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15/12/2020 | FRANCE | N°20PA00118,20PA00130

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 décembre 2020, 20PA00118,20PA00130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1920480/1-3 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 14...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1920480/1-3 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 14 janvier 2020 sous le n° 20PA00118, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1920480/1-3 du 16 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que le premier juge n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que le préfet de la Savoie aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de celles-ci au regard de la poursuite de ses études ;

- le premier juge a dénaturé les pièces du dossier en considérant que l'arrêté contesté n'était pas entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- l'arrêté litigieux repose sur des faits matériellement inexacts ;

- l'arrêté querellé méconnait les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplissait les conditions posées par cet article pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Savoie, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 9 octobre 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée le 14 janvier 2020 par M. D....

Un mémoire a été présenté le 1er décembre 2020, soit après la clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2020 sous le n° 20PA00130, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n°1920480/1-3 du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions posées par l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

La requête a été communiquée au préfet de la Savoie, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 29 juin 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée le 15 janvier 2020 par M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant camerounais né le 8 février 2001 à Bafoussem, est entré en France en 2017 en qualité de mineur non accompagné. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de Paris à la suite d'une ordonnance du 16 avril 2018 du juge des enfants. Il a ensuite conclu un contrat jeune majeur à compter du 1er août 2019. Il a été interpellé le 31 août 2019 par les services de la police aux frontières lors du retour d'un voyage en provenance de l'Italie pour refus de se soumettre à une mesure d'éloignement et rébellion. Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. D... relève appel du jugement du

16 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Les requêtes susvisées n° 20PA00118 et n° 20PA00130, présentées par M. D..., tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 16 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par deux décisions des 29 juin et 9 octobre 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a constaté la caducité des demandes d'aide juridictionnelle présentées par M. D.... En conséquence, il n'y a plus lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la requête n° 20PA00118 :

- Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ".

5. Pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Savoie au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant, le premier juge a relevé que si M. D... faisait valoir qu'il justifiait de son assiduité à la formation professionnelle qui lui était dispensée, son comportement constituait une menace à l'ordre public, il n'était pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et connaissait des antécédents judiciaires en France et en Italie. Dès lors, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par le requérant, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

- Sur la légalité de l'arrêté du 2 septembre 2019 :

6. En premier lieu, si M. D... soutient que le premier juge aurait dénaturé les pièces du dossier en considérant que le préfet de la Savoie n'avait pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le moyen tiré de la dénaturation des faits n'est pas susceptible d'être utilement soulevé devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation. Par suite, ce moyen doit être écarté. A supposer toutefois que M. D... ait entendu soutenir que le préfet de la Savoie n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet a tenu compte du fait que M. D... était pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et bénéficiait, à ce titre, d'un contrat " jeune majeur ". Quand bien même que le préfet de la Savoie n'a pas fait expressément état de la scolarisation de M. D... en 2ème année de certificat d'aptitude professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation.

7. En deuxième lieu, si M. D... soutient que la décision attaquée reposerait sur des faits matériellement inexacts dès lors que le préfet de la Savoie a considéré que l'intéressé n'avait pas déclaré la présence de sa mère en France pour pouvoir bénéficier d'une prise en charge en tant que mineur isolé, il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal d'audition rédigé le 1er septembre 2019 à 14 heures 20 par les services de la police aux frontières de Modane à la suite de l'interpellation de M. D..., que ce dernier a lui-même déclaré que sa mère résidait à Paris depuis trois ans et qu'il ne pouvait vivre avec elle s'il souhaitait que sa situation de personne isolée, ainsi que ses études, soient prises en charge. Si M. D... soutient qu'en évoquant sa mère, il désignait en réalité une personne membre d'une association d'accompagnement des jeunes majeurs isolés par laquelle il est régulièrement suivi, il ressort de ce procès-verbal d'audition qu'il faisait en réalité référence à sa mère biologique, dont il a donné l'identité.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

9. M. D... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision contestée des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, et par conséquent, ne sont pas susceptibles de faire obstacle, le cas échéant, au prononcé d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il remplirait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en application de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2017 et qu'il suit, de manière réelle et sérieuse, les cours de 2ème année de certificat d'aptitude professionnelle " commercialisation et services en Hôtellerie-Café-Restauration " au sein de l'établissement régional d'enseignement adapté Alexandre Dumas. Il ressort cependant des pièces du dossier que le requérant, qui a des antécédents judiciaires en Italie, a fait l'objet de signalements les 1er novembre 2017 et 9 mars 2018 pour vol simple auprès de la communauté de brigade de Parthenay et de la direction départementale de la sécurité publique de Paris, le 25 juin 2018 pour rébellion auprès de la direction départementale de la sécurité publique de Paris, et enfin le 14 juillet 2019 pour agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans auprès de la direction départementale de la sécurité publique de Paris, la prise en compte de ces éléments alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation n'étant, contrairement à ce qu'il soutient, pas de nature à porter atteinte au principe de présomption d'innocence dès lors qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir pas le caractère erroné de ces faits, ainsi relevés par les forces de l'ordre. Au demeurant, le requérant n'établit pas avoir noué en France des liens personnels et familiaux stables et durables et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident, son père, son frère, ses oncles et tantes, et cousins. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance de Paris à compter du 17 avril 2018, puis a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " à compter du 1er août 2019, M. D... ne justifie pas, même s'il a intégré un cursus de certificat d'aptitude professionnelle mention " commercialisation et service en Hôtellerie-Café-Restauration " au sein duquel il a obtenu de bons résultats, d'une réelle intégration dans la société française. Dans ces conditions,

M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 20PA00130 :

12. La Cour rejetant, par le présent arrêt, la requête n° 20PA00130 de M. D... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 16 décembre 2019, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA00130 par laquelle M. D... sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle

Article 2 : La requête de M. D... enregistrée sous le n° 20PA00118 est rejetée.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. D... enregistrée sous le n° 20PA00130.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20PA00118, 20PA00130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00118,20PA00130
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : OGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-15;20pa00118.20pa00130 ?
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