Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fondation Alexandre et Julie Weill pour l'amélioration du logement des employés de la banque, de l'industrie et du commerce (Fondation Weill) a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) Paris Habitat et la société Rabot Dutilleul Construction à lui verser la somme de 101 641,87 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017, et de leur capitalisation, en réparation des dommages qu'elle a subis du fait de l'exécution de travaux publics.
Par un jugement n° 1707979/5-3 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 4 juin 2019, 5 février 2020 et
13 mars 2020, la Fondation Weill, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 10 avril 2019 ;
2°) de rejeter les conclusions reconventionnelles de l'OPH Paris Habitat et de la société Rabot Dutilleul Construction ;
3°) de condamner solidairement l'OPH Paris Habitat, la compagnie Zurich Insurance PLC et la société Rabot Dutilleul Construction à lui verser la somme de 101 641,87 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ultérieure ;
4°) de mettre à la charge solidaire de l'OPH Paris Habitat, de la compagnie Zurich Insurance PLC et de la société Rabot Dutilleul Construction la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise et de surseoir à statuer sur les conclusions des parties.
Elle soutient que :
- le rapport d'expertise remis par M. G..., expert désigné par le tribunal de grande instance de Paris, est incohérent et insuffisamment motivé ; l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire au cours des opérations d'expertise ;
- de nombreux désordres affectant l'immeuble dont elle est propriétaire ont été constatés au cours des travaux menés sur la parcelle voisine par l'OPH Paris Habitat ;
- ces désordres ont pour origine la réalisation de ces travaux et engagent donc la responsabilité de l'OPH ;
- son préjudice matériel s'élève à la somme de 101 641,87 euros.
Par deux mémoires enregistrés les 7 août 2019 et 2 mars 2020, la société Rabot Dutilleul Construction, représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de rejeter l'appel en garantie formé par l'OPH Paris Habitat à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la Fondation Weill le versement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par deux mémoires enregistrés les 10 janvier 2020 et 11 février 2020, l'OPH Paris Habitat, représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Rabot Dutilleul Construction et la compagnie Zurich Insurance à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de la Fondation Weill le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- la société Rabot Dutilleul Construction a mené les travaux litigieux, et doit donc la garantir de toutes condamnations mises à sa charge, ainsi que son assureur la compagnie Zurich Insurance.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 1er juin 2020.
Vu le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- les observations de Me A... B..., représentant la Fondation Weill,
- les observations de Me E..., représentant l'OPH Paris Habitat,
- et les observations de Me H..., représentant la société Rabot Dutilleul Construction.
Considérant ce qui suit :
1. L'OPH Paris Habitat a fait réaliser à partir d'août 2013 une opération de travaux publics au 7, rue de Gravelle, dans le 12e arrondissement de Paris, en vue de la démolition d'un immeuble accolé à celui dont la Fondation Weill est propriétaire au 49, rue de Wattignies, et de la construction de quatre-vingt-dix logements sociaux, d'un parc souterrain de stationnement, d'une crèche et d'un local commercial. Les travaux ont été confiés par l'OPH à la société Stefco, aux droits de laquelle est venue la société Rabot Dutilleul Construction. Le tribunal de grande instance de Paris, saisi par l'OPH avant le début des travaux, a désigné un expert, M. G..., en vue de procéder au constat de l'état des bâtiments avoisinants avant travaux et des désordres survenus au cours de ces derniers. L'expert a déposé son rapport le 25 juillet 2016, après la fin des travaux. Estimant que les désordres survenus au sein de son immeuble au cours de l'année 2014 - fissures, difficultés d'ouverture de certaines portes et fenêtres, infiltrations d'eau et épaufrures sur le mur extérieur - sont imputables aux travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de l'OPH Paris Habitat, la Fondation Weill lui a demandé, par courrier du 19 janvier 2017, de lui verser la somme de 101 641,87 euros en réparation des préjudices subis, puis elle a saisi le tribunal administratif de Paris à fin de condamnation solidaire de l'OPH et de la société Rabot Dutilleul Construction à lui verser la même somme. Par un jugement du 10 avril 2019 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux, sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
En ce qui concerne le rapport d'expertise :
3. Il résulte en premier lieu de l'instruction que l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Paris a organisé, avant puis au cours des travaux menés par l'OPH Paris Habitat, vingt réunions contradictoires, à la suite desquelles il a diffusé des comptes rendus, une dernière réunion s'étant tenue le 30 juin 2016 et ayant donné lieu à des échanges entre les parties. Les différents dires produits par ces dernières ont en outre été communiqués à la Fondation Weill, lui permettant de faire valoir ses observations. Enfin, l'expert a transmis aux parties un pré-rapport. Par suite, la seule absence alléguée par la requérante d'un " document de synthèse ", ou d'une " réunion de synthèse " ne saurait suffire à remettre en cause le déroulé contradictoire des opérations d'expertise.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes du rapport d'expertise que l'expert a bien répondu aux questions qui lui étaient posées par l'ordonnance le désignant. Il a ainsi décrit l'état des bâtiments voisins avant les travaux, relevé les désordres constatés et exclu, en conclusion, tout lien de causalité entre lesdits travaux et certains désordres dont faisait état la Fondation Weill. Cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que le rapport serait insuffisamment motivé et devrait pour ce motif être écarté.
