Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays où elle pourrait être reconduite.
Par un jugement n° 1902612 du 8 avril 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 mars 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902612 du 8 avril 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C... dans toutes ses conclusions.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'entrée sur le territoire du 12 mars 2019 ;
- les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un courrier en date du 1er octobre 2020, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante hondurienne née le 2 avril 1988, est arrivée en France, à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, le 12 mars 2019, en provenance de Mexico, et devait monter dans un vol à destination de Madrid. Par une décision du même jour, elle a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français et a été placée en zone d'attente. Après avoir refusé à deux reprises, les 14 et 19 mars 2019, d'embarquer sur des vols à destination de Mexico, Mme C... a été placée en garde à vue le 19 mars 2019. Par un arrêté du 19 mars 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait appel du jugement du 8 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / (...) ; / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ".
3. Mme C... qui, du fait de sa nationalité, est exemptée de visa pour effectuer un séjour de moins de 90 jours dans l'Espace Schengen, a déclaré à son arrivée en France le 12 mars 2019 se rendre à Madrid pour y faire du tourisme jusqu'au 17 mars 2019. Elle a présenté un billet d'avion Roissy-Madrid pour le 12 mars ainsi que le billet d'un vol retour Madrid-Mexico le 17 mars 2019. Elle disposait également d'un passeport en cours de validité, d'une attestation d'assurance médicale couvrant l'intégralité de son séjour, de la somme de 1 035 euros et 10 dollars américains et d'une réservation d'hôtel couvrant la totalité de son séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition établi le 12 mars 2019 par un agent de police aux frontières, que Mme C... a expressément reconnu être venue pour travailler en Espagne pour une durée de deux ans dans le domaine de l'assistance aux personnes. Si elle est ensuite revenue sur ces déclarations initiales, celles-ci étaient précises et circonstanciées. Ainsi, Mme C... devait être regardée comme entrant sur le territoire Schengen pour un séjour de plus 90 jours et ne pouvait dès lors se prévaloir du respect des conditions d'entrée sur le territoire Schengen dans le cadre des dispositions précitées du c du 1 de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas des pièces du dossier, et il n'est pas soutenu, qu'elle remplissait les conditions d'un séjour de plus de trois mois sur le territoire Schengen. En conséquence, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté contesté au motif que l'intéressée remplissait les conditions d'une entrée régulière sur le territoire Schengen et en France.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... en première instance.
Sur les autres moyens soulevés par Mme C... en première instance :
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté du 19 mars 2019 :
5. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les éléments de fait relatifs à la situation de Mme C..., notamment la circonstance qu'elle a fait l'objet, le 12 mars 2019, d'un refus d'entrée en France pour détournement de l'objet de son voyage, ayant déclaré vouloir s'installer en Espagne durant un ou deux ans dans le but d'y travailler, qu'elle ne dispose pas d'un visa d'entrée lui permettant de solliciter un titre de séjour l'autorisant à travailler dans ce pays, qu'elle a fait l'objet le même jour d'une décision de maintien en zone d'attente, qu'elle a été présentée le 14 mars 2019 à l'embarquement d'un vol à destination de Mexico, qu'elle a refusé d'embarquer et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'elle est célibataire et mère de deux enfants vivant au Honduras. S'agissant de la décision refusant à Mme C... un délai de départ volontaire, l'arrêté contesté mentionne qu'elle ne présente pas de garantie de représentation effective dans la mesure où elle dispose d'un document de voyage en cours de validité et n'a pas déclaré le lieu de sa résidence. Dans ces circonstances, l'arrêté du 19 mars 2019 est suffisamment motivé et il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen individuel de sa situation doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un État membre de l'Union européenne : / 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...). ".
7. Un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, en transit sans avoir exprimé le souhait d'entrer sur le territoire, qui a été placé en garde à vue en raison de son refus d'être rapatrié et dont l'entrée sur le territoire national ne résulte que de ce placement en garde à vue, hors de la zone d'attente, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les seules dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du CESEDA. En revanche, il peut, le cas échéant, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, fondée sur l'irrégularité de son entrée sur le territoire européen, en application de l'article L. 511-2 du même code, appréciée au regard des seuls documents exigés par le code frontières Schengen ainsi que le prévoient ces dispositions.
8. Mme C... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle remplissait les conditions pour prendre son vol à destination de Madrid. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que son moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait pas se fonder sur les seules dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger, par l'arrêté contesté du 19 mars 2019 Mme C... à quitter le territoire français au motif qu'elle ne justifiait pas être entrée régulièrement sur le territoire français.
10. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
11. En l'espèce, ainsi que les parties en ont été informées, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° du I de l'article L. 511-1 du même code dès lors que Mme C... ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du
9 mars 2016 relatif aux conditions d'entrée dans l'espace Schengen des ressortissants des pays tiers. Cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.
12. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 2 et 3 ci-dessus, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
15. Pour refuser un délai de départ volontaire à Mme C..., le préfet a estimé qu'il existait un risque que celle-ci se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle ne présentait pas de garanties de représentation effectives, notamment dans la mesure où elle n'avait pas indiqué l'adresse d'une résidence effective. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision lui refusant un délai de départ volontaire d'erreur manifeste d'appréciation, ni fait une inexacte application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 19 mars 2019. Les conclusions de première instance de Mme C... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902612 du 8 avril 2019 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance de Mme C... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. A..., président de chambre,
- M. Diemert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
Le président-assesseur,
S. DIÉMERTLe président,
J. A...
La greffière,
A. LOUNIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02759 2