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18/11/2020 | FRANCE | N°19PA02618

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 novembre 2020, 19PA02618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Falguière Conseil a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 381 267 euros correspondant aux dépenses qu'elle a exposées au titre de l'année 2013 dans le cadre de travaux de recherche et de développement de trois projets.

Par un jugement n° 1718105/2-1 du 11 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête et un mémoire enregistrés les 6 août 2019 et 2 mars 2020, la SAS Falguière Conseil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Falguière Conseil a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 381 267 euros correspondant aux dépenses qu'elle a exposées au titre de l'année 2013 dans le cadre de travaux de recherche et de développement de trois projets.

Par un jugement n° 1718105/2-1 du 11 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 août 2019 et 2 mars 2020, la SAS Falguière Conseil, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1718105/2-1 du 11 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner la restitution du crédit d'impôt recherche sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen sollicitant qu'une expertise avant dire droit soit ordonnée ; ce faisant, le jugement attaqué n'est pas motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le tribunal a jugé à tort que les travaux réalisés n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt recherche ; les travaux de recherche exposés en 2013 répondent aux conditions posées par l'article 244 quater B et l'article 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts en ce qu'ils constituent " des modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; ils constituent des travaux de création entrepris de façon systématique en vue d'accroître la somme des connaissances et d'améliorer l'utilisation de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications au sens de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20129012 et du manuel de Frascati n° 63 ; ils répondent aux critères définis par le Conseil d'Etat dans sa décision du 7 juillet 2006 n° 270899 ; les travaux de recherche entrepris en 2013 sur les projets n° 1 à 3 ont manifestement été entrepris en vue de l'amélioration substantielle de travaux préexistants.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 novembre 2019 et 29 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Falguière Conseil ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocat de la SAS Falguière Conseil.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Falguière Conseil, qui exerce une activité de courtage en ligne d'agences immobilières sous la marque " MeilleursAgents.com ", a demandé le remboursement d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 381 267 euros, dont elle estimait disposer au titre de l'exercice clos en 2013. Cette demande de remboursement a été rejetée par l'administration fiscale par une décision du 10 novembre 2014. Par une réclamation du 23 décembre 2016, la société a réitéré sa demande, que l'administration a rejetée par une décision du 20 septembre 2017. Après avoir demandé en vain au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution en sa faveur de ce crédit d'impôt recherche, elle relève appel du jugement n° 1718105/2-1 du 11 juin 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. La SAS Falguière Conseil soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé à défaut pour les premiers juges d'avoir répondu à sa demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée. Il résulte cependant des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont examiné les divers éléments apportés par la société requérante au soutien de son argumentation et qu'ils ont estimé posséder tous les éléments leur permettant de statuer en connaissance de cause sur le litige, sans juger utile d'ordonner une mesure d'expertise. Par suite, la SAS Falguière Conseil n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) ". En application des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".

5. Il résulte de ces dispositions que des opérations consistant à perfectionner des matériels ou procédés existants ou à en développer des fonctionnalités particulières et qui se traduisent par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté.

6. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater B du même code.

7. En premier lieu, la SAS Falguière Conseil sollicite la prise en compte de dépenses de recherche exposées au titre du projet n°1 intitulé " Modélisation des prix à l'échelle nationale ". Il résulte de l'instruction que la société a développé un modèle de carte des prix pour le site internet " MeilleursAgents.com " qui a pour objet d'afficher un prix au mètre carré pour chaque immeuble résidentiel en Ile-de-France et pour chaque " Ilots Regroupés pour l'Information Statistique " (IRIS) sur le reste du territoire français. La société requérante indique elle-même que les travaux de recherche de 2013 ont consisté à diversifier les sources de données intégrées au modèle et ont eu pour but d'améliorer la qualité du modèle d'estimation. Il résulte également de l'instruction que le modèle d'estimation a fait l'objet de différents travaux en 2010 sous le thème intitulé " Indices hédoniques sur une base de données annonces ", en 2011 sous le thème " construction d'un indice hédonique mensuel " et " construction d'un indice immobilier pour des zones non homogènes ", et en 2012 sous le thème " Prototypage d'une carte des prix à haute définition spatiale ". Ainsi, il résulte de ce qui précède que le projet ne vise qu'à l'adaptation et à l'amélioration de techniques déjà existantes et s'inscrit dans la continuité de travaux réalisés depuis 2010. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'éligibilité de ce projet au crédit d'impôt recherche, en considérant que les travaux en cause n'avaient pas pour objet la production de nouveaux systèmes ou leur amélioration substantielle et ne présentaient aucun caractère de nouveauté. Par suite, le moyen tiré de l'éligibilité du projet n°1 au crédit d'impôt recherche doit être écarté.

8. En deuxième lieu, la SAS Falguière Conseil sollicite la prise en compte de dépenses de recherche exposées au titre du projet n°2 intitulé " Bénéfice attendu par les vendeurs - une explication de l'intermédiation ". Il résulte de l'instruction que ces travaux ont pour objectif d'étudier les déterminants du recours aux solutions intermédiées par les vendeurs de biens immobiliers. La société requérante indique elle-même que ce projet est la poursuite de travaux engagés en 2012 intitulés " Etude théorique et opérationnelle des coûts de transaction " qui découlent de deux études commencées en 2010 et 2011 sur les raisons conduisant un individu à recourir aux services d'un agent immobilier plutôt que d'effectuer lui-même la transaction. Il ne résulte pas de l'instruction que des méthodes ou des moyens informatiques nouveaux auraient été mis en oeuvre pour cette étude, ou qu'elle aurait permis de résoudre des problèmes techniques nouveaux. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces travaux n'apportaient aucun élément de nouveauté et ne relevaient pas d'activité de recherche au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts. Dès lors, le moyen tiré de l'éligibilité du projet n°2 au crédit d'impôt recherche doit être écarté.

9. En troisième lieu, la SAS Falguière Conseil sollicite la prise en compte de dépenses de recherche exposées au titre du projet n° 3 intitulé " Formation du contrat de vente d'immeuble à l'épreuve de la morale ". Il résulte de l'instruction que ce projet a pour objet d'analyser la pénétration et l'évolution de la morale au sein du contrat de vente d'immeuble. La société requérante indique que cette recherche a déjà fait l'objet de deux publications et s'inscrit dans le cadre de la rédaction d'une thèse. Il résulte de l'instruction que ce projet est la poursuite de travaux engagés en 2010 sous le thème " les variations de la morale dans le contrat ", en 2011 sous le thème " la moralisation du contrat à l'épreuve des faits : l'exemple de la vente immobilière " et en 2012 sous le thème intitulé " la formation du contrat de vente d'immeuble à l'épreuve de la morale ". Ces travaux, qui visent à améliorer des techniques déjà connues, ne peuvent être regardés comme des opérations de développement présentant un caractère de nouveauté. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que ce projet ne caractérisait pas des opérations de développement expérimental et ne présentait aucun caractère de nouveauté. Par suite, le moyen tiré de l'éligibilité du projet n°3 au crédit d'impôt recherche doit être écarté.

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

10. La SAS Falguière Conseil invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20129012 applicable à l'exercice considéré. Toutefois, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration. Ainsi, la société requérante ne peut, en tout état de cause, s'en prévaloir pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande de restitution du crédit d'impôt institué par les dispositions précitées du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Elle ne peut davantage utilement invoquer le manuel Frascati qui ne constitue pas une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Falguière Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel, ensemble les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Falguière Conseil est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Falguière Conseil et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 novembre 2020.

Le rapporteur,

S. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02618 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02618
Date de la décision : 18/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : BONIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-18;19pa02618 ?
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