Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Voies navigables de France a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner M. D... C... au paiement d'une amende de 12 000 euros telle que prévue à l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques et d'enjoindre à M. C... de remettre la servitude de marche pied située au droit de sa propriété, sise 5 bis chemin de l'Ile de Beauté à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) en l'état ou, à défaut, de payer les frais de remise en état par Voies navigables de France.
Par un jugement n° 1802732 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a condamné M. C... à payer une amende d'un montant de 10 000 euros et lui a enjoint à de libérer de toute occupation et de remettre en l'état la servitude de marche pied située au droit de sa propriété et décidé qu'à défaut d'exécution, Voies navigables de France pourra procéder d'office à cette remise en état à ses frais.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2019, M. D... C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802732 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de le relaxer des fins de poursuite ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué en réduisant la condamnation prononcée à son encontre.
Il soutient que :
- la surface exacte de la servitude dite de marchepied dont est frappée sa propriété n'est pas connue ;
- il n'est pas démontré que les déchets dont la présence a été constatée se trouvaient sur cette servitude ;
- l'action publique est prescrite ;
- il a été confronté à une situation de force majeure en raison d'une crue qui a submergé l'ensemble de sa propriété, dans les jours qui immédiatement précédé l'établissement du procès-verbal.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2020, Voies navigables de France conclut au rejet de la requête.
L'établissement public fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Le 15 octobre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen, d'ordre public, tiré de ce que les dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, applicables aux seules dépendances du domaine public fluvial, n'ont ni pour effet, ni pour objet de permettre la répression des contraventions de grande voirie s'agissant des atteintes portées à des servitudes dont la protection est spécifiquement organisée selon des modalités fixées par les articles L. 2131-2, L. 2132-16 et L. 2132-26 dudit code ainsi que par l'article 131-13 du code pénal, les poursuites engagées à l'encontre du requérant sont dépourvues de fondement.
Le 22 octobre 2020 à 15h28, soit durant l'audience publique, Voies navigables de France a présenté des observations en réponse à cette communication.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un procès-verbal de contravention de grande voirie, établi le 6 février 2018, un agent assermenté de Voies navigables de France a constaté la présence sur la servitude dite de marche pied située au PK 171 de la rivière Marne, rive droite, au droit de la propriété de M. C..., sise 5 bis chemin de l'Île de Beauté à Nogent-sur-Marne, de divers dépôts et déversements de matériaux. À la demande de l'établissement public Voies navigables de France, le tribunal administratif de Melun a, par un jugement du 28 juin 2019 dont M. C... interjette appel devant la Cour, condamné l'intéressé à payer une amende d'un montant de 10 000 euros, lui a enjoint de libérer de toute occupation et de remettre en l'état la servitude de marche pied située au droit de sa propriété et décidé qu'à défaut d'exécution, Voies navigables de France pourra procéder d'office à cette remise en état aux frais de l'intéressé.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. / Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons. (...) La continuité de la servitude de passage, dite "servitude de marchepied", doit être assurée tout au long du cours d'eau ou du lac domanial ; la ligne délimitative ne peut s'écarter de celle du domaine fluvial, sauf à titre exceptionnel lorsque la présence d'un obstacle naturel ou patrimonial rend nécessaire son détournement. (...) ". L'article L. 2132-16 du même code dispose que : " En cas de manquements aux dispositions de l'article L. 2131-2, les contrevenants sont tenus de remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office à la personne publique propriétaire. /Le contrevenant est également passible de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 ". Aux termes de l'article L. 2132-26 dudit code : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. / Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. / Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. ". Enfin, l'article 131-13 du code pénal dispose que : " Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3 000 euros. Le montant de l'amende est le suivant : / (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5ème classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". L'article L. 2132-9 du même code dispose que : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ".
4. En outre, l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ".
5. Il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions qui précèdent que, si la répression des contraventions de grande voirie est susceptible d'être engagée en vue de la protection d'une servitude dite de marchepied, les dispositions législatives ou réglementaires instituant ces contraventions ne sont pas applicables, sauf disposition expresse, aux terrains privés grevés d'une telle servitude, lesquels, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ne constituent pas des dépendances du domaine public fluvial et ne peuvent y être assimilées de quelque manière. Par suite, les dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, applicables aux seules dépendances du domaine public fluvial, n'ont ni pour effet, ni pour objet de permettre la répression des contraventions de grande voirie s'agissant des atteintes portées à des servitudes dont la protection est spécifiquement organisée selon des modalités fixées par les articles L. 2131-2, L. 2132-16 et L. 2132-26 dudit code ainsi que par l'article 131-13 du code pénal.
6. Le juge administratif doit vérifier d'office, au titre du champ d'application de la loi, que le texte invoqué par l'administration peut servir de fondement aux poursuites engagées en application du chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative. En faisant application, en méconnaissance des règles rappelées au point 5, de dispositions destinées à assurer la protection des dépendances du domaine public à une situation de fait qu'il a regardée comme affectant une parcelle appartenant à un particulier, le tribunal administratif a donc commis une erreur de droit, et le jugement attaqué doit donc être censuré sur ce point. Dès lors, il y a lieu pour la Cour d'écarter d'office la mise oeuvre à l'égard de M. C... des dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques.
7. Toutefois, il appartient au juge de la contravention de grande voirie de rechercher, même d'office, si les faits constatés par le procès-verbal constituent une infraction à d'autres dispositions que celles qui y sont expressément mentionnées.
8. Il ne résulte pas de l'instruction et, notamment, ni de quelques photographies prises depuis le fleuve, d'ailleurs dans les jours qui ont suivi la crue de la Marne ayant submergé l'ensemble de la propriété du requérant, ni des énonciations du procès-verbal du 6 février 2018, au demeurant peu précises et peu circonstanciées et qui, en exposant que : " M. C... (...) entrave la servitude de marche pied de divers dépôts et matériaux divers dans le domaine public fluvial ", mêlent sans les distinguer les constats relatifs à la servitude de marchepied et ceux relatifs le domaine public fluvial, que l'exactitude matérielle des faits reprochés au requérant par l'administration soit établie de manière suffisamment certaine pour fonder l'infliction de l'amende prévue par les textes susmentionnés dans le respect du principe selon lequel nul n'est responsable que de son propre fait.
9. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, faute pour Voies navigables de France d'avoir transmis à la Cour des éléments nouveaux postérieurs au 4 juillet 2018, date des dernières observations transmises aux premiers juges, que l'état des lieux, qui doit s'apprécier à la date à laquelle le juge statue, justifierait leur remise en l'état par M. C.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'action domaniale.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, de rejeter les conclusions de première instance et d'appel de Voies navigables de France et de relaxer M. D... C... des fins de poursuite.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1802732 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : M. D... C... est relaxé des fins de la poursuite.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'action domaniale.
Article 4 : Les conclusions de première instance et d'appel présentée par Voies navigables de France sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Jean-Marc C... et à Voies navigables de France.
Copie en sera adressée au Préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. B..., président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
Le rapporteur,
S. B...Le président,
L. LAPOUZADE Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02613