Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Gabriel Amar et Associés a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et à titre subsidiaire, la réduction de ces mêmes impositions.
Par un jugement n° 1719302 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 décembre 2019 et 19 février 2020, la société Gabriel Amar et Associés, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1719302 du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la réduction, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 813 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Gabriel Amar et Associés soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur une partie des conclusions de sa demande tendant à la décharge de la pénalité pour manquement délibéré ;
- la somme de 41 500 euros correspondant à un dépôt de garantie comptabilisé par la société dans un compte d'opérations diverses, et qu'elle avait reporté dans le solde d'à nouveau du compte de bilan intitulé " dépôt de garantie " le 1er janvier de l'exercice 2011 est justifiée ;
- les loyers facturés et les charges à payer pour la location de locaux professionnels sont justifiés par les pièces produites ;
- c'est en méconnaissance des articles 38-2 et 38-4 bis du code général des impôts que le service a réintégré la somme de 205 679 euros dans ses résultats au titre d'un passif injustifié ;
- en vertu des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, l'augmentation de l'actif net du bilan d'ouverture au 1er janvier 2011 doit entraîner une diminution du résultat de l'exercice 2011 ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont insuffisamment motivées.
Par des mémoires en défense enregistrés le 20 janvier 2020 et le 29 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par la société Gabriel Amar et Associés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Gabriel Amar et Associés est une société d'expertise comptable. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 au terme de laquelle elle a notamment été assujettie, selon la procédure de rectification contradictoire, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2012 sur les loyers payés pour l'occupation d'un local et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés procédant de la remise en cause d'un passif injustifié au titre de l'exercice clos en 2011, et de la remise en cause de charges comptabilisées au titre des exercice clos en 2011 et 2012. Ces impositions et rappel de taxe sur la valeur ajoutée ont été majorés des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts. La société Gabriel Amar et Associés relève appel du jugement du 22 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, s'ils n'ont pas listé l'ensemble des rectifications au titre desquelles les pénalités pour manquement délibéré ont été appliquées, ont jugé que l'administration apportait la preuve qui lui incombe du bien-fondé de l'application de ces pénalités en mentionnant la nature de certaines des rectifications et la qualité d'expert-comptable du gérant de la société Gabriel Amar et Associés. Ainsi, et alors que le bien-fondé de la solution retenue est sans incidence sur la régularité du jugement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué au regard des exigences posées par l'article L. 9 du code de justice administrative doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
S'agissant des charges non admises :
3. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) ".
4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
5. En premier lieu, l'administration a réintégré au résultat de l'exercice clos en 2012 la somme de 41 500 euros comptabilisée par la société Gabriel Amar et Associés en charge et déduite du résultat par un compte d'opérations diverses, qui avait fait l'objet d'un report dans le solde " à nouveau " du compte intitulé " dépôt de garantie " le 1er janvier de l'exercice 2011. La société requérante soutient que cette somme correspond au dépôt de garantie prévu par un contrat de prestation de service signé le 1er octobre 2008 avec une société prestataire, dont le remboursement a été jugé compromis du fait du risque encouru de verser à cette société une indemnité pour rupture anticipée de son contrat, le différend s'étant réglé par la signature d'un protocole d'accord signé le 26 septembre 2012 aux termes duquel les deux parties ont pris acte de la résiliation anticipée du contrat et de l'abandon du dépôt de garantie par la société Gabriel Amar et Associés en contrepartie de la renonciation de la société prestataire à lui réclamer le versement d'une indemnité. Il résulte toutefois de l'instruction que la société, qui n'allègue pas même ne pas avoir passé en charge cette somme au titre de l'exercice où elle l'aurait versée, ne justifie pas, en alléguant qu'elle était destinée à garantir les dépenses de matériel et de recrutement d'un salarié engagées par la société prestataire de service en contrepartie de la mission qui lui était confiée, du principe même de ce versement, à le supposer établi. En outre, la requérante ne produit aucun élément de nature à justifier de la mauvaise exécution des prestations et de ce qu'il était de son intérêt de résilier le contrat prématurément en mettant des sommes à sa charge, alors qu'elle disposait de la faculté de rompre le contrat en cas de défaillance de la société prestataire conformément aux stipulations de ce contrat qui prévoyait la résiliation de plein droit en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a procédé à la réintégration de la somme de 41 500 euros dans le résultat de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2012.
6. En deuxième lieu, la société Gabriel Amar et Associés a porté en charges de l'exercice clos en 2012 des loyers versés à la société Gambetta pour un montant de 4 180 euros, dont le service a refusé la déduction au motif que ces dépenses n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société. Pour justifier du principe de déduction de cette charge, la requérante soutient qu'elle a loué ces locaux pour entreposer du matériel informatique acquis d'occasion, les locaux situés à Paris où elle exerce son activité d'expertise comptable étant trop exigus pour y entreposer ce matériel. Toutefois, en se bornant à produire un plan des locaux situés à Paris et une facture liée à la location en litige, elle n'apporte aucun élément, relatif notamment à l'acquisition dont elle se prévaut, à l'appui de ses allégations relatives à l'entreposage invoqué, alors que le service a par ailleurs relevé que la société dispose de locaux à son adresse parisienne et d'un local d'archivage loué à un prestataire. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la somme litigieuse n'était pas déductible.
