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10/12/2020 | FRANCE | N°19PA03770

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19PA03770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux à lui verser la somme de 90 000 euros, augmentée des intérêts à compter du 9 janvier 2017 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif qui lui a été délivré le 12 juin 2012.

Par un jugement n° 1702957 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procé

dure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2019, M. A... D..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux à lui verser la somme de 90 000 euros, augmentée des intérêts à compter du 9 janvier 2017 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif qui lui a été délivré le 12 juin 2012.

Par un jugement n° 1702957 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2019, M. A... D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702957 du 27 septembre 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux à lui verser la somme de 90 000 euros, augmentée des intérêts à compter du 9 janvier 2017 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif qui lui a été délivré le 12 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le caractère illégal du certificat d'urbanisme est constitutif d'une faute qui ouvre droit à réparation ;

- le tribunal devait examiner la perte de chance de procéder à une opération immobilière ;

- les conditions suspensives n'étaient pas affectées d'un ordre de priorité ;

- le lien de causalité est établi ;

- le préjudice, direct et certain, s'établit à 90 000 euros dont 80 000 euros pour perte de chance de céder le bien dans les meilleures conditions, 5 000 euros au titre de trouble dans ses conditions d'existence et 5 000 euros au titre du préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2020, la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocat de la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., propriétaire d'une parcelle située au 9 bis rue Raymond Poincaré à Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux, a signé une promesse de vente de cette parcelle et a déposé une demande de certificat d'urbanisme opérationnel auprès de la mairie de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux pour la construction de deux immeubles d'habitation de type R+1+ combles sur ce terrain. Le maire a délivré un certificat d'urbanisme négatif le 12 juin 2012 au motif que la zone UB était essentiellement pavillonnaire et que ce projet d'immeuble collectif méconnaissait ainsi l'article UB11 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un jugement n° 1307372 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Melun, saisi d'un déféré préfectoral, a annulé le certificat d'urbanisme négatif au motif qu'il était entaché d'une erreur d'appréciation. Le 9 janvier 2017, M. D... a présenté une demande indemnitaire préalable pour la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif. Le maire de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux a rejeté cette demande le 16 mars 2017. M. D... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette illégalité fautive. Par un jugement n° 1702957 du 27 septembre 2019 dont il est fait appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la faute :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le jugement du 3 décembre 2015 a annulé le certificat d'urbanisme négatif au motif qu'il était entaché d'une erreur d'appréciation, le jugement relevant que le projet prévoyait l'implantation de deux immeubles d'habitation de type R + 1 + combles d'une surface de plancher totale de 1 000 m² dans un quartier sans caractère architectural et urbanistique particulier qui, bien qu'étant principalement pavillonnaire, comprenait déjà des immeubles collectifs de taille comparable et qu'en outre le règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme de la commune n'interdisait pas l'édification des bâtiments d'habitation collectifs. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune

de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux. M. D... est donc en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices directs et certains qui résultent de cette décision illégale.

En ce qui concerne le lien de causalité :

3. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un certificat d'urbanisme illégal revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation sauf circonstances particulières telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.

4. Il résulte de l'instruction que la promesse de vente conclue par M. D... comportait plusieurs conditions suspensives relatives à l'obtention d'un prêt par l'acheteur pressenti, l'absence de révélation par le certificat d'urbanisme d'une servitude grave pouvant déprécier la valeur de l'immeuble vendu et l'absence d'inscriptions à l'état hypothécaire d'un montant supérieur au prix de vente stipulé. Toutefois, ne figurait pas dans la promesse de vente de condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire, ni la mention d'un certificat d'urbanisme opérationnel positif pour un projet déterminé, et contrairement à ce que soutient le requérant, le certificat d'urbanisme négatif délivré ne faisait pas état du caractère inconstructible du terrain. M. D... ne fait pas état des circonstances précises dans lesquelles la promesse de vente a été abandonnée, il ne produit en particulier aucun document émanant de l'acquéreur potentiel exposant les motifs de l'absence de réalisation de la vente. Par suite, l'échec de la vente du bien ne peut être regardé comme ayant été causé de façon suffisamment directe et certaine par la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif, de sorte que le lien de causalité entre la renonciation par l'acquéreur à l'achat de la parcelle en cause et l'illégalité du certificat d'urbanisme négatif délivré à M. D... n'est pas établi.

5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. La commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. D... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées.

7. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Saint-Jean-Les-Deux-Jumeaux.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 19PA03770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03770
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELAS LEXACTUS - SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;19pa03770 ?
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