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15/12/2020 | FRANCE | N°19PA02779

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 décembre 2020, 19PA02779


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Néo-Calédonienne d'Energie (ENERCAL) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 2018-1425/GNC du 19 juin 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation des tarifs de l'électricité applicable au titre du 3ème trimestre 2018 et l'arrêté n° 2018-2377/GNC du 25 septembre 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation applicable pour le 4ème trimestre 2018.

Par jugement n°1800462 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Nouve

lle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Néo-Calédonienne d'Energie (ENERCAL) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 2018-1425/GNC du 19 juin 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation des tarifs de l'électricité applicable au titre du 3ème trimestre 2018 et l'arrêté n° 2018-2377/GNC du 25 septembre 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation applicable pour le 4ème trimestre 2018.

Par jugement n°1800462 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 août 2019 et 8 mai 2020, la société Enercal, représentée par son directeur général, représentée par la SELARL d'avocats Royanez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1800462 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2018-1425/GNC du 19 juin 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation des tarifs de l'électricité applicable au titre du 3ème trimestre 2018 et l'arrêté n° 2018-2377/GNC du 25 septembre 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation applicable pour le 4ème trimestre 2018 ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 600 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en fixant dans les arrêtés attaqués le montant de la composante de stabilisation des troisièmes et quatrièmes trimestres 2018 et en décidant ainsi leur répercussion sur l'indice transport (IT), lui-même intégré dans l'indice distribution (ID), sans avoir préalablement procédé au versement de la compensation financière à son bénéfice, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a méconnu les exigences de l'article 29 de la délibération n° 195 du 5 mars 2012 relative au système électrique de la Nouvelle-Calédonie, entachant ainsi ces deux arrêtés d'illégalité ;

- le courrier daté du 31 décembre 2019 qui lui a été adressé par le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, reconnaissant que la requérante est devenue le " banquier du système électrique ", confirme l'illégalité du non versement de la compensation ; le défaut de versement de la compensation méconnaît l'article 29 de la délibération éclairé par les travaux préparatoires préalables à son adoption ;

- les arrêtés attaqués, en ce qu'ils fixent une compensation non versée, portent atteinte à ses droits de concessionnaire du transport de l'électricité sur la Nouvelle-Calédonie et à la situation qu'elle avait acquise, en méconnaissance du principe selon lequel une autorité administrative ne peut pas remettre en cause des actes créateurs de droit devenus définitifs ;

- les arrêtés attaqués sont illégaux par conséquence de l'illégalité de la délibération du

5 mars 2012 qui résulte de ce qu'elle n'impose pas le versement des compensations, méconnaissant ainsi les principes constitutionnels d'intelligibilité de clarté de la norme ainsi que le principe de sécurité juridique en imposant une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées.

Par des mémoires, enregistrés les 6 janvier et 30 septembre 2020, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la société Enercal ;

2°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de société Enercal en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 2018-1425/GNC du 19 juin 2018 sont tardives et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 195 du 5 mars 2012 relative au système électrique de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'arrêté n° 2012-1365/GNC du 12 juin 2012 relatif à la commission des coûts du système électrique ;

- l'arrêté n° 2013-1905/GNC du 23 juillet 2013 fixant les règles de calcul des tarifs de vente de l'électricité ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me B..., avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Par application des dispositions des points 20 et 26 de l'article 22 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de production et transport d'énergie électrique, réglementation de la distribution d'énergie électrique ainsi qu'en matière de réglementation des prix. Dans le cadre de ses compétences, le congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté la délibération n° 195 du 5 mars 2012 relative au système électrique de la Nouvelle-Calédonie qui prévoit dans son article 28 les règles relatives au système tarifaire de l'électricité et à leur révision trimestrielle à l'article 29. En application de cet acte, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a adopté le 23 juillet 2013 l'arrêté n° 2013/1905/GNC fixant les règles de calcul des tarifs de vente de l'électricité et notamment précisant la formule de calcul de l'indice d'actualisation de ces tarifs. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a, ensuite, fixé le montant de la composante de stabilisation des tarifs de l'électricité applicable au titre du 3ème trimestre 2018 par l'arrêté n° 2018-1425/GNC du 19 juin 2018 et pour le 4ème trimestre 2018 par l'arrêté n° 2018-2377/GNC du 25 septembre 2018. La société Néo-Calédonienne d'Energie (Enercal), en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport d'électricité, doit en application des réglementations précitées garantir aux consommateurs des prix de vente stable dans le temps en contrepartie d'une compensation financière que peut décider de lui verser le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Le 26 juillet 2018, elle a sollicité auprès du gouvernement de Nouvelle-Calédonie le bénéfice de cette compensation financière qui lui a été refusé. Elle a, alors, demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 2018-1425/GNC du 19 juin 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation des tarifs de l'électricité applicable au titre du 3ème trimestre 2018 et l'arrêté n° 2018-2377/GNC du 25 septembre 2018 fixant le montant de la composante de stabilisation applicable pour le 4e trimestre 2018. Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande par jugement n°1800462 du

