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01/12/2020 | FRANCE | N°18PA02988

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 01 décembre 2020, 18PA02988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 16 décembre 2014 et 23 avril 2015 ainsi que la décision implicite de rejet du 7 octobre 2015 par laquelle le conseil départemental du Val-de-Marne a rejeté son recours gracieux du 3 août 2015, décisions par lesquelles le département du Val-de-Marne a refusé de prendre en charge les écarts entre les ressources des hébergés réellement perçues dans ses établissements et les resso

urces déclarées lors de la constitution du dossier d'aide sociale à l'hébergeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 16 décembre 2014 et 23 avril 2015 ainsi que la décision implicite de rejet du 7 octobre 2015 par laquelle le conseil départemental du Val-de-Marne a rejeté son recours gracieux du 3 août 2015, décisions par lesquelles le département du Val-de-Marne a refusé de prendre en charge les écarts entre les ressources des hébergés réellement perçues dans ses établissements et les ressources déclarées lors de la constitution du dossier d'aide sociale à l'hébergement.

Par un jugement n° 1507990 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018, l'AP-HP, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du conseil départemental du Val-de-Marne des

16 décembre 2014 et du 23 avril 2015, ainsi que toute décision antérieure par laquelle ce dernier a décidé de ne plus lui verser l'intégralité du prix de journée des personnes hébergées au titre de l'aide sociale à l'hébergement, ensemble la décision du 3 août 2015 par laquelle le conseil départemental du Val-de-Marne a rejeté son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de prendre en charge les écarts entre le prix de journée et les ressources reversées par les personnes bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement augmentées de la somme versée au titre de cette aide ;

4°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de lui verser l'intégralité du prix de journée facturé pour les bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement ;

5°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'AP-HP soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé et ne répond pas à l'ensemble des moyens invoqués en première instance ;

- en jugeant que les conclusions dirigées contre les décisions des 16 décembre 2014 et 23 avril 2015 étaient irrecevables, alors que ces décisions faisaient grief, les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- à supposer que les courriers des 16 décembre 2014 et 23 avril 2015 tendent à expliquer une décision antérieure, les premiers juges auraient dû regarder la demande comme dirigée à l'encontre de cette décision ;

- les termes de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles et notamment l'emploi du terme " remboursement " impliquent nécessairement que les frais d'hébergement aient fait l'objet d'une avance par le département ;

- les dispositions de l'article R. 314-105 du code de l'action sociale et des familles ainsi que les termes de la circulaire n°90/48 du 10 août 1990 indiquent que les dépenses liées à l'aide sociale à l'hébergement sont prises en charge par le département ;

- le département ne saurait transférer aux établissements publics de santé le risque financier découlant d'une mauvaise évaluation des ressources des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement alors que c'est au département qu'il revient d'actualiser le montant de cette aide et que c'est au département que le bénéficiaire a l'obligation de reverser sa contribution.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2018, le département du Val-de-Marne, représenté Me A... B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'AP-HP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé et répond à tous les moyens ;

- les courriers des 16 décembre 2014 et 23 avril 2015, qui se bornent à rappeler la mise en place d'un paiement différentiel de l'aide sociale à l'hébergement depuis le mois de janvier 2013, ont un caractère purement informatif ;

- il ne se déduit pas de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles qui pose le principe de l'obligation de l'affectation des ressources du bénéficiaire de l'aide sociale à l'hébergement à hauteur de 90%, que le département doive faire l'avance des frais d'hébergement ;

- l'AP-HP opère une confusion entre les modalités de contribution de l'usager à ses frais d'hébergement et les modalités de paiement de l'aide sociale à l'hébergement par le département ;

- il résulte des dispositions des articles R. 314-150, R. 314-158 et R. 314-159 du code de l'action sociale et des familles que le financement de la prestation d'hébergement est pris en charge par la personne accueillie en établissement de santé qui s'acquitte elle-même de ses frais de séjour, et qu'une partie de cette prestation peut être financée par l'aide sociale à l'hébergement ;

