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10/12/2020 | FRANCE | N°20PA00004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20PA00004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités finlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1917408/8 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 15 novembre 2020, M. B..., représen

té par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1917408/8 du 22 octobre 2019 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités finlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1917408/8 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 15 novembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1917408/8 du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'est pas établi que l'entretien individuel a été mené par une personne qualifiée et réalisé par le biais d'un interprète en langue dari ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement précité et de l'article 29 du règlement (UE) 603/2013 dès lors que, d'une part, il s'est présenté à la structure de premier accueil des demandeurs d'asile le 29 avril 2019 et n'a reçu l'ensemble des brochures requises que le 10 mai 2019, et que, d'autre part, il n'est pas établi que celles-ci lui ont été traduites en langue dari ;

- il méconnaît les dispositions des article 21, 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'est pas établi que les autorités finlandaises ont été effectivement saisies de la demande de reprise en charge ;

- le jugement s'est mépris sur le nom du signataire de l'arrêté ;

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté, fondé sur le b) du 1 de l'article 18 du règlement 604/2013 UE, est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités finlandaises ;

- il méconnaît les articles 3.2 et 17.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- aucune substitution de base légale n'est possible.

Par un courrier du 4 juin 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert aux autorités finlandaises du 24 juillet 2019 étaient devenues sans objet à l'expiration d'un délai de six mois à compter du jugement du 22 octobre 2019.

Par un mémoire enregistré le 18 juin 2020, M. B... soutient qu'il y a lieu de statuer sur sa requête, dès lors que le préfet l'a placé en fuite et a prolongé de six à dix-huit mois le délai durant lequel il peut procéder à son transfert.

Par un mémoire en défense enregistré 25 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le 15 novembre 2019 il a prolongé de six à dix-huit mois le délai durant lequel il pourrait être procédé au transfert de M. B... ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 6 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible d'effectuer d''office une substitution de base légale, l'arrêté attaqué pouvant être fondé sur les dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par une décision du 29 novembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement en France où il a sollicité le bénéfice de l'asile le 7 mai 2019 au guichet unique de la préfecture de police. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités finlandaises, le préfet de police a saisi les autorités finlandaises, le 13 mai 2019, d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement le 14 mai 2019. Par un arrêté du 24 juillet 2019, le préfet de police a ordonné le transfert de M. B... aux autorités finlandaises pour l'examen de sa demande d'asile. M. B... fait appel du jugement du 22 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Djilali Guerza, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 12ème bureau, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de police, consentie par l'article 14 de l'arrêté n° 2019-00581 du 1er juillet 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 4 juillet 2019, qui l'autorise à signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le jugement comporte une erreur de plume sur le nom du signataire, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 24 juillet 2019 doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".

4. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaitre qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

5. L'arrêté du 24 juillet 2019 portant transfert de M. B... aux autorités finlandaises vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers. Il indique que " il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. B... D... au moyen du système " EURODAC ", effectuée conformément au règlement n° 603/2013 susvisé, que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités finlandaises le 5 novembre 2015 et danoises le 14 mars 2019 ". Il précise également que les autorités finlandaises ont été saisies le 14 mai 2019 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 (1) (b) du règlement (UE) n° 604/2013, que cette demande a fait l'objet d'un accord implicite le 29 mai 2019 en application de l'article 25-2 de ce même règlement, que les autorités finlandaises ont été informées du transfert le 23 juillet 2019 en application de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 et que " les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à la situation de M. B... D..., qu'en conséquence, au regard des articles 3, 18 (1) (b) et 19, les autorités finlandaises doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de M. B... D... ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté du préfet de police décidant son transfert aux autorités finlandaises n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation ou d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...). 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du résumé de cet entretien, dûment signé par M. B..., que celui-ci a bénéficié d'un entretien individuel le 10 mai 2019 auprès de la préfecture de police. Cet entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la préfecture de police, identifié par des initiales, avec l'assistance d'un interprète en langue dari. En l'absence de tout élément contraire versé au dossier, cet agent doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ".

9. Par ailleurs, il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, le 7 mai 2019, un premier document intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), et le 10 mai 2019, jour de son entretien individuel, un deuxième document intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Il ressort également des pièces du dossier que ces documents, qui comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, lui ont été délivrés en langue farsi, langue très proche du dari, dont on peut raisonnablement supposer que M. B... la comprend. Enfin, la circonstance que ces brochures ne lui ont pas été remises le même jour ne l'a privé d'aucune garantie et n'a pas exercé d'influence sur l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 manque en fait et doit être écarté.

11. En cinquième lieu, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il suit de là que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'État français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Dès lors, M. B... ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 " : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) ". Aux termes de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Réponse à une requête aux fins de reprise en charge " de ce même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les résultats relatifs à la consultation du fichier " Eurodac " par laquelle le préfet de police a constaté que M. B... avait sollicité l'asile auprès des autorités finlandaises, préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, ont été réceptionnés le 7 mai 2019. D'autre part, il ressort de l'accusé de réception en provenance du point d'accès national finlandais que la requête aux fins de reprise en charge de M. B..., enregistrée sous le numéro FR29930267455-750, a été réceptionnée par les autorités finlandaises le 13 mai 2019. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités finlandaises ont accepté de reprendre en charge la demande d'asile de l'intéressé par une décision du 14 mai 2019, le préfet de police pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles 23 et 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, prononcer le transfert de M. B... vers la Finlande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

14. En septième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

15. M. B... soutient que, sa demande d'asile ayant été définitivement rejetée en Finlande, le préfet de police a entaché sa décision d'erreur de droit en se fondant sur les dispositions précitées du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ainsi que d'une erreur de fait.

16. Il ressort des pièces du dossier que si le préfet de police a saisi le 13 mai 2019 les autorités finlandaises d'une demande de reprise en charge de M. B... sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ces autorités ont fait droit à cette demande le 14 mai 2019 sur le fondement du d) du 1 du même article dès lors qu'elles avaient rejeté la demande d'asile de l'intéressé. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités finlandaises ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

17. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

18. En l'espèce, l'arrêté litigieux trouve son fondement légal dans les dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui peuvent être substituées à celles du b) du 1 du même article l'ayant fondé à tort dès lors, d'une part, que M. B... se trouvait dans la situation où, en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, le préfet de police pouvait décider de son transfert aux autorités finlandaises, d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, enfin, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

19. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Aux termes de l'article 17 de ce même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. M. B... soutient que, ayant été définitivement débouté de sa demande d'asile et ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire en Finlande, son renvoi dans ce pays entrainerait par ricochet son renvoi dans son pays d'origine, l'Afghanistan, où il craint pour sa vie compte tenu du climat d'insécurité qui y règne. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers l'Afghanistan mais seulement de prononcer son transfert en Finlande. Par ailleurs, la Finlande, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les articles de presse produits par l'intéressé faisant état du renvoi de ressortissants afghans déboutés de leur demande d'asile en Finlande ne sont pas de nature à établir qu'il existerait des défaillances systémiques en Finlande dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile, à supposer qu'elle ait fait l'objet d'un rejet définitif, ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités finlandaises, alors même que la demande d'asile de M. B... a fait l'objet d'un premier rejet et que la Cour administrative suprême finlandaise n'a pas autorisé son recours contre l'obligation de quitter le pays dont il a fait l'objet, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les articles 3-2 et 17 du règlement du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00004 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00004
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa00004 ?
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