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01/12/2020 | FRANCE | N°19PA02902

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 01 décembre 2020, 19PA02902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Alliance pour la recherche en cancérologie " (APREC) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le courrier du 22 mai 2017 par lequel le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a rejeté sa candidature en qualité de structure tierce à une convention unique pour la mise en oeuvre d'une recherche impliquant la personne humaine à finalité commerciale.

Par un jugement n° 1712217/6-3 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Alliance pour la recherche en cancérologie " (APREC) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le courrier du 22 mai 2017 par lequel le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a rejeté sa candidature en qualité de structure tierce à une convention unique pour la mise en oeuvre d'une recherche impliquant la personne humaine à finalité commerciale.

Par un jugement n° 1712217/6-3 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 septembre 2019 et 5 mars 2020, l'APREC, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement le jugement du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler le courrier du 22 mai 2017 du directeur de l'AP-HP ;

3°) d'enjoindre à l'AP-HP de la labelliser en qualité de structure tierce dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 10 000 euros par jour, ou, à titre subsidiaire, de reprendre l'instruction de sa demande de labellisation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 22 mai 2017 sont recevables, dès lors que cette mesure lui fait grief en ce qu'elle ne lui permet pas de présenter sa candidature à une convention tripartite conclue par l'AP-HP ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il s'agissait d'une mesure préparatoire à la conclusion d'un contrat, lequel ne sera pas un acte administratif relevant du droit de la commande publique ;

- la décision du 22 mai 2017 n'est pas suffisamment motivée, alors qu'elle constitue une décision qui refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, l'AP-HP ayant consulté une commission qui n'a été prévue et organisée par aucun texte ;

- l'AP-HP ne pouvait légalement mettre en oeuvre une procédure de labellisation, qui n'est prévue par aucun texte ;

- l'AP-HP a procédé à une inexacte application des dispositions de l'article R. 1121-3-1 du code de la santé publique s'agissant des conditions qui y sont définies pour la désignation des structures tierces ; un organisme remplissant les conditions posées par cet article doit être désignée structure tierce ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation quant aux qualités dont elle dispose, alors par ailleurs que les projets de recherche ne sont pas connus ; les structures tierces ne peuvent être choisies qu'in concreto, en fonction de leur spécialité, de leur disponibilité et compétences, pour répondre concrètement à un projet de recherche particulier ;

- l'AP-HP a commis un détournement de pouvoir, dès lors qu'elle cherche à privilégier la Fondation AP-HP pour la recherche et à éliminer les associations dites " de service ".

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2020, l'AP-HP, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'APREC sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance de l'APREC est irrecevable, dès lors que l'intéressée disposera le cas échéant, de la faculté d'exercer un recours en contestation de la validité du contrat administratif que constituera une convention tripartite ; l'APREC est dépourvue d'intérêt à agir contre l'acte attaqué, car elle n'est lésée, comme elle le fait d'ailleurs valoir, par la conclusion d'aucune convention tripartite ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction, initialement fixée au 23 mars 2020, a été prorogée de plein droit jusqu'au 23 juin 2020 en application du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me D..., représentant l'APREC,

- et les observations de Me E..., représentant l'AP-HP.

Une note en délibéré a été enregistrée le 4 novembre 2020, produite pour l'APREC par Me D....

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 janvier 2017, l'AP-HP a publié sur son site Internet un appel à candidature en vue de labelliser des structures tierces susceptibles de conclure avec elle et un promoteur, le cas échéant, une convention unique prévue au IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique, dans le cadre de recherches impliquant la personne humaine à finalité commerciale. Par courrier du 22 mai 2017, le directeur général de l'AP-HP a informé l'APREC du rejet de sa candidature en qualité de structure tierce labellisée. L'APREC a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ce courrier. Par un jugement du 4 juillet 2019 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche impliquant la personne humaine ". / Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine : / 1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ; / 2° Les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; / 3° Les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. / La personne physique ou la personne morale qui est responsable d'une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu, est dénommée le promoteur. (...) / La ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche sur un lieu sont dénommées investigateurs. (...) ". Aux termes de l'article L. 1121-16-1 du même code : " I.- Pendant la durée de la recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1,