- le département a mis en place un dispositif d'information permettant à l'AP-HP de facturer les frais d'hébergement sans supporter de risque financier et continue de faire l'avance de la contribution des obligés alimentaires.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de l'action sociale et des familles,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour le conseil départemental du Val-de-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. L'AP-HP prend en charge dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des établissements de santé dotés d'unités de soins de longue durée, des personnes âgées dépendantes au sens de l'article L. 231-4 du code de l'action sociale et des familles. Les frais d'hébergement liés à cette prise en charge sont financés par l'aide sociale à l'hébergement prévue par l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles, dont la mise en oeuvre incombe aux départements, ainsi que par les contributions du bénéficiaire de cette aide et de ses obligés alimentaires dans les conditions fixées par les articles L. 231-3 et suivants du même code.

2. En janvier 2013, le département du Val-de-Marne, qui versait jusqu'alors à l'AP-HP l'intégralité du coût d'hébergement des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement, a mis en place un nouveau mode de paiement différentiel de cette aide, consistant à s'acquitter auprès des établissements de santé de son montant ainsi que de celui correspondant à la contribution des obligés alimentaires de ses bénéficiaires. L'AP-HP relève appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le département du Val-de-Marne a refusé de prendre en charge l'intégralité des prix de journée des personnes âgées hébergées par ses établissements et bénéficiant de l'aide sociale à l'hébergement.

Sur la régularité du jugement :

3. Le jugement attaqué est suffisamment motivé. Si l'AP-HP soutient que les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble de ses moyens, ce grief n'est assorti d'aucune précision. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 113-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa version alors applicable : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d'une aide à domicile, soit d'un placement chez des particuliers ou dans un établissement. Les personnes âgées de plus de soixante ans peuvent obtenir les mêmes avantages lorsqu'elles sont reconnues inaptes au travail ". Aux termes du I de l'article 113-2 du même code : " Le département définit et met en oeuvre l'action sociale en faveur des personnes âgées (...) ".

5. Aux termes de l'article 231-4 du même code : " Toute personne âgée qui ne peut être utilement aidée à domicile peut être accueillie, si elle y consent, dans des conditions précisées par décret, soit chez des particuliers, soit dans un établissement de santé ou une maison de retraite publics, soit dans un établissement privé ". Aux termes de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 % (...) ". Aux termes de l'article L. 132-4 du même code : " La perception des revenus, y compris l'allocation de logement à caractère social, des personnes admises dans les établissements sociaux ou médico-sociaux au titre de l'aide sociale aux personnes âgées, peut être assurée par le comptable de l'établissement public ou par le responsable de l'établissement de statut privé, soit à la demande de l'intéressé ou de son représentant légal, soit à la demande de l'établissement lorsque l'intéressé ou son représentant ne s'est pas acquitté de sa contribution pendant trois mois au moins. Dans les deux cas, la décision est prise par le représentant de la collectivité publique d'aide sociale compétente, qui précise la durée pendant laquelle cette mesure est applicable. Le comptable de l'établissement reverse mensuellement à l'intéressé ou à son représentant légal, le montant des revenus qui dépasse la contribution mise à sa charge. En tout état de cause, l'intéressé doit disposer d'une somme mensuelle minimale. Le montant de celle-ci ainsi que le délai dans lequel il doit être répondu aux demandes et les délais minimum et maximum pour lesquels la décision mentionnée ci-dessus est prise, sont fixés par décret ". Aux termes de l'article L. 132-6 du même code : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (...) /La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire (...) ".

6. Aux termes de l'article R. 314-158 du code de l'action sociale et des familles dans sa version alors applicable : " Les prestations fournies par les établissements ou les sections d'établissement mentionnés à l'article L. 313-12 et par les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée comportent : 1° Un tarif journalier afférent à l'hébergement ; (...) ". Aux termes du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version alors applicable, auquel renvoie l'article L. 313-12 du même code : " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ". Aux termes de l'article R. 314-159 du même code dans sa version alors applicable : " Le tarif afférent à l'hébergement recouvre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'entretien et d'animation de la vie sociale de l'établissement qui ne sont pas liées à l'état de dépendance des personnes accueillies. Ce tarif est à la charge de la personne âgée accueillie ".

