
2. M. B... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, en raison de manquements aux principes du contradictoire, de loyauté et d'impartialité dans la procédure disciplinaire menée préalablement à la décision de révocation. Il ne produit cependant aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la légalité interne de l'arrêté du 19 juin 2018 :
3. Aux termes de l'article 56 de l'arrêté du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux de la Nouvelle-Calédonie : " Les sanctions disciplinaires sont : a) l'avertissement, / b) le blâme, / c) la radiation du tableau d'avancement, / d) le déplacement d'office, / e) l'abaissement d'échelon, / f) la rétrogradation, / g) la révocation sans suspension des droits à pension ; / h) la révocation avec suspension des droits à pension. " Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la faute.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 15 septembre 2016 par la principale du collège, des déclarations de M. B... devant le conseil de discipline du 23 février 2017 et des comptes rendus d'audition par la gendarmerie nationale de neuf enfants mineurs et trois personnes travaillant au collège, dont la principale, qui sont produits en appel par M. B..., qu'entre son affectation, en février 2016, au collège Laura Boulé, et son départ en vacances début août 2016, M. B... a commis, à l'égard de ses élèves de sixième et cinquième, des faits répétés de violences physiques, en giflant un élève, tapant un élève au visage avec une grande équerre, donnant des coups de cahier au visage d'un élève, frappant un élève au front, un autre au ventre, en assénant des coups de marqueur sur le front d'élèves, ou en tapant derrière la tête d'un élève, mais aussi de violences verbales et d'insultes. Il en ressort également que, pendant les cours, il tapait du pied, serrait les poings, criait fréquemment, et provoquait ainsi la crainte de ses élèves qui ne souhaitaient plus assister à ses cours. La circonstance que le conseil de discipline n'a pas abouti à une majorité des voix sur la sanction à proposer est sans incidence sur l'existence et la matérialité de ces faits, dont M. B... conteste seulement l'intensité et les conséquences. Il ne conteste pas plus qu'ils sont constitutifs d'une faute.
5. Pour justifier la révocation infligée, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a retenu que ces faits étaient constitutifs d'une atteinte au devoir de sécurité envers sa classe ainsi que d'un manquement à l'honneur, jetaient la déconsidération sur l'administration, et portaient atteinte au crédit et à la confiance des parents envers le vice-rectorat et l'établissement au sein duquel il enseigne. Le requérant fait valoir, d'une part, qu'il s'agissait de gestes d'agacement, sans violence ni force, d'autre part, que la difficulté de ses élèves et l'alternance entre les périodes de formation et de cours rendaient le contexte stressant, et enfin que des appréciations positives reçues dans ses fonctions témoignent de l'attachement à son métier. Il indique également qu'il n'a pas été condamné pour ces faits, qui ont été examinés par la déléguée du procureur de la République, à la suite de sa plainte, déposée le 1er octobre 2018, pour dénonciation calomnieuse, classée sans suite, mais a seulement reçu, le 25 février 2019, un rappel à la loi pour violence par une personne chargée de mission de service public sans incapacité. Toutefois, eu égard au caractère répété voire constant, pendant les mois en cause, des gestes violents infligés à ceux qu'il était censé instruire, doublés de propos insultants et grossiers, à la vulnérabilité particulière des élèves de sixième et cinquième victimes de ces agissements, notablement de ceux des classes de SEGPA, et à l'exemplarité attendue d'un enseignant, la sanction de révocation doit être regardée comme proportionnée aux fautes commises.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées à fins d'injonction et d'astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce dernier fondement par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- M. D..., premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02458 2