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22/12/2020 | FRANCE | N°18PA02062

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 décembre 2020, 18PA02062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL TMGM a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été assignés au titre, respectivement, de la période du 1er octobre 2009 au 31 mai 2013 et de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012

, ainsi que des amendes fiscales qui lui ont été infligées au titre des exercice...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL TMGM a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été assignés au titre, respectivement, de la période du 1er octobre 2009 au 31 mai 2013 et de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des amendes fiscales qui lui ont été infligées au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1601773 du 26 avril 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 18 juin 2018, le 21 janvier 2019, le 12 juillet 2019 et le 28 octobre 2019, la SARL TMGM, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601773 du 26 avril 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités.

Elle soutient que :

- des documents comptables pourraient avoir été irrégulièrement examinés avant la remise de l'avis de vérification ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne l'informant pas, d'une part, des renseignements obtenus de tiers antérieurement au contrôle inopiné et, d'autre part, des informations obtenues sur le logiciel " Webgamer " ainsi que de l'utilisation d'une base école ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'utilisation du logiciel de suppression des ventes " Webgamer " et ne pouvait dès lors rejeter la comptabilité ;

- l'administration ne démontre pas la pertinence du montant du " ticket moyen " qu'elle a retenu pour la reconstitution de son chiffre d'affaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 août 2018, le 19 avril 2019, le 6 août 2019 et le 20 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL TMGM, qui exploite un restaurant à Melun, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2009 au 31 mai 2013. A l'issue des opérations de contrôle l'administration fiscale lui a notifié, par deux propositions de rectification datées des 20 décembre 2013 et 23 juin 2014, selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, en droits et pénalités, des rehaussements d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er octobre 2009 au 31 mai 2013, et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, infligée au titre des exercices clos en 2011 et 2012. La SARL TMGM fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'état contradictoire des constatations matérielles établi le 11 juillet 2013 et signé par le gérant de la SARL TMGM, auquel se réfère la proposition de rectification du 23 juin 2014, et n'est pas contesté que les agents de l'administration fiscale qui se sont présentés dans les locaux de la société, après avoir décliné leur noms et qualités et indiqué l'objet de leur visite, ont remis au gérant un avis de vérification de comptabilité, daté du même jour, et que ce n'est qu'" une fois ces formalités accomplies " qu'ils ont procédé à une visite des locaux et à des constatations matérielles. Le moyen tiré de ce que des documents comptables pourraient avoir été examinés avant la remise de l'avis de vérification doit, dans ces conditions, être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

5. D'une part, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'administration aurait utilisé des renseignements relatifs à l'utilisation par la requérante d'un logiciel déterminé, obtenus de tiers antérieurement au contrôle inopiné, pour établir les impositions litigieuses. D'autre part, la seule mention, dans l'annexe 1 de la proposition de rectification du 23 juin 2014, de l'utilisation d'une " base école " expliquant les caractéristiques générales du système de caisse PI Electronique ainsi que de l'algorithme de calcul des " checksums " ne suffit pas à établir que l'administration ne disposait pas, comme elle le soutient, des connaissances relatives aux fonctionnalités du logiciel " PI Electronique " analysé, couramment utilisé par les entreprises de restauration, ni qu'elle aurait nécessairement eu besoin d'obtenir cette information auprès de tiers, alors que le vérificateur était assisté d'un inspecteur de la cellule de contrôle informatisé de la direction spécialisée du contrôle fiscal d'Ile-de-France Est. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B précité doit donc être écarté dans ses deux branches comme inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Pour rejeter la comptabilité de la société, le service a relevé que les comparaisons opérées entre les versions informatiques différentes des mêmes fichiers comptables ont révélé que de nombreux tickets réglés en espèce avaient été supprimés, que d'autres avaient été renumérotés après les suppressions, et que des incohérences existaient entre les numéros de tickets suivants et le nombre de tickets de la bande de contrôle. Le service a en outre constaté, au regard notamment des numéros de tickets et des compteurs de lignes, que, pour masquer les suppressions opérées, des informations avaient été recalculées massivement au sein des fichiers, mettant en évidence l'utilisation d'un logiciel externe au système et dédié à la dissimulation de recettes. Il a relevé 7 656 tickets manquants et 95 états récapitulatifs " RAZ " qui comportaient des anomalies et des compteurs finaux incohérents au titre de l'exercice clos en 2010, 9 608 tickets manquants, 164 états " RAZ " comportant des anomalies sur les transferts de tables, 45 états " RAZ " comportant des compteurs finaux incohérents et 3 757 lignes de règlements comportant de 2 à 46 clefs de contrôle différentes au titre de l'exercice clos en 2011, 10 917 tickets manquants, 388 états récapitulatifs " RAZ " avec des anomalies sur les transferts de tables au titre de l'exercice clos en 2012 et 6 140 tickets manquants et 266 états " RAZ " comportant des anomalies sur les transferts de tables au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 mai 2013. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable au rejet de la comptabilité après avoir observé que l'administration avait relevé un ensemble d'éléments précis et suffisants de nature à ôter toute valeur probante à la comptabilité présentée.

