La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2020 | FRANCE | N°20PA02564,20PA02565

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 décembre 2020, 20PA02564,20PA02565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert vers les autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2010545/8 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020 sous le n° 20PA02564, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour : <

br>
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

2°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert vers les autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2010545/8 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020 sous le n° 20PA02564, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

2°) d'annuler le jugement n° 2010545/8 du 6 août 2020 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

5°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne permet pas d'identifier le critère retenu pour la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été destinataire de l'ensemble des brochures dans une langue qu'il comprend ainsi que de la notice d'information ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas établi, compte tenu de l'absence de mention du nom et de la qualité de l'agent, que l'entretien a été mené par une personne qualifiée ni qu'il s'est déroulé dans une langue qu'il comprend ;

- l'arrêté querellé méconnait les dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance des informations relative à la mise en oeuvre de son transfert ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que la Suède ayant définitivement rejeté sa demande d'asile, sa remise aux autorités de ce pays entrainera nécessairement son renvoi en Afghanistan où il craint pour sa vie compte tenu de son appartenance à l'ethnie Hazara ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision de transfert sur sa situation personnelle en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire compte tenu des traumatismes psychologiques qu'il a subi en Afghanistan et des conséquences sur son état de santé qu'entrainerait son renvoi forcé dans son pays d'origine.

Le préfet de police a produit un mémoire en défense le 30 novembre 2020, soit après la clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020 sous le n° 20PA02565, M. B... représenté par Me C..., demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2010545/8 du 6 août 2020 du tribunal administratif de Paris et de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par deux décisions du 3 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me C..., avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, a été reçu en préfecture le 11 mars 2020 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités suédoises le 20 novembre 2015 et par les autorités néerlandaises le 14 février 2020, le préfet de police a saisi le 17 mars 2020 les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement par une décision du 19 mars 2020. Par un arrêté du 6 juillet 2020, le préfet de police a décidé du transfert de M. B... aux autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement du 6 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2020 prononçant son transfert aux autorités suédoises.

2. Les requêtes susvisées n° 20PA02564 et n° 20PA02565, présentées par M. B..., tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 6 août 2020 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par deux décisions du 3 septembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la requête n° 20PA02564 :

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement précité.

6. L'arrêté en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement CE n° 1560-2003 de la commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. B... a demandé l'asile en France le 11 mars 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Suède le 20 novembre 2015 et aux Pays-Bas le 14 février 2020. L'arrêté mentionne que le préfet de police a saisi le 17 mars 2020 les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont accepté leur responsabilité par un accord du 19 mars 2020 en application des dispositions de l'article 18-1-d de ce même règlement. Il indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intéressé ne pouvant se prévaloir d'une vie stable et n'établissant pas être dans l'impossibilité de retourner en Suède et enfin qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, qui satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions précitées, ne permet pas d'identifier le critère dont il est fait application pour prononcer son transfert aux autorités suédoises. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ".

8. Il ressort du mémoire en défense du préfet de police enregistré le 27 juillet 2020 et des documents produits le 28 juillet 2020 par le préfet de police en annexes d'une note en délibéré que M. B... s'est vu remettre contre signature, le 11 mars 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et le guide du demandeur d'asile, le 12 mars 2020, la brochure Eurodac et la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), que ces documents lui ont été remis en langue dari, langue officielle de l'Afghanistan, dont l'intéressé n'a ni allégué, ni établi ne pas comprendre. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. /4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. " Aux termes de l'article 4 de la directive n° 32/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 3. Les États membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé. À cette fin, les États membres prévoient une formation pertinente, qui comporte les éléments énumérés à l'article 6, paragraphe 4, points a) à e), du règlement (UE) n°439/2010 (...) ".

10. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un tel entretien le 12 mars 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue, ainsi qu'il a été dit, que l'intéressé n'a ni allégué ni établi ne pas comprendre. De même, il ressort du résumé de l'entretien que M. B... a eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable alors que l'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. B... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. B... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. ".

12. M. B... soutient que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 au motif qu'il n'est pas établi qu'il aurait porté à sa connaissance les informations relatives à la mise en oeuvre du transfert, notamment s'agissant des informations relatives à l'hypothèse où il souhaiterait exécuter le transfert par ses propres moyens, ni que ces informations lui auraient été délivrées au moyen d'un laissez-passer. D'une part, si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délai de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité. D'autre part, les dispositions citées au point précédent n'imposent pas la mention systématique des informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter mais précisent uniquement que ces informations sont indiquées " si nécessaire ". Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'allègue pas avoir avisé les autorités françaises de son intention de se rendre par ses propres moyens dans l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur d'asile vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. " Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe par en vertu des critères fixés par le présent règlement ".

14. M. B... soutient que, ayant été définitivement débouté de sa demande d'asile en Suède, son renvoi dans ce pays entrainerait par ricochet son renvoi dans son pays d'origine, l'Afghanistan, où il craint des persécutions tant en raison de son appartenance à la confession chiite que de son appartenance à l'ethnie Hazara. Il soutient également que son renvoi en Afghanistan le soumettrait à des traitements inhumains et dégradants compte tenu des traumatismes psychologiques subis dans son pays d'origine. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet, ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers l'Afghanistan, mais seulement de prononcer son transfert en Suède. Par ailleurs, la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or les articles de presse et les rapports internationaux produits par l'intéressé et faisant état d'attaques à l'encontre des membres de l'ethnie Hazara, ainsi que la circonstance que la Cour nationale du droit d'asile accorde le bénéfice de la protection subsidiaire aux ressortissants afghans appartenant à cette ethnie ou aux ressortissants afghans de confession chiite, ne constituent pas des éléments permettant d'établir qu'il existerait des défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que la demande d'asile de M. B... a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'Office national des migrations du

22 juillet 2017, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Stockholm du 28 novembre 2017 et par une décision du 14 janvier 2020 de la Cour administrative d'appel de Stockholm, que les autorités suédoises n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2020 décidant de sa remise aux autorités suédoises. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 20PA02565 :

16. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA02564 de M. B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 6 août 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA02565 par laquelle M. B... sollicitait de la Cour le sursis à exécution du jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02565.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Vinot, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N°s 20PA02564, 20PA02565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02564,20PA02565
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AARPI ANGLADE et PAFUNDII

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-15;20pa02564.20pa02565 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award