28 mai 2019, dont la société relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 29 de la délibération du 5 mars 2012 visée ci-dessus : " Révision des tarifs applicables à la vente d'électricité - Les tarifs de la grille tarifaire sont révisés trimestriellement par l'application d'indice d'actualisation dont les formules de calcul sont déterminées par arrêté du gouvernement. Les tarifs sont révisés en tenant compte des coûts d'achat à la production, des coûts d'investissement et d'exploitation des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution, conformément aux principes de rémunération décrits au chapitre 2 du présent titre. Les formules tiennent compte également de l'évolution de ces coûts. Les formules peuvent également prendre en compte, d'une part, le rattrapage sur une période de sous ou sur-rémunérations antérieures et, d'autre part, l'existence de compensation financière prévue à l'alinéa suivant. / Pour éviter ou atténuer une augmentation des tarifs publics de l'électricité, le gouvernement peut recourir au versement d'une compensation financière à l'attention du gestionnaire du réseau public de transport qui en répercute les effets sur l'ensemble de la chaîne tarifaire, afin notamment de maintenir la rémunération attendue par les opérateurs. Dans ce cas, une convention d'objectif et de moyen est établie entre la Nouvelle-Calédonie et le gestionnaire de réseau public de transport afin de définir les modalités d'attribution de la compensation financière. / Les tarifs sont publiés avant le premier jour de chaque trimestre civil au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie et sont applicables pour toute la durée du trimestre civil ".

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que si le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie décide, dans le cadre de la révision trimestrielle des tarifs de la grille tarifaire applicable à la vente d'électricité, d'éviter ou d'atténuer une augmentation des tarifs publics de l'électricité, il a la possibilité et non l'obligation de recourir au versement d'une compensation financière accompagnée de la signature d'une convention d'objectif et de moyen présentant les modalités de répercussion de cette compensation sur l'ensemble de la chaîne tarifaire. Ainsi, il est loisible à la société requérante, si elle s'y croit fondée, de contester la légalité de la décision de la Nouvelle-Calédonie de ne pas lui verser effectivement la compensation financière fixée par un arrêté, ou de rechercher la responsabilité de cette collectivité pour ne pas avoir proposé à sa signature une convention d'objectif et de moyen déterminant les modalités de l'attribution et du versement d'une telle compensation. Or il résulte des termes mêmes des écritures de la société requérante que l'intégration des composantes de stabilisation dans l'indice pris en compte pour fixer le tarif des transports, qu'elle critique, a été introduite dans l'arrêté n°2016-1927/GNC du 13 septembre 2016, dans lequel selon la requérante a été introduite " une modification importante en changeant la détermination de la variable " Kp " par l'intégration des composantes de stabilisation ", et non dans les arrêtés en litige. Dans ces conditions, la société requérante, qui n'établit pas ni n'allègue qu'elle aurait contesté un quelconque refus du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de proposer à sa signature une telle convention, n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant les arrêtés attaqués le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie aurait méconnu les dispositions de l'article 29 de la délibération du 5 mars 2012.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'examen des extraits des travaux préparatoires à l'adoption de la délibération du 5 mars 2012, produits par la société Enercal, que les arrêtés attaqués méconnaîtraient les dispositions de l'article 29 éclairées par ces travaux préparatoires. Par ailleurs, si la société Enercal se prévaut des termes d'un courrier daté du 31 décembre 2019 du Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie reconnaissant que la requérante est devenue le " banquier du système électrique " et que " cette situation n'est plus soutenable " pour contester le défaut de versement de la compensation financière fixée par les arrêtés, il ressort des termes de ce même courrier que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie s'y est engagé à définir les solutions permettant " d'aboutir à un apurement des compensations financières non réglées ". Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la charge de trésorerie qu'elle supporte, du fait du retard pris dans le versement des compensations fixées par les arrêtés en litige, pour demander l'annulation de ces arrêtés.

5. En troisième lieu, la société Enercal n'apporte aucune précision sur les conditions fixant les droits qu'elle détient en qualité de concessionnaire du transport de l'électricité, et n'apporte aucun document utile à ce sujet. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaitraient ses droits acquis ou le principe de sécurité juridique.

6. Enfin, la société Enercal se prévaut par voie d'exception de l'illégalité de la délibération du 5 mars 2012 susvisée sur laquelle sont fondés les arrêtés contestés. Cependant, la circonstance que cette délibération ne précise pas clairement les conditions dans lesquelles doit intervenir le versement des compensations n'est pas de nature en elle-même à l'entacher d'illégalité, dès lors que les dispositions de son article 29, citées au point 2, renvoient sur ce point à une convention d'objectif et de moyen à établir entre la Nouvelle-Calédonie et le gestionnaire de réseau public de transport. De plus, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des dispositions de cet article 29 qu'elles auraient pour objet ou pourraient avoir pour effet en elles-mêmes de permettre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne pas verser les compensations fixées par les arrêtés pris en application de cette délibération. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la délibération du 5 mars 2012 au motif qu'elle méconnaîtrait le principes d'intelligibilité et de clarté de la norme et celui de sécurité juridique.

7. Il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, que la société Enercal n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n°1800462 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société Enercal la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Enercal, par application des mêmes dispositions, une somme à verser au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Enercal est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Néo-Calédonienne d'Energie et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie sera adressée, pour information, au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au Haut - Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02779


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02779
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-04 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des prix.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS ROYANEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-15;19pa02779 ?
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