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17/12/2020 | FRANCE | N°20PA00627,20PA00671

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 20PA00627,20PA00671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1925645 du 10 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2019, lui a enjoint de procéder au réex

amen de la situation de M. B... dans un délai de quinze jours à compter de la notificat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1925645 du 10 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2019, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20PA00627 le 18 février 2020, le préfet de police demande à la cour

1°) d'annuler le jugement n° 1925645 du 10 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné a considéré que l'arrêté était insuffisamment motivé au regard de l'absence de mention des éléments ayant permis de déterminer que l'Autriche était responsable de la demande d'asile de M. B... ;

- les autres moyens soulevés par ce dernier devant le tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, M. B..., représenté par

Me D..., conclut à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20PA00671 le 21 février 2020, le préfet de police demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1925645 du

10 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les moyens développés dans sa requête au fond sont sérieux et justifient l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la requête de M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, M. B..., représenté par

Me D..., conclut à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 12 novembre 2020, dans le dossier enregistré sous le n° 20PA00627, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré d'un non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police dans la mesure où l'arrêté de transfert du

8 novembre 2019 n'est plus susceptible d'exécution (décision du Conseil d'Etat n° 420708 du

24 septembre 2018).

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né en 1996, entré irrégulièrement sur le territoire français courant août 2019, a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 13 septembre puis le 16 septembre 2019. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités bulgares le 7 septembre 2016 et par les autorités autrichiennes le 8 août 2019. Le préfet de police a saisi les autorités bulgares et autrichiennes d'une demande de reprise en charge le 18 septembre 2019. Les autorités autrichiennes ont donné leur accord le 20 septembre 2019, sur le fondement du b) du

1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les autorités bulgares ont fait connaitre leur désaccord le 8 octobre 2019. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 8 novembre 2019, de remettre M. B... aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 10 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de police étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Par deux décisions du 19 mai 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

4. Le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

7. Il ressort de tout ce qui précède que si le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. B..., fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, a commencé à courir à compter de la décision d'acceptation de la reprise en charge de l'intéressé par l'Autriche le 20 septembre 2019, il a été interrompu le 21 novembre 2019 par la présentation d'une requête devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police ordonnant la remise de l'intéressé aux autorités autrichiennes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du 21 janvier 2020, date à laquelle le préfet de police est réputé, en application de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, avoir eu notification du jugement du 10 janvier 2020 mis à sa disposition le jeudi 17 janvier 2020 dans l'application Télérecours. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale aurait décidé de porter à un an ou dix-huit mois le délai de transfert de l'intéressé après avoir constaté qu'il aurait été emprisonné ou aurait pris la fuite. Il n'en ressort pas davantage que la décision contestée aurait été matériellement exécutée. Dans ces conditions, la décision de transfert de l'intéressé aux autorités autrichiennes est devenue caduque dès le 17 juillet 2020. Par suite, à la date du présent arrêt, l'Autriche a été libérée de son obligation de reprise en charge de l'intéressé et la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile a été transférée à la France. Les requêtes du préfet de police sont, dès lors, devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de

M. B....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes du préfet de police enregistrées sous les numéros 20PA00627 et 20PA00671.

Article 3 : Les conclusions de M. B... relatives aux frais de l'instance sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. C..., premier vice-président,

Mme A..., premier conseiller,

Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

Le rapporteur,

M-D. A...Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 20PA00627, 20PA00671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00627,20PA00671
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AARPI ANGLADE et PAFUNDII

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-17;20pa00627.20pa00671 ?
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