5. En dernier lieu, et nonobstant la circonstance que l'expert n'a pas donné les causes des désordres qu'il estimait ne pas résulter des travaux menés par l'OPH, ce à quoi il n'était pas tenu, il ne résulte pas des termes du rapport d'expertise que celui-ci présenterait des incohérences.
En ce qui concerne la responsabilité :
6. Il résulte du rapport d'expertise que seules quelques épaufrures affectant le mur extérieur de la propriété de la Fondation Weill, lesquelles ont été réparées avant la fin du chantier, ainsi que des désordres affectant un becquet sur cour et l'ouverture de la porte de trois appartements, auxquels il a également été remédié au cours des travaux, sont imputables à l'opération de travaux publics menée sous la maîtrise d'ouvrage de l'OPH Paris Habitat. S'agissant des désordres invoqués par la requérante, notamment des fissures et des difficultés de fermeture de portes et fenêtres, l'expert a exclu tout lien de causalité avec les travaux, ayant par ailleurs relevé la présence de certaines fissures anciennes avant les travaux litigieux, ainsi que la préexistence de fenêtres " frottant " au sol. La circonstance, invoquée par la Fondation Weill, que les désordres dont elle demande réparation sont apparus concomitamment aux opérations de démolition, comme l'affirment les occupants du bâtiment, ne saurait suffire à remettre en cause l'absence de lien de causalité relevée par l'expert. Un tel lien ne saurait en outre être déduit du seul défaut de constat avant travaux de l'état du bâtiment B de l'immeuble de la requérante, plus éloigné des travaux et par conséquent non retenu dans le périmètre de constatations défini lors de la première réunion contradictoire d'expertise. Enfin, si la requérante produit au dossier le rapport du cabinet d'expertise Texa, établi le 28 octobre 2016 et qui affirme de manière générale que les désordres sont liés " à l'acte de construire, en particulier par une déstabilisation due aux travaux de créations de sous-sols situés plus bas que ceux du bâtiment " de la Fondation Weill, cette étude, menée à sa demande de manière non contradictoire et après la réalisation des travaux, ne contient aucun élément technique probant de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Paris.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la Fondation Weill n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de l'OPH Paris Habitat, de la compagnie Zurich Insurance PLC et de la société Rabot Dutilleul Construction, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la Fondation Weill demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 000 euros à l'OPH Paris Habitat, et de 1 000 euros à la société Rabot Dutilleul Construction, sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Fondation Weill est rejetée.
Article 2 : La Fondation Weill versera la somme de 1 000 euros à l'OPH Paris Habitat, et la somme de 1 000 euros à la société Rabot Dutilleul Construction, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fondation Alexandre et Julie Weill pour l'amélioration du logement des employés de la banque, de l'industrie et du commerce, à l'office public de l'habitat Paris Habitat, à la société Rabot Dutilleul Construction et à la compagnie Zurich Insurance PLC.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. F..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
G. D...Le président,
M. F...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01819