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01/12/2020 | FRANCE | N°20PA01986,20PA02039

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 01 décembre 2020, 20PA01986,20PA02039


Vu MB

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

4 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2008539/8 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de demand

e d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplu...

Vu MB

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

4 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2008539/8 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de demande d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet 2020 et 5 octobre 2020 sous le n° 20PA01986, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du 6 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le motif d'annulation impliquait nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une attestation de demande d'asile en procédure normale ;

- l'arrêté contesté portant transfert de M. B... aux autorités allemandes n'est ni entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni entaché d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil renonçant dans ce cas à percevoir l'indemnité allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la requête est dépourvue d'objet dès lors qu'il s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale le 20 juillet 2020 ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 août 2020 et 5 octobre 2020 sous le n° 20PA02039, le préfet de police demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2008539/8 du 6 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil renonçant dans ce cas à percevoir l'indemnité allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la requête est dépourvue d'objet dès lors qu'il s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale le 20 juillet 2020 ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission,

- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,

- la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 15 septembre 1997, a sollicité le 13 mars 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités autrichiennes le 19 août 2015 et une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 24 novembre 2017. Le 11 mai 2020, le préfet de police a adressé aux autorités allemandes une demande de reprise en charge de M. B... en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et celles-ci ont accepté cette reprise en charge par un accord du 13 mai 2020. Par un arrêté en date du 4 juin 2020, le préfet de police a décidé de leur remettre M. B.... Par le jugement du 6 juillet 2020 dont il est fait appel, le tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté contesté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de demande d'asile dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 20PA01986, le préfet de police relève appel de ce jugement, et par la requête enregistrée sous le n° 20PA02039, il demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 20PA01986 et 20PA02039 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que M. B... conserve, de plein droit, le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont il a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, ses demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle au titre des instances susvisées, introduites par le préfet de police, sont sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 19PA01986 :

En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. B... :

4. La circonstance que le préfet de police a délivré à M. B..., en exécution du jugement contesté, une attestation de demande d'asile portant la mention " procédure normale " ne saurait avoir pour effet de priver d'objet les conclusions de sa requête d'appel. Il y a lieu par suite d'y statuer.

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

5. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. Pour considérer que l'arrêté en litige méconnaissait les dispositions et stipulations précitées, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la demande d'asile de M. B... avait été définitivement rejetée par une décision de l'office fédéral allemand des migrations et des réfugiés, sur la situation de violence généralisée qui prévaudrait en Afghanistan et particulièrement à Kaboul, et sur la circonstance que la remise de l'intéressé aux autorités allemandes aurait pour conséquence un renvoi vers Kaboul, seul point d'entrée du territoire afghan par voie aérienne depuis l'étranger, où il serait exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants.

7. Toutefois, l'arrêté du préfet de police a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non en Afghanistan. Par ailleurs, M. B... ne fait état d'aucune circonstance précise de nature à établir que sa remise aux autorités allemandes le priverait de la possibilité d'un réexamen de sa demande d'asile, et qu'elle serait donc, par elle-même, contraire à l'article 3 de la convention précitée, en ce que les autorités allemandes procéderaient immanquablement à son éloignement vers l'Afghanistan. L'Allemagne étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit, en effet, être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces conventions. Ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a retenu les moyens tirés de ce qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté en litige.

8. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :

9. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la signature qui figure sur l'arrêté en litige ne suffit pas à identifier son signataire. En outre, la qualité de ce signataire, ainsi que son nom et son prénom, n'apparaissent pas sur ledit arrêté, de telle sorte qu'il n'est pas possible de vérifier qu'il a été signé par une autorité compétente à cette fin, comme le soutenait M. B... en première instance. L'arrêté contesté du préfet de police a ainsi été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance, que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 juin 2020.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

12. Eu égard à l'illégalité entachant l'arrêté du 4 juin 2020, analysée au point 9 du présent arrêt, l'annulation de cet arrêté, si elle impliquait que le préfet de police procédât au réexamen de la situation de M. B..., n'impliquait toutefois pas nécessairement qu'il lui délivrât un dossier de demande d'asile en procédure normale. La cour étant saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il y a seulement lieu d'ordonner au préfet de police, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de procéder au réexamen de la situation de M. B....

Sur la requête n° 20PA02039 :

13. Le présent arrêt statuant sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me E..., sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02039 du préfet de police tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2008539 du 6 juillet 2020.

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2008539 du 6 juillet 2020 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me E..., sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D... premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

G. A...Le président,

M. D...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 20PA01986 et 20PA02039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01986,20PA02039
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AARPI ANGLADE et PAFUNDII

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-01;20pa01986.20pa02039 ?
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