La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°20PA01650

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 20PA01650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1927263 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 j

uillet 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1927263 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1927263 du 3 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- en ce qui concerne la décision de refus de séjour, elle est entachée d'un vice d'incompétence, l'arrêté de délégation de signature n'étant pas signé par le préfet de police ;

- la décision est insuffisamment motivée et n'a pas été prise après un examen complet de sa situation personnelle ;

- le préfet de police a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, elle est illégale par voie d'exception ;

- en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, elle est illégale par voie d'exception ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet de police a méconnu l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me Benveniste, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien, a sollicité son admission au séjour sur le territoire français au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 19 novembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... fait appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, par un arrêté du 18 octobre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de police, qui a signé cet arrêté ainsi que l'établissent les pièces produites en défense d'appel, a donné à Mme C..., chef du 9ème bureau, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait.

3. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de l'absence d'examen complet de la situation personnelle du requérant.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". La conclusion d'un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger, soit avec un ressortissant français, soit avec tout ressortissant étranger en situation régulière, n'emporte pas délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire. La conclusion d'un tel contrat constitue cependant, pour l'autorité administrative, un élément de la situation personnelle de l'intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte de séjour sollicitée par le demandeur, compte tenu de l'ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée.

5. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police a examiné l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. B... pour apprécier si une décision de refus de séjour porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et ne s'est pas fondé sur la seule circonstance que l'intéressé n'était pas démuni d'attaches familiales en Egypte. Le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur de droit dans l'application des dispositions mentionnées au point 4 doit ainsi être écarté.

6. D'autre part, si M. B..., entré en France en 2013 selon ses déclarations, a conclu le 29 novembre 2017 un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français et justifie d'une vie commune avec celui-ci depuis le mois de juin 2017, cette union présentait un caractère récent à la date de l'arrêté attaqué. Selon ses propres déclarations, il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente ans en Egypte, où résident sa mère et sa fratrie, aucun élément du dossier ne remettant en cause les liens avec la famille. Par ailleurs, M. B..., qui s'est borné à produire un contrat de travail à durée déterminée conclu en novembre 2015, ne justifie d'aucune ressource ni d'aucun emploi, ni d'aucune insertion particulière dans la société française, qui ne résulte pas du seul apprentissage de la langue française. Au vu de ces éléments, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. B..., le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision de refus de séjour a été prise. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour, au titre de sa vie privée et familiale ou en qualité de salarié. Le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus du titre de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus du titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. B... soutient qu'il est exposé à des menaces physiques en cas de retour en Egypte et ne pourrait y mener une vie normale en raison de sa religion chrétienne copte et de son homosexualité. Toutefois, en se bornant à faire état de documents d'ordre général sur la situation en Egypte, il ne produit aucune pièce permettant d'établir la réalité et la nature des risques et des menaces auxquels il serait personnellement exposé en raison de ses convictions religieuses et de son orientation sexuelle. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le pays de destination.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit dès lors être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Marion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAMLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01650
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa01650 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award