Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 avril 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1803889 du 14 mars 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803889 du 14 mars 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2018 de la préfète de Seine-et-Marne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
La décision de refus d'admission au titre de séjour :
- porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
L'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
La requête été communiquée le 19 septembre 2019 à la préfète de la Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les observations de M. C...,
- et Mme C..., autorisée à apporter des éclaircissements.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant turc, né le 26 décembre 1976, a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 13 avril 2018, la préfète de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le requérant fait appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. M. C... a épousé le 24 juillet 2003, à Istanbul, une compatriote, résidant depuis au moins 1988 en France, où elle a été scolarisée, et qui est actuellement titulaire d'un titre de séjour de dix ans valide du 2 juillet 2013 au 1er juillet 2023. De leur union sont nés en France deux enfants, le 9 décembre 2004 et le 31 mai 2009. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C..., qui continuait de résider en Turquie postérieurement à son mariage et à la naissance de ses enfants, n'est entré pour la dernière fois en France que le 27 décembre 2017, trois mois et demi avant l'arrêté attaqué. Il ne justifie pas avoir participé à l'entretien et l'éducation de ses enfants depuis leur naissance, ni avoir subvenu aux besoins de son épouse, ni avoir séjourné en France de manière fréquente ou plus de deux semaines consécutives avant 2018, la circonstance qu'il produise des attestations de versement de prestations de la caisse d'allocations familiales et des avis d'impôt établis à leurs deux noms sur la période étant à cet égard sans incidence, de même que les demandes de regroupement familial qu'aurait déposées son épouse en 2004 et 2010. En outre, à la date de l'arrêté contesté, M. C..., ses deux enfants et sa conjointe étaient tous hébergés par les parents de celle-ci, qui ne travaillait pas et percevait seulement le revenu de solidarité active et les allocations familiales. M. C... ne démontre enfin pas avoir perdu toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et en particulier de la très courte durée de séjour en France de M. C... à la date de l'arrêté attaqué, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés, sans préjudice du droit au séjour de M. C... tel qu'il serait apprécié dans le cadre d'une nouvelle demande de titre formée consécutivement à la notification du présent arrêt, après trois ans de présence en France.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
5. Eu égard à la très courte ancienneté de son séjour en France à la date de l'arrêté attaqué et à l'absence de pièce relative à sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants antérieurement à son arrivée sur le territoire, la décision de refus de séjour opposée à M. C... ne méconnaît pas les stipulations précitées.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
7. M. C... se prévaut de sa vie privée et familiale en France, d'une promesse d'embauche établie le 2 février 2018 par la société ETG en qualité de dessinateur de bâtiment, ainsi que de son intégration, en faisant valoir qu'il a suivi une formation afin de maîtriser la langue française. Toutefois, il n'invoque ainsi aucune circonstance humanitaire, ni aucun motif exceptionnel justifiant que lui soit octroyée une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, M. C... soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale. Toutefois, compte tenu de ce qui a été développé aux points 3, 5 et 7, ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui a été développé précédemment, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02745 2