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10/12/2020 | FRANCE | N°20PA01921

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20PA01921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 16 février 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montceaux-lès-Meaux (Seine-et-Marne) a décidé l'acquisition par voie de préemption du bien dit " Château des Reines ", situé 10 B rue de Lizy, appartenant à M. E....

Par un jugement n° 1801942 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération attaquée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enr

egistrée le 27 juillet 2020 et un mémoire enregistré le 27 octobre 2020, le Commune de Montceaux-l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 16 février 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montceaux-lès-Meaux (Seine-et-Marne) a décidé l'acquisition par voie de préemption du bien dit " Château des Reines ", situé 10 B rue de Lizy, appartenant à M. E....

Par un jugement n° 1801942 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération attaquée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2020 et un mémoire enregistré le 27 octobre 2020, le Commune de Montceaux-lès-Meaux, représentée par Me F...), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801942 du 12 juin 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... C... devant le tribunal administratif de Melun

43°) de mettre à la charge de M. D... C... le versement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération litigieuse n'est pas entachée d'incompétence, dès lors que le maire n'a saisi le conseil municipal qu'à fin de l'informer de sa décision de préempter le bien ; en outre, la délégation consentie par le conseil municipal pour l'exercice du droit de préemption ne portait que sur des biens d'une valeur inférieure à 50 000 euros, alors que le bien faisant l'objet de la délibération litigieuse a été adjugé à la valeur de 111 000 euros ;

- cette délibération est suffisamment motivée, puisqu'il suffit que le titulaire du droit de préemption justifie de la réalité du projet d'aménagement qui le fonde, qui existait effectivement à la date de son adoption, et qu'il fait l'objet d'une description précise ; ainsi, la réalité et la consistance de ce projet sont établis ;

- l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales n'a pas été méconnu, le conseil municipal ayant été régulièrement convoqué en réunion extraordinaire, dans les délais prévus par la loi, et alors que l'intimé n'est pas conseiller municipal, et que la délibération a été adoptée à l'unanimité ;

- l'inexactitude matérielle affectant la mention de la superficie du bien préempté est sans influence sur sa légalité ;

- la décision de préemption a été régulièrement notifiée au greffe du tribunal de grande instance de Meaux ;

- la mention de l'article R. 213-12 du code de l'urbanisme n'est pas irrégulière, dès lors que le prix a été fixé par une décision de justice ;

- la délibération litigieuse a été transmise au représentant de l'État le 26 février 2018, soit dans le délai de deux mois requis par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, et publiée le même jour.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2020, M. D... C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 6 000 euros à la charge de la commune requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me de Jorna, avocat de la commune de Monceaux-lès-Meaux, et Me A..., avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C... a été déclaré par le tribunal de grande instance de Meaux adjudicataire du bien dénommé " Château des Reines ", dans la commune de Montceaux-lès-Meaux (Seine-et-Marne), pour un prix de 111 000 euros. Par une délibération du 16 février 2018, le conseil municipal de Montceaux-lès-Meaux a décidé d'acquérir ce bien par voie de préemption. M. C... demande l'annulation de cette délibération. L'adjudicataire ayant saisi le tribunal administratif de Melun d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de cette délibération, cette juridiction en a prononcé l'annulation par un jugement du 12 juin 2020 dont la commune relève appel devant la Cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme [...], la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation [...] en l'état du dossier. " En application de ces dispositions, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération litigieuse au double motif que, d'une part, elle est entachée d'incompétence, le conseil municipal ayant antérieurement délégué au maire l'exercice des droits de préemption et que, d'autre part, elle est insuffisamment motivée, faute de mentionner les éléments de nature à caractériser la réalité du projet d'aménagement qui la fonde.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme (...). S'il est constant que le conseil municipal de la commune de Montceaux-lès-Meaux a délégué, par une délibération en date du 17 novembre 2014, l'exercice des droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, il a néanmoins expressément assorti cette délégation d'une limite à un montant d'achat du bien préempté de 50 000 euros. Par suite, et alors que le bien faisant en l'espèce l'objet de l'exercice du droit de préemption a été adjugé à M. C... pour la somme de 110 000 euros, et que la délibération retient ce même prix d'achat, le conseil municipal n'est pas intervenu dans une matière antérieurement déléguée au maire sur le fondement des dispositions législatives précitées. M. C... n'était donc pas fondé à soutenir, devant les premiers juges, que la délibération litigieuse est entachée d'incompétence, tandis la commune appelante est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce moyen est susceptible de fonder l'annulation de ladite délibération.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

6. En outre, si est seule applicable aux décisions de préemption l'obligation de motivation instituée par le deuxième alinéa l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, selon lequel toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel est exercé ce droit, cette obligation présente le caractère d'une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité la décision de préemption. La circonstance, alléguée devant le juge, que la commune aurait eu, à la date de la décision de préemption, un projet suffisamment précis justifiant cette décision est sans incidence sur le vice de forme qui l'affecte.

7. En l'espèce, la commune a motivé comme suit l'exercice du droit de préemption par la délibération litigieuse : " la commune doit acquérir ses terrains et cette propriété puisqu'ils seront utilisés pour continuer sa démarche de mise en valeur du patrimoine communal, surtout depuis l'obtention du label village de caractère en 2016. Ainsi de nombreux projets pourront être mis en place avec un intérêt patrimonial et culturel architectural paysager historique en collaboration avec l'office de tourisme du pays de Meaux et le musée de la Grande guerre ". De tels motifs, eu égard à leur généralité, ne peuvent être regardés comme justifiant de la réalité d'un projet d'action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, ni comme faisant apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption elle-même. Il s'ensuit que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a regardé le moyen comme susceptible de fonder l'annulation de la délibération querellée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de la commune de Montceaux-lès-Meaux doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Montceaux-lès-Meaux, qui succombe dans la présente instance, le versement de la somme globale de 1 500 euros à M. C.... Les mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune, partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montceaux-lès-Meaux est rejetée.

Article 2 : La commune de Montceaux-lès-Meaux versera la somme de 1 500 euros à M. D... C....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montceaux-lès-Meaux et à M. D... C....

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA01921


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