7. La société requérante ne conteste pas l'existence des anomalies ainsi relevées sur l'ensemble de la période vérifiée et se borne à faire valoir que l'administration ne démontre pas l'installation du logiciel frauduleux de suppression de recettes " Webgamer ", qui n'a pas été retrouvé installé sur l'ordinateur de la société, et que les éventuelles suppressions de tickets pourraient provenir d'erreurs de caisse, de manipulations ou de corrections sur les commandes tapées dans le système par les serveurs. Elle ajoute que les tickets ne sont pas classés par numéros mais par ordre chronologique, ce que ne conteste pas l'administration, qui indique qu'elle a déterminé le numéro de ticket le plus élevé en analysant chaque bande de contrôle dans son intégralité. Par ces seuls arguments, qui ne sont relatifs qu'aux origines techniques des anomalies constatées, la requérante ne conteste pas utilement l'existence de graves irrégularités entachant sa comptabilité. L'administration doit donc être regardée comme établissant que la comptabilité de la SARL TMGM ne présentait pas de caractère probant et sincère pour chacun des exercices en litige. Elle était dès lors fondée à rejeter la comptabilité présentée et à procéder à la reconstitution des recettes de la société.

8. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. " Les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l'avis rendu le 16 mars 2015 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il incombe dès lors à la société requérante de démontrer l'exagération des impositions qu'elle conteste.

9. Pour reconstituer les recettes de la société TMGM au titre de l'ensemble de la période vérifiée, le service vérificateur a déterminé les recettes supprimées en multipliant le nombre de tickets manquants par le montant du ticket moyen constaté parmi les tickets non supprimés. La société n'apporte pas la preuve qui lui incombe en se bornant à indiquer que, selon l'expert informatique qu'elle a sollicité, le ticket moyen, qu'il a calculé sur seulement six jours au cours de la période en cause de trois ans, était d'un montant 40 % inférieur au ticket moyen retenu par le service, et qu'il aurait dû être calculé sur les seuls tickets réglés en espèces. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration ne s'est pas fondée sur les seuls 24 fichiers de caisse provisoire qu'elle cite, parmi près de 2000 existant sur la période, mais les a exhaustivement examinés ainsi qu'il ressort de l'annexe 2 de la proposition de rectification. Enfin, si la société requérante allègue que les taux de marge brute et de valeur ajoutée en pourcentage du chiffre d'affaires qui ressortent des données reconstituées par le service sont incompatibles avec les normes admises dans ce type d'activité et dans des établissements similaires, elle n'établit pas par ces seules affirmations que le chiffre d'affaires reconstitué serait exagéré ou ne correspondrait pas à la réalité de son fonctionnement.

10. Dès lors que, ainsi qu'il résulte des points 2 à 9 du présent arrêt, les impositions litigieuses sont fondées, les conclusions en décharge des majorations, amendes et intérêts de retard présentées par seule voie de conséquence du caractère non fondé de ces impositions doivent être rejetées.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL TMGM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge, en droits et pénalités.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL TMGM est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL TMGM et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02062 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02062
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CABINET VEYSSADE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-22;18pa02062 ?
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