7. D'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il est constant que le mode de versement différentiel de l'aide sociale à l'hébergement a été mis en place par le département du Val-de-Marne à compter de janvier 2013, de sorte la décision ayant procédé à la modification de ce mode de versement ne saurait être regardée comme résultant des courriers des 16 décembre 2014 et 23 avril 2015 adressés par les services du département. Ces derniers dont le contenu se borne à éclairer l'AP-HP sur ce nouveau mode de versement tout en rappelant la réglementation applicable ne peuvent être regardés que comme ayant confirmé la décision adoptant un mode de paiement différentiel de l'aide sociale à l'hébergement, annoncée dans les échanges intervenus en 2012 entre l'APHP et le conseil départemental, entrée en application le 1er janvier 2013, et dont l'existence est révélée par la modification des pratiques comptables à cette date. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de l'AP-HP dirigées contre ces courriers, au motif que ceux-ci ne présentaient pas de caractère décisoire.

8. D'autre part, il résulte des dispositions rappelés aux points 4 à 6 que le coût de l'hébergement d'une personne âgée en établissement de santé est supporté par cette dernière, ainsi que, si ses ressources sont insuffisantes, par ses obligés alimentaires et, lorsque les contributions de ces derniers sont également insuffisantes, par une participation du conseil départemental au titre de l'aide sociale à l'hébergement, sans que ces dispositions n'imposent un mode de versement spécifique de cette aide sociale par le département aux établissements de santé.

9. En effet, si l'article L. 132-3 du code de l'action et des familles mentionne que les revenus de la personne âgée sont affectés au remboursement de ses frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %, ces dispositions ne sauraient être regardées, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, comme ayant pour effet d'obliger le département à avancer l'intégralité de ces frais d'hébergement, à charge pour lui de se faire rembourser, ensuite, par le bénéficiaire de l'aide sociale à l'hébergement. Ces dispositions, combinées à celles des articles R. 314-158 et R. 314-159 précités, impliquent au contraire que le bénéficiaire de l'aide sociale à l'hébergement doit, lui-même, assurer le paiement de l'établissement d'accueil.

10. En outre, si l'AP-HP soutient que la mise en place d'un mode de versement différentiel de l'aide sociale à l'hébergement a pour effet de faire peser sur les établissements de santé un risque financier lié aux difficultés d'évaluation des ressources des bénéficiaires de l'aide, il ressort des pièces versées en première instance par le département du Val-de-Marne que le passage à un versement différentiel de cette aide s'est accompagné à partir de 2011 d'une concertation avec l'AP-HP visant à l'associer aux nouvelles modalités de ce versement, et a donné lieu à la mise en place d'un système de transmission des informations relatives aux ressources des bénéficiaires de l'aide entre le département et l'AP-HP, actualisé de manière trimestrielle. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 132-4 du code de l'action sociale et des familles, qu'en cas de défaut de paiement direct par la personne âgée pendant au moins trois mois, l'établissement d'accueil peut demander au président du conseil départemental l'autorisation de percevoir directement les revenus de la personne hébergée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le département du Val-de-Marne a refusé de mettre fin au dispositif de paiement différentiel de l'aide sociale à l'hébergement.

Sur les frais de justice :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Val-de-Marne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame l'AP-HP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros à verser au département du Val-de-Marne sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris est rejetée.

Article 2 : l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris versera une somme de 1 500 euros au département du Val-de-Marne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

Ch. D...Le président,

M. E...Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA02988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02988
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Aide sociale - Organisation de l'aide sociale - Compétences du département.

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes âgées.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : TSOUDEROS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-01;18pa02988 ?
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