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10/12/2020 | FRANCE | N°19PA04113

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 19PA04113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La succession indivise C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016.

Par un jugement n° 1801446 du 22 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête des de cujus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregis

trée le 19 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 29 juillet 2020, l'indivision C..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La succession indivise C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016.

Par un jugement n° 1801446 du 22 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête des de cujus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 29 juillet 2020, l'indivision C..., représentée par Me B... et Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801446 du 22 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités tant d'assiette que de recouvrement, de la taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016, pour un montant de 46 650 euros assorties des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'indivision C... soutient que :

- les locaux sont redevenus à usage d'habitation depuis le 1er janvier 2010 ;

- l'administration était au courant depuis le 22 juillet 2009 du départ du cabinet d'avocats locataire des locaux constaté par procès-verbal de constat d'huissier ;

- la proposition de rectification du 21 décembre 2016 n'a pas été retirée parce que le feu propriétaire était hospitalisé et est décédé le 31 janvier suivant ;

- l'administration l'a invitée à souscrire le formulaire H2 au lieu du formulaire H1 et aucun des formulaires ne devaient être obligatoirement souscrit dans la mesure où le bien était retourné à sa destination d'origine ;

- la famille C... résidait à ladite adresse depuis les années 1960, soit avant la date du 1er janvier 1970 retenue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts ne subordonne la preuve de la destination des locaux à aucun formalisme particulier et dès lors la preuve est libre ;

- l'article L. 175 du livre des procédures fiscales est opposable à l'administration et dès lors elle aurait dû opérer les rectifications en l'absence des déclarations de l'article 1406 du code général des impôts à l'époque du départ du cabinet d'avocat. En s'abstenant de procéder aux rehaussements qui s'imposaient, l'administration a violé le principe d'égalité des contribuables devant la loi ;

- l'administration aurait dû percevoir la taxe sur les logements vacants et non la taxe sur les bureaux ;

- l'ensemble des sommes acquittées doit être remboursé, augmentées des intérêts moratoires soit 46 450 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mars 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 15 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce que le quantum soit limité à hauteur des impositions mises en recouvrement le 30 avril 2017 soit 42 227 euros et au rejet de la demande de l'indivision parce qu'aucun des moyens présentés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'indivision C..., propriétaire d'un hôtel particulier sis 23 avenue Hoche, dans le 8ème arrondissement de Paris, a été assujettie à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement au titre des années 2013 à 2016 dont elle a demandé la décharge au Tribunal administratif de Paris. Elle relève appel du jugement n° 1801446 du 22 octobre 2019 de ce tribunal rejetant ses conclusions et demande la décharge des cotisations supplémentaires contestées.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts : " I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines. / II. - Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel portant sur de tels locaux. / La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable. / III. - La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'État, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ; ". D'autre part, aux termes de l'article 1406 du même code : " I. - Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 321 E de l'annexe III au code général des impôts : " Les constructions nouvelles ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties ou les changements d'utilisation des locaux commerciaux ou professionnels sont déclarés par les propriétaires sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles fixés par le ministre de l'économie et des finances. Il en est de même pour la déclaration mentionnée au I bis de l'article 1406 du code général des impôts ".

3. Il résulte des dispositions précitées que le propriétaire d'un local à usage de bureaux est assujetti à la taxe annuelle instituée à l'article 231 ter du code général des impôts, que le local soit ou non effectivement utilisé comme bureau. Ainsi, la circonstance que les locaux en cause ne soient plus occupés, au 1er janvier de l'année d'imposition, n'a pas pour effet de les exclure du champ d'application de la taxe si lesdits locaux n'ont pas fait l'objet, avant cette date, de la déclaration de changement d'affectation ou d'utilisation prévue par les dispositions combinées des articles 1406 du code général des impôts et 321 E de l'annexe III audit code, dans les quatre-vingt-dix jours de sa réalisation définitive ou bien s'ils n'ont pas fait l'objet d'un réaménagement en vue de les affecter à une activité ou un usage n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 231 de ce code. Il appartient ainsi au propriétaire d'informer l'administration des changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties. Cependant, dans l'hypothèse où le contribuable n'aurait pas informé l'administration par la déclaration susmentionnée, il lui appartient d'établir que le bien n'est plus affecté à un usage de bureaux à la date du 1er janvier de l'année en litige.

