Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés en date du 30 octobre 2017 par lesquels la ministre des armées lui a, d'une part, infligé la sanction disciplinaire du déplacement d'office et l'a, d'autre part, affectée au bureau du logement en Île-de-France en qualité de chargée de clientèle à compter du 15 novembre 2017.
Par un jugement n° 1717037/5-3 du 23 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de Mme D..., a annulé l'arrêté du 30 octobre 2017 portant sanction disciplinaire de déplacement d'office.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2019, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1717037 du 23 janvier 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 30 octobre 2017 portant la sanction disciplinaire du déplacement d'office et l'a condamnée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... dans son ensemble.
La ministre des armées soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il fait grief au ministre des armées de ne pas s'être présenté à l'audience de première instance ;
- le tribunal a méconnu son office en estimant que les faits litigieux étaient de nature à justifier une mutation d'office dans l'intérêt du service plutôt qu'une sanction disciplinaire, de surcroît au moyen d'une contradiction dans ses motifs ;
- l'appréciation de la proportionnalité de la sanction par le tribunal est erronée dès lors qu'il n'existe pas d'obligation pour l'administration de considérer la situation d'ensemble de l'agent à la date de la sanction et non plus que des mises en garde et sanctions de niveau inférieurs préalables au prononcé de la sanction litigieuse et que le prononcé de la sanction disciplinaire était justifié par la gravité et le caractère répétitif des faits reprochés, de surcroît précédé d'une mise en garde matérialisée par l'entretien du 31 mars 2017 ;
- le tribunal a méconnu son office en exerçant un contrôle de l'erreur manifeste plutôt qu'un contrôle normal sur la proportionnalité de la sanction ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors que des insuffisances ont été relevées dès 2016 justifiant ainsi la sanction disciplinaire ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'appréciation en estimant que à l'exclusion du conflit personnel au sein de la mission de défense de Londres les faits n'étaient pas suffisamment établis dès lors que plusieurs incidents et difficultés relationnelles incompatibles avec la nature du poste occupé sont établies dès son arrivée caractérisant ainsi une attitude générale justifiant une telle sanction disciplinaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé l'arrêté du 30 octobre 2017 portant la sanction disciplinaire du déplacement d'office et a condamné l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler les arrêts du 30 octobre 2017 portant d'une part la sanction disciplinaire du déplacement d'office et d'autre part affectation au bureau du logement en Île-de-France en qualité de chargée de clientèle à compter du 15 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D... fait valoir :
- à titre principal, qu'aucun moyen n'est fondé ;
- à titre subsidiaire, que les arrêtés litigieux sont illégaux ;
Sur l'arrêté portant sanction disciplinaire :
- il est insuffisamment motivé ;
- il repose sur des faits dont la matérialité n'est pas établie et qui ne sauraient constituer des fautes professionnelles ;
- l'administration n'a pas été loyale dans l'administration de la preuve des faits reprochés, ces derniers n'ayant pas été portés à sa connaissance avant la sanction ;
- la sanction est disproportionnée comme en atteste la décision du 4 juillet 2018 de la Commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique qui recommande de ne pas prononcer de sanction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour Mme D....
Une note en délibéré a été enregistrée le 26 novembre 2020 pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D..., adjointe administrative principale de 2ème classe, a été affectée à la mission de défense à Londres (Royaume-Uni), en qualité d'assistante civile par un arrêté du 15 février 2015. Par deux arrêtés du 30 octobre 2017, la ministre des armées lui a, d'une part, infligé la sanction du déplacement d'office en raison d'un " comportement inadapté au regard des exigences du poste occupé et d'excès verbaux à l'égard d'un sous-officier dans le cadre du service " et l'a, d'autre part, affectée au bureau du logement en région Île-de-France à compter du 15 novembre 2017 en qualité de chargée de clientèle. Par un jugement du 23 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris, dont la ministre des armées relève appel, a annulé l'arrêté du 30 octobre 2017 portant sanction disciplinaire du déplacement d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article R. 431-7 du code de justice administrative : " L'État est dispensé du ministère d'avocat soit en demande, sans en défense, soit en intervention ". Aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. (...) La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications. (...) ".
3. Aucune disposition du code de justice administrative ne fait obligation aux parties de se présenter à l'audience ni de présenter des observations orales. La ministre des armées soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il lui est fait grief de ne pas s'être présentée à l'audience de première instance par l'usage de la formule " non présent, non représenté ". Or, cette formule, qui se borne à retracer la tenue de l'audience, ne fait pas grief à la ministre de ne pas s'être présentée à l'audience. Elle n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. La décision fixant le poste d'affectation d'un agent faisant l'objet d'un déplacement d'office à titre de sanction disciplinaire fait partie intégrante de la mesure disciplinaire, même si elle est matériellement distincte de la décision prononçant le déplacement d'office. Par suite, il n'y a pas lieu de traiter de manière distincte les moyens soulevés à l'encontre de la sanction disciplinaire de déplacement d'office de ceux soulevés à l'encontre de l'affectation de Mme D... au bureau du logement en région Île-de-France.
