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01/12/2020 | FRANCE | N°19PA01624

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 01 décembre 2020, 19PA01624


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 février, 16 mai et 29 août 2018, la société Soprodi Radio Régions SAS, représentée par Me C..., a demandé au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 29 novembre 2017 notifiée le 19 décembre 2017 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa demande tendant à ce que soient modifiées les caractéristiques techniques relatives à la diffusion de Radio Star, service autorisé

sur la fréquence 105,2 Mhz à La Roche-Morey, en lui permettant de déplacer son...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 février, 16 mai et 29 août 2018, la société Soprodi Radio Régions SAS, représentée par Me C..., a demandé au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 29 novembre 2017 notifiée le 19 décembre 2017 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa demande tendant à ce que soient modifiées les caractéristiques techniques relatives à la diffusion de Radio Star, service autorisé sur la fréquence 105,2 Mhz à La Roche-Morey, en lui permettant de déplacer son émetteur sur le territoire de la commune de Chargey-lès-Port ; d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui accorder l'autorisation sollicitée et de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure substantiel, faute de consultation du comité territorial audiovisuel de Dijon conformément aux dispositions de l'article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, la modification sollicitée n'étant pas substantielle, contrairement à ce qu'a considéré le CSA ; pour considérer que le changement d'emplacement de l'émetteur proposé entraînait une modification de la zone couverte par la radio, ce dernier a en effet raisonné uniquement à partir de la zone couverte par l'émetteur de la Roche-Morey, pris isolément, pour la comparer à celle couverte par l'émetteur projeté de Chargey-lès-Port, également pris isolément, sans prendre en considération la possibilité d'une écoute satisfaisante résultant des différents émetteurs en présence dans la zone ; il ne s'agit par ailleurs que du remplacement d'un site d'extension de la zone de Vesoul par un autre site proposé par le CSA en 1997 ;

- à supposer même que la modification demandée revête un caractère substantiel, la décision est entachée d'erreur de droit, d'incompétence négative, le CSA n'ayant aucune obligation de la rejeter au regard des dispositions de l'article 42-3 de la loi du

30 septembre 1986 ; le changement ne pouvait être refusé que s'il était de nature à " remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance de l'autorisation " ou s'il était " de nature à compromettre l'impératif fondamental de pluralisme et l'intérêt du public " au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat, ce qui n'est pas le cas dès lors que, tous émetteurs confondus, la zone géographique desservie n'est pas modifiée notablement, que le gain de population est limité à 10 000 habitants et que la configuration des antennes évite toute nuisance sur les fréquences voisines, la programmation n'étant pas affectée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le CSA représenté par son directeur a conclu, à titre principal, à l'incompétence du Conseil d'Etat pour connaitre du recours, et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Par une décision n° 418320 du 13 mai 2019, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de la société Soprodi Radios Régions SAS à la cour administrative d'appel de Paris où elle a été enregistrée le 14 mai 2019 sous le n° 19PA01624.

Par ordonnance du 15 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

17 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Soprodi Radios Régions SAS.

Considérant ce qui suit :

1. La société Soprodi Radios Régions SAS a été autorisée à exploiter un service de radio dénommé " Radio Star ", diffusé par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans la zone de Vesoul et à installer à cette fin un réémetteur de confort dit de La Roche-Morey (commune de Bourguignon-lès-Morey) situé au lieudit " Haut du Cros ". Le 22 février 2017, elle a demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'autorisation de déplacer cet émetteur dans la commune de Chargey-lès-Port. Par la décision attaquée du 29 novembre 2017 notifiée le 19 décembre 2017, le CSA a rejeté cette demande. Cette décision a fait l'objet d'une requête devant le Conseil d'Etat, lequel a jugé que, dès lors qu'elle s'analysait en réalité comme un refus du CSA de faire droit à la demande de la requérante de modifier l'autorisation relative au service " Radio Star " qu'elle diffuse dans la zone de La Roche-Morey en tant qu'elle fixe le lieu d'émission, faute pour la demande d'entrer dans les prévisions de l'article 42-3 de la loi du

30 septembre 1986 contrairement aux mentions de la décision attaquée, la connaissance du litige devait être attribuée à la cour administrative d'appel de Paris conformément aux dispositions de l'article R. 311-2 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation. (...) cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux, ainsi que du développement de la radio et de la télévision numériques de terre. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 29 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi, l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article (... les déclarations de candidature ) indiquent notamment l'objet et les caractéristiques générales du service, la ou les fréquences que le candidat souhaite utiliser, les caractéristiques techniques d'émission, (...) ". Aux termes de l'article 25 de la loi : " L'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre est subordonné au respect des conditions techniques définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et concernant notamment : / 1° Les caractéristiques des signaux émis et des équipements de transmission et de diffusion utilisés ; / 1° bis Les conditions techniques du multiplexage et les caractéristiques des équipements utilisés ; / 2° Le lieu d'émission ; / 3° La limite supérieure et, le cas échéant, inférieure de puissance apparente rayonnée. En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour appréhender la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée ; / 4° La protection contre les interférences possibles avec l'usage des autres techniques de télécommunications (...) ".

