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10/12/2020 | FRANCE | N°20PA00477

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 20PA00477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet de police l'a transférée aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1920322 du 15 novembre 2019, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 10 février et 30 mars 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :<

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1°) d'annuler le jugement n° 1920322 du 15 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet de police l'a transférée aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1920322 du 15 novembre 2019, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 10 février et 30 mars 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1920322 du 15 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de police du 26 août 2019 de transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande d'asile dans le délai de trois jours suivant l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés pour l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, car elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel par un agent préfectoral qualifié et n'a pas été informée de l'identité de l'interprète en langue bambara qui l'a assistée pendant cet entretien ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 17 paragraphe 1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et précise que Mme A... se trouve en situation de fuite au sens du 2. de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de sorte que le délai d'exécution de l'arrêté de transfert est porté de 6 à 18 mois.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré d'un non-lieu à statuer sur la requête de Mme D... A... dans la mesure où l'arrêté de transfert du 26 août 2019 n'est plus susceptible d'exécution (Conseil d'État, n° 420708 du 24 septembre 2018).

Une réponse au moyen d'ordre public, présentée par le préfet de police, a été enregistrée le 24 novembre 2020. Le préfet de police fait valoir que Mme A... est en situation de fuite de sorte que la décision de transfert est exécutoire pendant dix-huit mois à compter de la notification, le 18 novembre 2019, du jugement du 15 novembre 2019, soit jusqu'au 18 mai 2021.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 7 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a déclaré être une ressortissante ivoirienne, née le 24 décembre 1984, à Odiné (Côte d'Ivoire) et être mère d'une enfant mineure, née le 24 octobre 2009 à Tafire (Côte d'Ivoire). Elle s'est présentée à la préfecture de police, les 5 et 8 juillet 2019, pour y demander l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressée était entrée irrégulièrement en Espagne le 13 mars 2019. Suite à la demande du préfet de police en date du 8 juillet 2019, les autorités espagnoles ont expressément accepté, le 24 juillet 2019, de prendre en charge Mme A... et sa fille mineure. Par un arrêté du 26 août 2019, le préfet de police a décidé de transférer Mme A... aux autorités espagnoles. Par un jugement du 15 novembre 2019, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d'annulation de cette arrêté. Mme A... fait appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

3. Mme A... soutient que le préfet de police n'a pas suffisamment motivé sa décision, elle n'a pas pu comprendre les motifs permettant de déclarer l'Espagne comme l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile. Toutefois, l'arrêté contesté, après avoir visé, l'ensemble des textes applicables à la situation de l'intéressée, mentionne que Mme A... est entrée irrégulièrement en France, qu'elle a sollicité son admission au titre de la protection internationale le 8 juillet 2019, qu'à la suite de la consultation du fichier Eurodac, il est apparu que ses empreintes avaient été enregistrées le 13 mars 2019 en Espagne où elle a présenté une première demande d'asile, que les autorités espagnoles ont été saisies le 9 juillet 2019 d'une demande de prise en charge en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 et ont fait connaître leur accord à cette prise en charge le 24 juillet 2019, que Mme A... ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable et que les autorités espagnoles ont accepté de prendre en charge son enfant mineur et, enfin, que l'intéressée n'établit pas l'existence d'un risque personnel d'atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités espagnoles. L'arrêté litigieux énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police a fondé sa décision. Par suite, il est suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite le moyen tiré d'une insuffisante motivation et d'un défaut d'examen sérieux ne pourra qu'être écarté.

4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié, le 8 juillet 2019, d'un entretien individuel avec un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile de la préfecture de police, assisté d'un interprète en langue bambara. Si le résumé de cet entretien ne comporte pas le nom et la qualité de l'agent qui l'a conduit, une telle obligation n'est pas prévue par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement. Dès lors que l'entretien de la requérante a été mené par une personne qualifiée au sens du 5. de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit cet entretien individuel n'a pas privé l'intéressée de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. En outre, Mme A... ne conteste pas avoir compris tous les termes de cet entretien et n'apporte aucun élément susceptible d'établir que l'entretien aurait été mené dans des conditions portant atteinte à la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement susvisé du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée (...) même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement (...) ".

7. La faculté pour les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un État tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Si Mme A... soutient que son état de santé et celui de sa fille mineure nécessitent son maintien sur le territoire français, les certificats médicaux et les rendez-vous médicaux, tous postérieurs à l'arrêté attaqué, que la requérante produit, n'établissent pas la gravité des pathologies dont sa fille et elle-même seraient affectées ni l'impossibilité de la faire voyager avec sa fille vers l'Espagne. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il appartenait au préfet de police de faire usage de la clause de souveraineté et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme B..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

S.- L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00477 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00477
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa00477 ?
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