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24/11/2020 | FRANCE | N°19PA04219

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 novembre 2020, 19PA04219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1915108/4-1 du 3 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 décembre 201

9 et le 23 juillet 2020, M. B... C..., représenté par Me Clerc, demande à la Cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1915108/4-1 du 3 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 décembre 2019 et le 23 juillet 2020, M. B... C..., représenté par Me Clerc, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915108/4-1 du 3 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 mars 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre à son moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'autorité de la chose jugée ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien compte tenu de l'absence de traitement disponible dans son pays d'origine ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa vie privée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. B... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 7 novembre 2019

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Clerc, avocat de M. B... C....

Une note en délibéré, présentée pour M. B... C..., a été enregistrée le 13 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant algérien né le 30 novembre 1972, entré en France en 2013 selon ses déclarations, s'est vu délivrer un certificat de résidence à raison de son état de santé valable du 6 février 2015 au 5 février 2016. La décision du 16 janvier 2017 refusant le renouvellement de ce titre de séjour ayant été annulée, un nouveau certificat de résidence a été délivré à l'intéressé, valable du 8 septembre 2017 au 7 septembre 2018. Par un arrêté du 19 mars 2019, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination. M. B... C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont omis de répondre au moyen, soulevé par le requérant et qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance par la décision de refus de séjour attaquée de l'autorité de la chose jugée. Dès lors, il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, de se prononcer par la voie de l'évocation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de renouvellement du certificat de résidence algérien :

3. Si M. B... C... soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé le 19 mars 2019 méconnaît l'autorité de la chose jugée par le Tribunal administratif de Paris, qui, par un jugement n° 1706619/1-3 du 31 juillet 2017 définitif faute d'appel, a annulé la décision du 16 janvier 2017 par laquelle le renouvellement de ce même titre de séjour avait déjà été refusée, dans des circonstances qui n'ont pas évolué, il est constant que la décision en litige a été prise, deux ans après, en réponse à une nouvelle demande et a fait l'objet d'une nouvelle instruction et notamment d'un avis du collège des médecins désormais compétent, dans des circonstances de droit nouvelles. Dès lors, et quand bien même son état de santé n'aurait pas évolué, la chose jugée par le Tribunal administratif de Paris le 31 juillet 2017 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Le moyen doit dès lors être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision vise les textes applicables à la situation de l'intéressé, précise qu'il ne remplit pas les conditions de l'article 6-7 de l'accord franco algérien, mentionne l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 27 décembre 2018, décrit la situation personnelle de l'intéressé et examine les effets du refus de séjour sur le droit au respect de sa vie privée et familiale de l'intéressé. Par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".

6. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. D'une part, l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII précise que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B... C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et précise que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cet avis ne comprend pas les mentions exigées par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté.

8. D'autre part, les signatures des trois médecins composant le collège, désignés par le directeur général de l'OFII pour y siéger, sont précédées de leurs noms et prénoms. Le moyen tiré de ce que les praticiens signataires de cet avis ne seraient pas identifiables doit être écarté.

9. Enfin la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. En l'espèce il est constant que M. B... C... est atteint d'un diabète insulino-dépendant avec complications multiples et que cet état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les médecins du collège compétent dans leur avis du 27 décembre 2018, il ne peut bénéficier effectivement en Algérie des traitements nécessités par son état de santé, M. B... C... produit des certificats des médecins participant à sa prise en charge, dont aucun toutefois ne mentionne que les traitements médicamenteux nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles en Algérie. Par ailleurs, à supposer que les pièces produites, à savoir une liste des médicaments disponibles en Algérie et des courriers émanant des fabricants de deux des médicaments qui lui sont prescrits, établissent que certaines marques de médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles en Algérie, le requérant n'établit pas, ni même ne soutient, qu'il n'existerait pas à la date de la décision attaquée d'autres marques de médicaments aux mêmes substances actives, telles que l'acide acétylsalicylique et l'acétylsalicylate de lysine, l'esoméprazole ainsi que l'insuline asparte et l'insuline glargine, l'atorvastatine et la pregabaline, disponibles en Algérie pour son traitement telles qu'elles figurent sur ce même tableau, dont la version postérieure à la décision attaquée ne peut être prise en compte. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de quarante ans et qu'il n'y est pas isolé puisque son père y réside, selon ses propres déclarations. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et que, par suite, elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs il n'est pas plus fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Le moyen tiré de la violation des dispositions du 10° de l'article 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à demander à la Cour d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 du préfet de police. Par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er: Le jugement n° 1915108/4-1 du 3 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... C... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA04219 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04219
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité externe. - Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-24;19pa04219 ?
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