3. En premier lieu, la société requérante soutient que l'instruction de sa demande de modification d'autorisation a été irrégulière, faute pour le comité territorial audiovisuel de Dijon d'avoir été consulté conformément à l'article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose que des comités techniques assurent l'instruction des demandes d'autorisations visées aux article 29 et 29-1 et l'observation de l'exécution des obligations qu'elles contiennent et peuvent statuer sur les demandes de modification non substantielle dans les conditions prévues à l'article 28-1, sur les demandes de modification non substantielle des éléments de l'autorisation ou de la convention. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le comité territorial audiovisuel de Dijon a été consulté le 11 septembre 2017 et a rendu un avis négatif. Le moyen ne peut ainsi, et en tout état de cause, qu'être écarté comme manquant en fait.

4. En second lieu, les dispositions précitées de l'article 28 de la loi du

30 septembre 1986 subordonnent la délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un service diffusé par voie hertzienne terrestre à la conclusion, entre le CSA et la personne qui demande l'autorisation, d'une convention fixant les règles particulières applicables au service. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorisation et la convention annexée à cette autorisation fassent l'objet de modifications, à la demande du titulaire de l'autorisation. Saisi par le titulaire d'une autorisation d'exploiter un service radiophonique d'une demande tendant à ce que l'autorisation et la convention afférente à ce service soient modifiées, le CSA est tenu de la rejeter dans le cas où la modification sollicitée revêt, du fait de son objet ou de son ampleur, un caractère substantiel. Si tel n'est pas le cas, il appartient au CSA, sous le contrôle du juge, d'apprécier si l'intérêt du public lui permet, au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, notamment de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, de diversification des opérateurs, de nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, et compte tenu, en particulier, des critères mentionnés aux 4° et 6° du même article, d'accepter de modifier l'autorisation et la convention annexée à cette autorisation.

5. Il résulte des termes de la décision litigieuse que, pour rejeter la demande présentée par la société Soprodi Radios Régions SAS, le CSA s'est fondé sur le motif tiré de ce que la demande de modification du lieu d'implantation de l'émetteur de Radio Star revêtait un caractère substantiel en ce que cela conduirait à un déplacement de la zone couverte de la radio vers la zone de Jussey, sans même que les zones couvertes, avant et après modification, ne se recoupent. La société Soprodi Radios Régions SAS le conteste en soutenant que le conseil aurait dû tenir compte des populations déjà couvertes par l'ensemble des autres fréquences voisines de Radio Star, soit un gain net de population n'excédant pas -selon ses écritures qui varient sur ce point- un millier ou 10 000 habitants. Il ressort des pièces du dossier que la convention signée par la société requérante et le CSA stipulait en son article 4-1-5 relatif aux caractéristiques techniques d'émission, que la première s'engageait à ce que les caractéristiques techniques d'utilisation du matériel d'émission soient conformes à l'autorisation et que le réémetteur situé à La Roche-Morey devait permettre à Radio Star de piloter ses émetteurs de Gray et Lure-Luxeuil et de résorber des zones d'ombre dans sa zone de desserte, à l'aide d'un émetteur de puissance apparente rayonnée (PAR) maximale de 100 W. Pour autant, outre que la PAR du nouvel émetteur s'avère être de 200W, le lieu envisagé pour son implantation est distant du précédent d'une vingtaine de kilomètres. Par ailleurs, quand bien même la zone desservie par Radio Star concernerait-elle un nombre d'auditeurs potentiels similaire, il ressort des simulations théoriques effectuées par les services du CSA ainsi que des cartes versées aux débats, que la modification demandée entraînerait un déplacement significatif de la zone desservie et que le public bénéficiant de la diffusion et du service à partir de l'émetteur de La Roche-Morey en serait privé en cas de déplacement de l'émetteur vers Jussey, les deux émetteurs couvrant des zones géographiques distinctes. Par conséquent, la zone géographique pour laquelle l'autorisation avait été donnée étant modifiée de façon substantielle et la demande de modification étant de nature à remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance de l'autorisation et à porter atteinte aux principes d'égalité et de libre concurrence entre les candidats, c'est sans commettre d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour ce seul motif, a décidé de refuser la demande au motif qu'elle emportait une modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été accordée. 16 m

6. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que, comme l'a implicitement estimé le Conseil d'Etat par sa décision susvisée, les dispositions des articles 25 et suivants de la loi du

30 septembre 1986 devant être substituées à celles de l'article 42-3 de la même loi comme fondement légal de la décision attaquée, la société requérante ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de cet article.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Soprodi Radios Régions SAS n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le CSA a rejeté sa demande tendant à ce que soient modifiées les caractéristiques techniques relatives à la diffusion de Radio Star, service autorisé sur la fréquence 105,2 Mhz à La Roche-Morey, en lui permettant de déplacer son émetteur sur le territoire de la commune de Chargey-lès-Port.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée par la société Soprodi a Radios Régions SAS au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Soprodi Radios Régions SAS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Soprodi Radios Régions SAS et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience publique du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

M-D... A... Le président,

M. B... Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01624
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

56-04-01-02 Radio et télévision. Services privés de radio et de télévision. Services de radio. Conditions de programmation et de diffusion.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP GATINEAU-FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-01;19pa01624 ?
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