le promoteur fournit gratuitement les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les médicaments auxiliaires, les dispositifs médicaux utilisés pour les administrer, ainsi que, pour les recherches portant sur des produits autres que les médicaments, les produits faisant l'objet de la recherche. (...) / IV.- Lorsqu'une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l'article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé, dans des hôpitaux des armées ou d'autres éléments du service de santé des armées, à l'Institution nationale des invalides, ou dans des maisons ou des centres de santé, le promoteur prend en charge les frais supplémentaires liés à d'éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par le protocole. / La prise en charge des frais supplémentaires fait l'objet d'une convention conclue entre le promoteur, le représentant légal de chacun des organismes mentionnés au premier alinéa du IV et, le cas échéant, le représentant légal des structures destinataires des contreparties versées par le promoteur. La convention, conforme à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la santé, comprend les conditions de prise en charge de tous les coûts liés à la recherche, qu'ils soient ou non relatifs à la prise en charge du patient. Cette convention est transmise au Conseil national de l'ordre des médecins. Elle est conforme aux principes et garanties prévus au présent titre. Elle est visée par les investigateurs participant à la recherche. / Les conditions d'application du présent article, notamment celles auxquelles se conforment, dans leur fonctionnement et dans l'utilisation des fonds reçus, les structures destinataires des contreparties mentionnées au deuxième alinéa du IV sont précisées par décret. ". Enfin, aux termes de l'article R. 1121-3-1 dudit code : " I.- Lorsqu'une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l'article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé, ou des maisons ou des centres de santé, elle fait l'objet de la convention prévue au deuxième alinéa du IV de l'article L. 1121-16-1, entre le représentant légal du lieu de la recherche et le représentant légal du promoteur de la recherche. / Cette convention est dénommée convention unique. Elle est exclusive de tout autre contrat à titre onéreux conclu pour la recherche à finalité commerciale dont il s'agit dans l'établissement de santé, la maison ou le centre de santé concerné. / (...) La convention conclue par le promoteur avec l'établissement coordonnateur et les conventions similaires conclues le cas échéant avec les établissements associés sont conformes à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la santé, qui fixe notamment les modalités de calcul des coûts et surcoûts générées par la recherche. /

II.- Des contreparties prévues par la convention unique au titre de la qualité escomptée des données issues de la recherche impliquant la personne humaine peuvent être versées par le promoteur. / La convention peut prévoir que tout ou partie des contreparties mentionnées à l'alinéa précédent soient directement versées à une structure tierce distincte, participant à la recherche mais ne relevant pas de l'autorité du représentant légal de l'établissement ou de la maison ou du centre de santé où se déroule également la recherche. Des contreparties ne peuvent être accordées que si la structure tierce remplit les conditions suivantes : / 1° Elle est désignée par le représentant légal de l'établissement de santé, de la maison ou du centre de santé conformément au droit de la commande publique s'il y a lieu ; / 2° Elle dispose d'une gouvernance qui soit propre à la prémunir, ainsi que ses dirigeants, d'un risque de mise en cause de leur responsabilité, notamment au regard du risque de conflit d'intérêt ou de la violation des principes et règles de protection des personnes participant à la recherche ; / 3° Elle utilise les fonds reçus du promoteur à des fins de recherche. / III.- Le représentant légal de l'établissement de santé, maison ou centre de santé ainsi que le représentant légal du promoteur et, le cas échéant, le représentant légal de la personne morale tierce susmentionnée signent la convention. (...) La convention unique est conclue au plus tard quarante-cinq jours après réception de la proposition du promoteur par l'établissement, la maison ou le centre de santé et, le cas échéant, la structure tierce. (...) ".

3. Il résulte des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'APREC a présenté sa candidature en qualité de structure tierce, aucune consultation n'avait été lancée par l'AP-HP en vue de la conclusion d'une convention unique prévue au deuxième alinéa du IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique dans le cadre d'un projet de recherche précis. Par ailleurs, le courrier contesté du 22 mai 2017 mentionne que l'AP-HP ne fera appel que " si nécessaire " à une structure tierce, à l'occasion de recherches à finalité commerciale qu'elle serait susceptible d'organiser. Dans ces conditions, le refus litigieux, qui n'a pas privé la requérante de la conclusion d'une convention, est par lui-même dépourvu d'effet sur la situation juridique qui lui préexistait et donc insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il en résulte que l'APREC, à laquelle il appartiendra d'exciper, le cas échéant, d'un éventuelle illégalité de ce refus à l'encontre de décisions ultérieures, n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par l'APREC doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'APREC et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme à l'AP-HP sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Alliance pour la recherche en cancérologie " est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Alliance pour la recherche en cancérologie " et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

G. A...Le président,

M. B...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02902
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-02 Procédure. Introduction de l'instance. Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : FOLEY HOAG

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-01;19pa02902 ?
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