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10/12/2020 | FRANCE | N°20PA01366

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 20PA01366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1926557 du 5 mars 2020 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jug

ement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2020 ;

2°) d'annuler les décisions de refus de titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1926557 du 5 mars 2020 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2020 ;

2°) d'annuler les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français du 12 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, dans le délai d'un mois sous astreinte de cinquante euros par jour de retard :

- à titre principal, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, soit un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 313-14 ou L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers, soit un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ou, à titre subsidiaire, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la motivation du jugement est insuffisante ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- les décisions attaquées sont signées par une autorité incompétente ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivé en fait et l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit ;

- le préfet a méconnu l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal en faisant application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en tout état de cause, il justifie de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être admis au séjour sur ce fondement ;

- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires modifié par l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion, rapporteur,

- et les observations de Me A..., pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est un ressortissant sénégalais, né le 15 février 1974 à Kounghany au Sénégal. Il est entré en France le 9 septembre 2010 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable 30 jours. Le 15 novembre 2018, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 42 de l'accord du 23 septembre 2006 modifié et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 novembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de renvoi. M. B... a demandé l'annulation des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour temporaire et d'obligation de quitter le territoire français. Le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande par un jugement n° 1926557 du 5 mars 2020 dont M. B... fait appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Paris a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande de M. B.... Ce dernier n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

3. Le requérant soutient que le jugement repose sur une motivation contradictoire entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. A supposer que les premiers juges aient commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation, de telles erreurs n'entachent pas la régularité du jugement mais seulement son bien-fondé qu'il appartient au juge d'appel d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la compétence du signataire des décisions attaquées :

4. M. B... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient signées par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement.

Sur les moyens propres à la décision de refus de séjour :

En ce qui concerne la motivation :

5. La décision vise notamment l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle précise que la situation de M. B..., appréciée notamment, d'une part " au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi auquel il postule et de l'ancienneté de son séjour en France " et, d'autre part, du fait qu'il est " célibataire, sans charge de famille en France " et " qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa fratrie " ne relève pas d'une admission au séjour répondant à des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié :

6. D'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Les ressortissants sénégalais sont donc soumis à la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi qu'à l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.

7. D'autre part, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; /

- soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".

8. Enfin, le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

9. Le paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, stipule expressément que les ressortissants sénégalais en situation irrégulière sur le territoire français sont soumis à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police n'a donc pas méconnu le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006 en examinant la situation de M. B... à l'aune des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que l'admission au séjour de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14, la seule circonstance que l'activité professionnelle d'agent de service corresponde à l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'accord du 23 septembre 2006 modifié n'est pas de nature à lui ouvrir droit à un titre de séjour " salarié ". Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait faire application de l'article L. 313-14 ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

10. M. B... soutient qu'au regard de la durée de son séjour en France de neuf années et de son activité professionnelle déclarée d'agent de service dans une entreprise de nettoyage, son admission au séjour était justifiée par des motifs exceptionnels. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé alors qu'il séjournait irrégulièrement sur le territoire français s'est fait embaucher par la société AMS Nettoyage sous couvert d'une fausse identité et que les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir avec certitude sa présence continue sur le territoire français pendant les neuf années qui séparent son entrée régulière en France, le 9 septembre 2010, et la décision de refus de séjour opposée par le préfet, le 12 novembre 2019. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que son admission exceptionnelle au séjour serait justifiée au regard des motifs qu'il fait valoir ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

11. M. B..., âgé de 36 ans lors de son arrivée en France, est célibataire et sans enfants et ne se prévaut que de la présence d'un frère en France alors que le reste de sa famille composé de sa mère et de trois de ses frères vit toujours au Sénégal. Son métier d'agent de service, obtenu sous couvert d'une usurpation d'identité, ne lui procure que de faibles revenus. Dans ces conditions, l'intéressé ne justifie pas de la stabilité et de l'intensité de ses liens personnels, professionnels et familiaux depuis son arrivée en France. Par suite la décision de refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les moyens propres à l'obligation de quitter le territoire français :

12. La décision d'obligation de quitter le territoire français se borne à mentionner l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans indiquer sur lequel des huit cas envisagés par le I de cet article, le préfet de police a entendu fonder sa décision. Toutefois, le rappel des faits - à savoir l'entrée régulière le 9 septembre 2010 sous couvert d'un passeport revêtue d'un visa Schengen de 30 jours et la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée seulement le 15 novembre 2018 - permet de savoir que la décision a été prise sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 et de connaitre ainsi les considérations de droit ayant constitué le fondement de l'obligation de quitter le territoire français.

13. L'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux exposés s'agissant de la décision de refus de titre de séjour au point 9 du présent arrêt.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

I. MARIONLe président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01366 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01366
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa01366 ?
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