5. En premier lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaire relatives à la fonction publique de l'État : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Deuxième groupe : (...) - le déplacement d'office (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Il ressort de la décision litigieuse qu'il est reproché à Mme D... d'avoir adopté un comportement inapproprié au regard des exigences requises par le poste qu'elle occupait en ambassade au sein de la mission de défense.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu d'inspection du fonctionnement de la mission de défense de Londres du 2 mai 2017, du compte-rendu de la commission administrative paritaire locale réunie en conseil de discipline et du compte-rendu du 10 avril 2017 du contre-amiral, supérieur hiérarchique de l'intéressée, que Mme D... a eu plusieurs altercations avec son supérieur hiérarchique ainsi qu'avec d'autres agents de l'ambassade. La consule générale de France à Londres s'est plainte à l'attaché de défense du travail de Mme D.... De plus, il ressort de ces documents, ainsi que de divers témoignages qui ne sont pas utilement contredits dans leur substance par la requérante, que Mme D... a dénigré ses collègues et son supérieur hiérarchique direct, auprès de certains personnels de l'ambassade, mais également auprès de personnes extérieures à l'ambassade et notamment dans les locaux de l'ambassade d'Allemagne. L'autorité hiérarchique a estimé que le comportement de Mme D... était incompatible avec la discrétion requise par ses fonctions. La matérialité des faits doit être considérée comme établie. Ces faits sont constitutifs d'une faute nonobstant les griefs que Mme D... allègue avoir eu contre sa hiérarchie et certains de ses collègues.
8. Ainsi, compte tenu du caractère répété des manquements relevés, de la durée du comportement fautif de Mme D..., de l'atteinte au fonctionnement du service et de la perte de confiance de sa hiérarchie, la sanction disciplinaire de déplacement d'office n'est pas manifestement disproportionnée. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. (...) " ; qu'en vertu de l'article 58 de la même loi, les tableaux d'avancement sont établis après avis de la commission administrative paritaire ; que, selon l'article 5 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, ces commissions " comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants. " ; qu'aux termes de l'article 34 du même décret : " Les commissions administratives siègent en formation restreinte lorsqu'elles sont saisies de questions résultant de l'application des articles (...) 58 (...) de la loi du 11 janvier 1984 (...). Dans les autres cas, elles siègent en assemblée plénière. " ; que, selon son article 35 : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer. " ; qu'enfin, l'article 41 de ce décret dispose que : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. / En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres sont présents. ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte ou en assemblée plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans chacune de ces formations, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint. Si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel. Il ressort des pièces du dossier que la commission administrative paritaire siégeait en formation restreinte et que la parité a été rétablie suite à l'absence de deux représentants titulaires et leurs suppléants avec cinq représentants de l'administration et cinq représentants du personnel. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission administrative paritaire doit être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 31 du même décret du 28 mai 1982 : " (...) / Le président de la commission peut convoquer des experts à la demande de l'administration ou à la demande des représentants du personnel afin qu'ils soient entendus sur un point inscrit à l'ordre du jour. / Les experts ne peuvent assister qu'à la partie des débats, à l'exclusion du vote, relative aux questions pour lesquelles leur présence a été demandée. ".
12. S'il est constant qu'un expert de l'administration a assisté à la réunion de la commission du 20 octobre 2017, aucune pièce au dossier ne permet de douter que des experts n'étaient pas présents lors du vote et que l'un d'eux aurait fait preuve d'une quelconque partialité en défaveur de Mme D.... Par suite, le moyen doit être écarté.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ". Aux termes de l'article 19 de cette loi : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été destinataire de l'ensemble des pièces du dossier disciplinaire par lettre du 2 octobre 2017, celui-ci a été complété lors de la réunion de la commission administrative suite à l'identification de sept pièces nouvelles, ayant conduit à une suspension de séance afin de procéder à l'examen de celles-ci, avant de reprendre le débat contradictoire. Ainsi, Mme D..., qui a été mise à même de consulter son dossier en temps utile, ne saurait soutenir que les droits de la défense ont été méconnus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut qu'être écarté.
15. En dernier lieu, l'arrêté litigieux, qui vise notamment la loi du 11 janvier 1984 mentionne les faits constitutifs de la procédure disciplinaire. Par suite, l'arrêté litigieux, qui comporte les considérations de fait et de droit est suffisamment motivé. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 octobre 2017 portant sanction disciplinaire de déplacement d'office.
17. Les conclusions d'appel de Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1717037 du 23 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme B... D....
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Marion, premier conseiller,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01133