Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 août 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom.
Par un jugement n° 1717139/4-1 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1717139/4-1 du 6 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 28 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de l'autoriser à changer son nom.
Il soutient que :
- le port du nom A..., également porté par Saïd Benaisse A..., connu pour être le symbole des Musulmans favorables à la France durant la guerre d'Algérie et dont un square, devant lequel il passe régulièrement, porte son nom à Aix-en-Provence, lui porte préjudice ;
- pour la communauté musulmane, A... est un prénom et non un nom ;
- ses enfants portent le nom D... A... ;
- il fait usage du nom D... A... depuis longtemps.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., né le 21 juin 1978, a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, le changement de son nom en " D... A... ". Par une décision du 28 août 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 6 mai 2019, dont il est fait appel, le tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...). ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. En outre, l'usage constant d'un nom pendant une durée significative peut également caractériser un intérêt légitime à changer de nom pour porter le nom d'usage.
3. Si M. A... soutient que son nom lui porte préjudice du fait de la réputation de Said Benaisse A..., " dignitaire surtout connu pour être le symbole des Musulmans favorables à la France " et synonyme de trahison " chez les musulmans d'Aix-en-Provence ", dont un square porte le nom dans cette ville, près duquel M. A... passe souvent dans l'exercice de sa profession de conducteur de bus, ce qui l'expose aux moqueries de ses jeunes passagers, il ne résulte toutefois pas des pièces du dossier que ces circonstances, à les supposer même établies, seraient de nature à causer à M. A... un préjudice tel que ce dernier justifierait de l'existence d'un intérêt légitime au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil.
4. S'il fait valoir que " A... " est également un prénom, il ne justifie pas, ce faisant, d'une circonstance exceptionnelle.
5. Si le requérant fait valoir que ses enfants, se font appeler " D... A... " à l'école, ainsi qu'en attestent les documents scolaires produits, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
6. S'il soutient utiliser le nom " D... A... " dans sa vie quotidienne depuis de nombreuses années, il ne produit que des documents au caractère récent et discontinu, tels que des attestations de proches, des factures EDF pour l'année 2006, un récépissé postal daté de 2009, des factures GDF depuis l'année 2011, des documents fiscaux établis à compter de l'année 2015 et diverses factures dont la plus ancienne est datée de 2010.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A..., qui ne justifie pas d'un intérêt légitime au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02302