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17/12/2020 | FRANCE | N°19PA01913

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 19PA01913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 18 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association Service interentreprises de santé au travail (SISTRA) à le licencier.

Par un jugement n° 1800322 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 juin 2019, 22 janvier 2020 et 28 janvier

2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 18 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association Service interentreprises de santé au travail (SISTRA) à le licencier.

Par un jugement n° 1800322 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 juin 2019, 22 janvier 2020 et 28 janvier 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 18 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est irrégulière dès lors qu'elle a été prise sans que soit préalablement recueilli l'avis du médecin inspecteur du travail et sans que l'administration, qui ne justifie pas avoir effectivement cherché à remédier à la vacance de cet emploi dans un délai raisonnable, ne puisse se prévaloir de la théorie de la formalité impossible ;

- le principe général des droits de la défense a été méconnu dès lors qu'il n'a pas été convoqué ni entendu devant la commission de contrôle ;

- l'avis du médecin inspecteur du travail et la convocation devant la commission de contrôle constituent des garanties établies dans l'intérêt du salarié à laquelle l'employeur ne saurait se soustraire ;

- les faits qui lui sont reprochés sont dépourvus de caractère fautif car sa position vis-à-vis de son employeur résulte des carences successives de ce dernier, notamment du refus persistant et injustifié de le réintégrer après l'annulation de deux autorisations de licenciement ; les faits qui lui sont reprochés n'ont pas été appréciés au regard du comportement de son employeur ;

- sa demande de congés était justifiée dès lors qu'il entendait rentrer en Belgique pour rendre visite à sa famille ; durant son absence, son agenda était vierge de toute convocation, de sorte que le SISTRA ne peut lui reprocher d'être à l'origine d'une désorganisation du service ; il ne peut davantage lui reprocher des rendez-vous non assurés qui sont antérieurs à sa réintégration.

Par un mémoire enregistré le 21 août 2019, l'association Service interentreprises de santé au travail (SISTRA), représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 250 000 francs Pacifique soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2020, la Polynésie française, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 janvier 2020.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code du travail de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté le 14 mai 2005 en qualité de médecin du travail auprès du SISTRA, qui assure des prestations de service de santé au travail. Par deux arrêts du 13 mars 2017, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les décisions du 24 février 2014 et du 20 avril 2015 par lesquelles l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement. La réintégration de M. A... au sein de son service a eu lieu le 21 février 2018. Par un courrier du 29 mai 2018, le SISTRA a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A.... Par une décision du 18 juillet 2018, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. M. A... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article Lp 4622-6 du code du travail de la Polynésie française : " Tout projet de licenciement d'un médecin du travail doit obligatoirement être soumis pour avis à la commission de contrôle ou au comité d'entreprise. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail, rendue dans les mêmes conditions et selon les mêmes procédures que celles prévues pour les représentants du personnel. / La décision de l'inspecteur du travail est prise après avis du médecin inspecteur du travail ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'inspecteur du travail a été saisi de la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., le 29 mai 2018, l'unique poste de médecin inspecteur du travail au sein de la direction du travail de la Polynésie française était vacant depuis le 27 avril 2018, en raison de la démission de son titulaire. La Polynésie française verse au dossier un courriel interne à la direction du travail établissant que des appels à candidature pour pourvoir ce poste ont été lancés à compter du 12 juillet 2018, dans un délai qui n'était pas déraisonnable, et il ressort en outre de la communication adressée au président de la Polynésie française en conseil des ministres le 19 septembre 2018 qu'une seule candidature a été reçue et a donné lieu à une demande d'agrément pour un recrutement en septembre 2018. Dès lors, eu égard à l'impossibilité de recueillir l'avis du médecin inspecteur du travail au cours de la période d'instruction de la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une irrégularité du fait de cette absence de consultation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune disposition que l'avis de la commission de contrôle exigé en application des dispositions citées au point 2 du présent arrêt doive être précédé de la possibilité pour le salarié de faire valoir ses observations orales ou écrites devant cette commission. Si M. A... soutient que cette absence de convocation l'a empêché de faire valoir ses observations en défense, il ne conteste pas que, par un courrier du 16 mai 2018, il a explicitement manifesté son refus de se rendre à l'entretien préalable fixé le même jour et qu'il ne s'est pas non plus présenté à l'entretien fixé le 4 juillet 2018 dans le cadre de l'enquête contradictoire. Ainsi M. A..., qui ne développe par ailleurs aucunement les arguments qu'il aurait entendu porter à la connaissance de la commission de contrôle, a été mis en mesure de faire valoir utilement ses observations en défense. Les moyens tirés de ce que la décision en litige serait irrégulière du fait d'une absence de convocation devant cette commission et de ce que le principe général des droits de la défense aurait été méconnu doit par suite être écarté.

5. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le jour même de sa réintégration effective au sein du SISTRA, le 21 février 2018, M. A... a adressé une demande de congés légaux et de congés sans solde pour la période du 13 mars au 20 avril 2018. Par un courriel du 8 mars 2018, son employeur a rejeté sa demande, au regard notamment des difficultés rencontrées par le service pour assurer pleinement son activité. Par un courrier du 12 mars 2018, M. A... a renouvelé sa demande de congés. Au cours de la réunion de service du même jour puis par courriel, son employeur a confirmé le refus de lui accorder les congés sollicités. L'intéressé, qui ne conteste pas qu'il a décidé sciemment de passer outre le rejet de sa demande de congés ainsi que la mise en demeure qui lui a été faite le 4 avril 2018, ne s'est pas présenté à son poste de travail du 13 mars au 20 avril 2018, soit pendant une durée de trente-deux jours. Contrairement à ce que soutient M. A..., ni la programmation depuis le mois de décembre 2017 d'un séjour en Belgique afin de rejoindre une partie de sa famille, ni le délai avec lequel le SISTRA a procédé à sa réintégration au sein du service ne constituent des circonstances de nature à ôter à cette absence, particulièrement longue et intervenue en méconnaissant délibérément les instructions de son employeur, son caractère fautif. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que cette absence est intervenue alors que son service était en sous-effectif et, si M. A... soutient qu'aucune visite n'était programmé au cours de sa période d'absence, les plannings du SISTRA versés au dossier montrent qu'entre le 15 mars et le 29 mars au moins, quatorze rendez-vous auprès de différentes entreprises relevant de son secteur ont dû être confiés à quatre autres médecins du service. De plus, par un courriel du 14 mars 2018 adressé au SISTRA, les services de l'une de ces entreprises s'inquiétaient de l'annulation des visites prévues pour le mois de mars et de " la capacité du SISTRA à assurer ses missions ". Dans ces conditions, l'absence non autorisée de l'intéressé constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme que la Polynésie française et l'association SISTRA demandent sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française et par l'association Service interentreprises de santé au travail sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à la Polynésie française et à l'association Service interentreprises de santé au travail.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. E...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19PA01913

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01913
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : NEUFFER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-17;19pa01913 ?
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