7. En troisième lieu, la société Gabriel Amar et Associés a comptabilisé en charges des exercices clos en 2011 et 2012 des loyers relatifs à un local loué auprès de la SCI Jual pour des montants de 9 297 euros en 2011 et de 9 763 euros en 2012, dont le service a refusé la déduction au motif que la société ne justifiait pas que ces loyers avaient été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise ou qu'elles se rattachaient à sa gestion normale, la société ayant simplement indiqué qu'il s'agissait d'un lieu de stockage de documents comptables confidentiels. En se bornant à produire un contrat de bail pour un bien à usage d'habitation comprenant une entrée, une salle de bains, un séjour et deux chambres d'une surface totale de 51 m², la société Gabriel Amar et Associés n'établit pas que ce local serait destiné à stocker des documents confidentiels. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes litigieuses ne constituaient pas des charges déductibles.
8. La société Gabriel Amar et Associés soutient enfin que les sommes de 18 900 euros et de 27 049 euros comptabilisées en charge à payer au titre des exercices clos en 2011 et 2012 constituent des charges déductibles correspondant à la location d'un local situé à Paris, aux termes d'un contrat de bail du 26 décembre 2010 conclu avec la SCI Vega, destiné à la tenue de réunions confidentielles et de séances de formation professionnelle. En l'absence d'éléments circonstanciés établissant l'existence de ces réunions et formations, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à apprécier l'intérêt pour elle de recevoir ces clients dans ces locaux, alors qu'elle dispose d'autres bureaux situés à Paris et que, en outre, ces loyers n'ont fait l'objet d'aucune facturation. Dans ces conditions, l'administration fiscale était fondée à réintégrer ces sommes correspondant à des charges à payer au résultat imposable de la société requérante.
S'agissant du passif injustifié :
9. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
10. Il résulte de la proposition de rectification que le compte courant d'associé ouvert au nom de son associé gérant dans les livres de la société du premier exercice non prescrit reprend le solde du compte courant des années antérieures, en particulier un solde créditeur de 430 621 euros correspondant à une série d'écritures comptabilisées en 2009 et 2010 sur ce compte. L'administration a estimé que la réalité des dettes de la société requérante envers son associé n'était pas établie à hauteur de la somme totale de 405 060 euros et comptabilisée en report à nouveau au crédit de ce compte au 1er janvier 2011, qu'elle a regardée comme un passif injustifié augmentant l'actif net de son bilan et générant un profit imposable à l'impôt sur les sociétés, sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts. A l'issue de la procédure, le montant de ce passif injustifié a été ramené à la somme de 205 679 euros. Contrairement à ce que soutient la société Gabriel Amar et Associés, qui ne se prévaut d'aucun élément de nature à justifier ce passif, les inscriptions trouvant leur origine dans des exercices antérieurs à 2011 ont eu une incidence sur la détermination de l'actif net de la société et, partant, sur l'augmentation de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2011.
11. D'autre part, aux termes du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts : " 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit (...) ".
12. Il résulte de la proposition de rectification notifiée à la société Gabriel Amar et Associés que le passif litigieux a été inscrit au bilan de la société au cours des exercices clos en 2009 et 2010, soit moins de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. Elle n'est, dès lors, pas fondée à invoquer, et alors que de surcroît ces inscriptions ne sont pas des omissions ou erreurs involontaires mais des décisions de gestion, l'application des dispositions précitées du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
13. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 6, la société Gabriel Amar et Associés n'est pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible, d'un montant de 819 euros, afférente aux loyers facturés par la société Gambetta.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d''affaires, des droits d''enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l''administration ".
15. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration s'est fondée notamment, outre l'importance des sommes en litige, sur la circonstance que la société Gabriel Amar et Associés, compte tenu de son activité d'expertise-comptable, ne pouvait ignorer les règles relatives, notamment, à la déduction des frais constituant des dépenses personnelles de son dirigeant, à l'inscription de sommes au crédit du compte courant d'associé et au respect des règles comptables en vigueur pour les provisions constituées au titre des congés payés, les charges sociales afférentes, les charges à payer pour primes et les charges sociales correspondantes. Dans ces conditions, l'administration a suffisamment motivé l'application des pénalités en litige et apporte la preuve qui lui incombe de l'intention de la société requérante de minorer l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des exercices clos en 2011 et 2012, et par suite, du caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés, et du bien-fondé des majorations litigieuses.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gabriel Amar et Associés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Gabriel Amar et Associés est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Gabriel Amar et Associés et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction du contrôle fiscal
d'Île-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président de la formation de jugement,
- Mme Marion, premier conseiller,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
Le rapporteur,
B. B...Le président,
F. PLATILLERO
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA03891