La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2020 | FRANCE | N°19PA01761

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19PA01761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de l'immeuble avenue d'Italie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 août 2016 par laquelle la ville de Paris a opposé un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire tendant à la restructuration d'anciens locaux de garage en deux bâtiments indépendants à usage d'habitation, de bureaux et de commerce sur un terrain sis 133-139 avenue d'Italie, à Paris 13e, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux

Par un jugemen

t n° 1701701 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de l'immeuble avenue d'Italie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 août 2016 par laquelle la ville de Paris a opposé un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire tendant à la restructuration d'anciens locaux de garage en deux bâtiments indépendants à usage d'habitation, de bureaux et de commerce sur un terrain sis 133-139 avenue d'Italie, à Paris 13e, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux

Par un jugement n° 1701701 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société civile de l'immeuble avenue d'Italie.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2019, la société civile de l'immeuble avenue d'Italie, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1701701 en date du 29 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision de la ville de Paris du 2 août 2016, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la ville de Paris, dans un délai maximal d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui délivrer le permis de construire sollicité tel qu'il a fait l'objet d'une demande en date du 7 août 2015 ou, à titre subsidiaire, lui enjoindre de statuer sur sa demande de permis de construire ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en particulier s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision de sursis à statuer n'est pas suffisamment motivée et méconnaît l'article L. 424-3 de ce code ;

- elle est irrégulière faute de comporter en annexe les avis des services consultés au cours de l'instruction de la demande de permis de construire ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;

- la décision de sursis à statuer est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la charge de la preuve pèse sur l'administration, qui doit démontrer que les travaux projetés sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreux les travaux de prolongement de la ligne 14, ce qu'elle ne fait pas ;

- l'annulation du jugement litigieux, et par voie de conséquence de l'arrêté litigieux, implique nécessairement que le Maire de Paris prenne une nouvelle décision sur la demande de permis de construire.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2020, la ville de Paris, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., avocat de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile de l'immeuble avenue d'Italie, a déposé, le 7 août 2015, une demande de permis de construire pour le terrain situé 133-139 avenue d'Italie à Paris 13e, complétée et modifiée entre les 28 octobre 2015 et 1er juillet 2016, en vue de la restructuration d'un garage existant en deux bâtiments indépendants de R+2 à usage d'habitation (188 logements créés) avec changement de destination de locaux artisanaux et d'entrepôts en habitations, bureaux et commerce, réaménagement de deux commerces existants sur l'avenue d'Italie aux rez-de-chaussée et 1er étage en mezzanine, réaménagement d'un niveau de bureaux au 2ème étage dans le bâtiment sur rue avec création d'un hall d'accès indépendant à rez-de-chaussée sur avenue, aménagement de jardins et végétalisation des toitures terrasses des étages supérieurs et création d'un bassin de rétention des eaux de pluie en sous-sol. Par une décision du 2 août 2016, la ville de Paris a opposé un sursis à statuer à cette demande et a implicitement rejeté le recours gracieux formé par la société civile de l'immeuble avenue d'Italie à l'encontre de cette décision. La société fait appel du jugement du 29 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont précisément exposé au point n° 9 du jugement attaqué, les motifs de droit et de fait pour lesquels ils ont estimé que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme n'était pas fondé. La société civile de l'immeuble avenue d'Italie n'est ainsi pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à cet égard, entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation.

4. En second lieu, la société requérante fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'existence d'un vice de légalité externe tenant à ce que les avis des services consultés n'étaient pas joints à la décision contestée du 2 août 2016. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition, ni d'aucun principe que l'autorité administrative serait tenue d'annexer à sa décision de sursis à statuer les avis des services consultés. Par suite, les premiers juges, qui l'ont visé, n'étaient pas tenus de répondre à ce moyen inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. / Il peut également être sursis à statuer : / 1° Dès la date d'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique d'une opération, sur les demandes d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations à réaliser sur des terrains devant être compris dans cette opération ; / 2° Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités ; / 3° Lorsque des travaux, constructions ou installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d'une opération d'aménagement, dès lors que le projet d'aménagement a été pris en considération par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités./ Le sursis à statuer ne peut être prononcé que si la décision de prise en considération prévue aux 2° et 3° du présent article et à l'article L. 102-13 a été publiée avant le dépôt de la demande d'autorisation (...) ".

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " (...) Le sursis à statuer doit être motivé (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 424-3 de ce même code : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / Il en est de même lorsqu'elle (...) oppose un sursis à statuer (...) ".

7. La décision en litige qui vise le code de l'urbanisme et notamment le livre IV relatif au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions, ainsi que le plan local d'urbanisme (PLU) de la ville de Paris, précise notamment que le projet, consistant en une restructuration d'anciens locaux de garage en deux bâtiments indépendants en vue de la création d'une surface de plancher de 1 845 m2 à usage d'habitation, de bureaux et de commerce, est situé sur une parcelle incluse au secteur défini au dossier d'enquête publique du prolongement de la ligne 14 du métro parisien comme une " zone d'intervention potentielle " pour la réalisation de la future station " Maison Blanche " et, qu'en conséquence, il susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreux les travaux de prolongement de la ligne 14. Elle énonce ainsi de manière suffisante les considérations de droit et de fait qui fondent le sursis à statuer en litige et est, par suite, suffisamment motivée.

8. En deuxième lieu, la société civile de l'immeuble avenue d'Italie ne peut utilement faire valoir que les avis des services consultés dans le cadre de l'instruction de sa demande de permis de construire n'étaient pas joints à la décision contestée du 2 août 2016, l'administration n'étant pas tenue par une telle obligation.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de la société requérante doit être bâti sur la parcelle DT n° 15, qui est enclavée et prévoit une servitude de passage sur l'ensemble de la parcelle DT n° 63 pour permettre l'accès à la voie publique. Toutefois, ces parcelles sont situées dans la " zone d'intervention potentielle " pour la réalisation de la future station " Maison Blanche ", dans le cadre du projet de prolongement de la ligne 14 du métro. Plus précisément au droit de la voie publique du 133-139 avenue d'Italie, la parcelle cadastrée DT n° 63 a été incluse dans l'enquête parcellaire, prescrite par un arrêté du 22 juillet 2015 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en vue d'une expropriation future aux fins d'implantation en partie de la station de métro " la Maison Blanche " et du parvis et qu'elle est d'ailleurs désormais grevée d'une servitude d'urbanisme. Si le projet de la société requérante ne prévoit aucune construction sur cette parcelle, il ressort d'une note établie par la RATP le 24 novembre 2016 sur la compatibilité du projet de la société requérante avec les travaux de prolongement de la ligne 14 que les contraintes liées aux travaux de réalisation du tunnel et de la gare interdisent un chantier tiers dans la zone sur la période couvrant 2017 à 2024. Dans ces conditions, la ville de Paris a pu estimer sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, que les travaux projetés sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreux les travaux publics de prolongement de la ligne 14.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile de l'immeuble avenue d'Italie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 août 2016 par laquelle la ville de Paris a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société civile de l'immeuble avenue d'Italie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société le versement à la ville de Paris de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile de l'immeuble avenue d'Italie est rejetée.

Article 2 : La société civile de l'immeuble avenue d'Italie versera une somme de 1 500 euros à la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la ville de Paris est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de l'immeuble avenue d'Italie et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

Le président-assesseur,

S. DIÉMERTLe président,

J. C...Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01761
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELAS LLC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-19;19pa01761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award