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03/12/2020 | FRANCE | N°20PA00703

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 décembre 2020, 20PA00703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1921282/3-2 du 8 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête enregistrée le 24 février 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1921282/3-2 du 8 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1921282/3-2 du 8 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 septembre 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé s'agissant de son état de santé et de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; il remplit en effet les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des 7°et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que justifiant d'une présence habituelle en France depuis plus de dix années, le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; il établit, conformément à la circulaire du 28 novembre 2012, sa présence habituelle en France depuis juillet 2009 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine d'un suivi médical adapté à son état de santé alors que ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé et la nécessité de poursuivre son traitement en France, alors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans, constituent des circonstances exceptionnelles et un motif humanitaire au sens de ces dispositions ;

- il méconnaît les stipulations du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de l'intensité de ses liens affectifs en France ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire a été présenté pour M. C... le 9 novembre 2020 après la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me D..., avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien, né le 30 octobre 1979 et entré en France le 8 août 2006 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 8 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris que celui-ci a indiqué être domicilié chez M. B..., 85 rue de la Croix Nivert à Paris (15ème). Toutefois, le pli recommandé avec accusé de réception notifiant à M. C... le jugement attaqué ne comportait pas le nom de la personne chez laquelle l'intéressé avait précisé être domicilié, et ce pli a été retourné au tribunal avec la mention " destinataire inconnu à cette adresse ". Dans ces conditions, la notification de ce jugement ne saurait être regardée comme étant régulière et le délai de recours contentieux de trente jours prévu par le I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article R. 776-2 du code de justice administrative n'est pas opposable à M.C.... Il s'ensuit que la requête présentée par M. C... et enregistrée au greffe de la Cour le 24 février 2020 n'est pas tardive.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. C..., qui souffre d'une neuropathie dégénérative de Charcot Marie Tooth de type I, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 12 décembre 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des pièces du dossier, l'état de santé de M. C... lui permettait de voyager sans risque. Toutefois, il ressort des certificats médicaux établis les 16 mai et 4 juin 2018, 12 septembre 2019 et 31 janvier 2020 par un praticien hospitalier du département de neurologie des hôpitaux universitaires Pitié-Salpêtrière Charles Foix que la maladie de Charcot Marie Tooth entraîne une atrophie distale des quatre membres de M. C... responsable d'un handicap sévère et que l'absence du traitement de rééducation et de réadaptation adapté à son état de santé pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ces certificats médicaux sont ainsi de nature à remettre en cause l'avis du 12 décembre 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il s'ensuit que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation en estimant que le défaut d'une prise en charge médicale adaptée à l'état de santé de M. C... ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander son annulation.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 2 septembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu, le présent arrêt implique seulement que le préfet de police réexamine la situation administrative de M. C.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1921282/3-2 du 8 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 2 septembre 2019 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20PA00703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00703
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DUJONCQUOY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-03;20pa00703 ?
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