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19/11/2020 | FRANCE | N°19PA00146

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19PA00146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2015 du préfet de la Seine-et-Marne autorisant, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la société par actions simplifiée (SAS) Batilogistic à effectuer et à exploiter sur les communes de Chamigny, Dhuisy et Sainte-Aulde, les ouvrages du système d'assainissement de la zone d'activités économiques " Les Effaneaux ", ensemble la décision rejet

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2015 du préfet de la Seine-et-Marne autorisant, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la société par actions simplifiée (SAS) Batilogistic à effectuer et à exploiter sur les communes de Chamigny, Dhuisy et Sainte-Aulde, les ouvrages du système d'assainissement de la zone d'activités économiques " Les Effaneaux ", ensemble la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé auprès du préfet le 8 juillet 2016.

Par un jugement n° 1701211 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions contestées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 10 janvier et 15 février 2019, le ministre d'Etat, ministre de le transition écologique et solidaire, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701211 du 9 novembre 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier :

- dès lors qu'il n'est pas établi que la minute a été signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier d'audience, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- faute d'être suffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du même code ;

- le jugement est entaché d'erreur de qualification juridique des faits et d'erreur de droit au regard de l'article L. 275-7-1 du code de l'environnement dès lors que la parcelle en litige est traversée par un drain agricole, et non par un cours d'eau, et que le ru des Effaneaux ne traverse pas la parcelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2020, l'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde, représentée par Me C..., conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2015 et de la décision portant rejet implicite du recours gracieux et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la SAS Batilogistic qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me Bounfour, avocat de l'Association pour la Protection de l'Environnement de Sainte-Aulde.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Batilogistic a sollicité, le 22 août 2014, la délivrance d'une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement pour la réalisation de la zone d'activités économiques (ZAE) Les Effaneaux, sur le territoire des communes de Chamigny, Dhuisy et Sainte-Aulde. Par un arrêté du 3 juillet 2015, le préfet de Seine-et-Marne l'a autorisée à réaliser et à exploiter les ouvrages du système d'assainissement de la ZAE, sous réserve des prescriptions mentionnées par ledit arrêté. Par un jugement n° 1701211 du 9 novembre 2018 dont il est fait appel, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 3 juillet 2015 ainsi que la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé le 8 juillet 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues manque en fait.

3. Aux termes de l'article L. 9 du code précité : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont décrit la nature des travaux effectués et ont relevé que le si le ru des Effaneaux a été canalisé par le passé et coule en souterrain sur le site, il avait à l'origine un lit naturel, qu'il est alimenté par une source et qu'il présente un débit suffisant la majeure partie de l'année. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.

Sur le bien fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations (...), les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ". Aux termes de l'article L. 214-2 du même code : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat (...) et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques (...) ". Aux termes de l'article L. 214-3 dudit code : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (...) ". Aux termes de l'article R. 214-1 de ce code : " La nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration (...) figure au tableau annexé au présent article. Tableau de l'article R. 214-1. Nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration (...) Titre III Impacts sur le milieu aquatique ou sur la sécurité publique : (...) 3.1.2.0. Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau : 1° Sur une longueur du cours d'eau supérieure ou égale à 100 m (A...) (...). Le lit mineur d'un cours d'eau est l'espace recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement ". Aux termes de l'article R. 214-6 de ce code : " I.- Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. II.- Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : (...) 3° La nature, la consistance, le volume et l'objet de l'ouvrage, de l'installation, des travaux ou de l'activité envisagés, ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles ils doivent être rangés ; 4° Un document : a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques (...) 5° Les moyens de surveillance prévus et, si l'opération présente un danger, les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident ; 6° Les éléments graphiques, plans ou cartes utiles à la compréhension des pièces du dossier, notamment de celles mentionnées aux 3° et 4° ". Aux termes de l'article L. 215-7-1 de ce code : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. ".

5. Pour annuler la décision du 3 juillet 2015 du préfet de la Seine-et-Marne, les premiers juges ont retenu, d'une part que le ru des Effaneaux constituait un cours d'eau traversant le site et d'autre part que les travaux envisagés comportaient une dérivation de ce ru sur une longueur supérieure ou égale à 100 mètres et nécessitaient donc, en application de la rubrique 3.1.2.0 de la nomenclature de l'article R. 214-1 précité, que fût accordée une autorisation qui n'avait en l'espèce pas été sollicitée.

6. Le ministre soutient en premier lieu que l'écoulement qui traverse la zone concernée n'est pas un cours d'eau au sens des dispositions précitées dès lors qu'il n'est ni situé dans un lit naturel à l'origine ni alimenté par une source, qu'il ne figure ainsi pas sur d'anciennes cartes, et que son débit ne présente pas un caractère suffisant. Toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, la présence du ru dans un lit naturel est attestée depuis au moins le Moyen-Age, ainsi que le démontrent le diagnostic de l'Institut national de recherches archéologiques préventives ainsi que l'étude sur la " délimitation des impacts et mise en place de mesures compensatoires zone humide dans le cadre de la ZAE Les Effaneaux " réalisée par l'Office de génie écologique et NG Concept, d'autre part, qu'il est alimenté par des sources naturelles ainsi qu'il ressort des mentions de la fiche de caractérisation de la masse d'eau souterraine HG 105 établie en 2015 par l'Agence de l'eau Seine-Normandie et le Bureau de recherches géologiques et minières ainsi que de l'étude d'Hydratec d'octobre 2014, et enfin que son débit est suffisant durant la majeure partie de l'année ainsi que l'établissent les mesures de débit, non contestées par l'appelant, effectuées par la même étude d'Hydratec.

7. Si le ministre soutient en second lieu que la zone est en fait traversée par un drain agricole et que le tracé du ru des Effaneaux ne commence qu'en aval de la parcelle où doit être implantée la ZAE, au-delà de l'autoroute qui la borde, il résulte de l'étude d'Hydratec, constituée à l'occasion de la demande d'autorisation, ainsi que de l'étude d'impact, que le site est bien traversé par le ru des Effaneaux, qui a fait l'objet d'une canalisation souterraine.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 3 juillet 2015.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministre de la transition écologique) le versement d'une somme de 1 500 euros à l'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.

Article 2 : L'Etat (ministre de la transition écologique) versera à l'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique, à l'Association pour la protection de l'environnement de Sainte-Aulde et à la SAS Batilogistic.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

Le rapporteur,

J.-F. B...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00146
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-02 Eaux. Ouvrages.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : COFFLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-19;19pa00146 ?
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