4. Il résulte de l'instruction que l'hôtel particulier dont est propriétaire l'indivision C... a été loué à usage de bureau par une société d'avocats et qu'il a été assujetti à la taxe prévue par l'article 231 ter du code général des impôts. La requérante soutient que, la société d'avocat ayant quitté les lieux le 22 juillet 2009 et les locaux étant redevenus à usage d'habitation, elle ne serait plus redevable de la taxe en cause depuis le 1er janvier 2010. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration, l'indivision n'a jamais effectué depuis la date alléguée de libération des locaux la déclaration de changement d'affectation ou d'utilisation prévue par les dispositions combinées des articles 1406 du code général des impôts et 321 E de l'annexe III audit code cité au point 2, alors qu'il est constant qu'elle avait été informée de la nécessité d'une telle déclaration à l'occasion du rejet de sa demande de dégrèvement des sommes acquittées au titre de la même taxe pour les années 2010 à 2012. En outre, la seule production d'un procès-verbal de constat d'huissier établi le 22 juillet 2009 qui dresse l'état des lieux de sortie des locaux de la société d'avocats ne saurait suffire à établir que lesdits locaux seraient redevenus à usage d'habitation comme le soutient la requérante. De même, la circonstance, à la supposée établie, que les locaux auraient été vacants ne saurait suffire à établir leur changement d'affectation. Enfin, la requérante ne peut soutenir sérieusement que l'administration l'aurait induite en erreur en lui suggérant de souscrire un formulaire H2 de changement d'affectation, propre aux appartements, au lieu du formulaire H1 pour les maisons individuelles dans la catégorie de laquelle entrent les hôtels particuliers parisiens dans la mesure où aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'informer les redevables de cette taxe de l'obligation qui leur incombe de signaler les changements de consistance, d'affectation ou d'utilisation de leurs propriétés.

5. Aux termes de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d'habitation et les taxes annexes établies sur les mêmes bases, les omissions ou les insuffisances d'imposition peuvent être réparées à toute époque lorsqu'elles résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations ".

6. L'indivision soutient que l'administration, informée à plusieurs reprises du changement d'affectation de l'immeuble lui appartenant, aurait nécessairement dû, en application des dispositions de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales précitées, engager des procédures de rectification de sa situation fiscale.

7. Toutefois, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit, elle n'établit pas, par la seule production du procès-verbal d'huissier du 22 juillet 2009 que les locaux en cause n'étaient plus à usage de bureau. Elle ne peut ainsi se prévaloir de cet article pour soutenir que l'administration était tenue de prendre en compte la modification dont elle fait état.

8. L'indivision C... ne peut davantage, en second lieu, se prévaloir d'une obligation pour l'administration, de l'assujettir soit à la taxe annuelle sur les bureaux dès 2010 soit à la taxe sur les logements vacants, fondée sur le principe d'égalité des contribuables devant la loi. Le respect de l'égalité des contribuables devant la loi conforme à l'article 6 de la déclaration des droits et du citoyen est garanti par le principe de légalité de l'impôt et par l'application de la loi fiscale, sous le contrôle du juge, plaçant le contribuable dans une situation légale et réglementaire objective.

9. En troisième lieu, si la requérante entend invoquer la non-conformité des dispositions de cet article 175 du livre des procédures fiscales elles-mêmes, ou telles qu'elles seraient interprétées par l'administration ou la jurisprudence, avec l'égalité des contribuables devant la loi, elle ne peut le faire que dans un écrit distinct conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.

10. En quatrième et dernier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, relatives à la détermination au 1er janvier 1970 des locaux entrant dans le champ de l'obligation d'autorisation préalable instituée à compter de cette date par son alinéa 1er pour le changement d'affectation des locaux à usage d'habitation, qui n'ont nullement créé un prétendu principe de retour automatique des locaux à leur affectation d'origine, comme elle le soutient en vain, ces dispositions en matière de construction et d'urbanisme étant dépourvues d'incidence sur les règles d'assiette de la taxe en litige.

11. Il résulte en conséquence de ce qui précède que l'indivision C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance, et celles tendant à l'application de l'article L. 208 du live des procédures fiscales, doit dès lors être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'indivision C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'indivision C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris - pôle contrôle fiscal et affaires juridiques service du contentieux d'appel déconcentré (SCAD).

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

B. D...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04113
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET MONGALVY ET ASSOCIES (SELAS)

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;19pa04113 ?
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