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10/11/2020 | FRANCE | N°18PA03479

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 novembre 2020, 18PA03479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie mettant fin à ses fonctions pour invalidité sans reconnaissance d'imputabilité au service, de prononcer la nullité du rapport établi par M. D... et d'enjoindre à l'administration de prendre toutes dispositions pour exécution du jugement à intervenir et de reconnaître comme imputables au service les arrêts de travail dont il a fait l'objet dep

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie mettant fin à ses fonctions pour invalidité sans reconnaissance d'imputabilité au service, de prononcer la nullité du rapport établi par M. D... et d'enjoindre à l'administration de prendre toutes dispositions pour exécution du jugement à intervenir et de reconnaître comme imputables au service les arrêts de travail dont il a fait l'objet depuis 2015, son état de santé et son inaptitude définitive, dans un délai de deux mois à compter de sa notification sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1800169 du 15 octobre 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 novembre 2018, le 9 avril 2019 et le 18 avril 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800169 du 15 octobre 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

3°) d'écarter des débats le rapport d'expertise médicale du 22 décembre 2016 ;

4°) d'enjoindre à l'administration de reconnaître comme imputables au service ses arrêts de travail depuis 2015 et son inaptitude au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

6°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il a été rendu dans un délai trop bref pour avoir donné lieu à un réel examen de l'affaire ;

- il a été rendu en méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe du contradictoire et des articles 41, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la date d'audience ayant été fixée à une date antérieure à la clôture de l'instruction, reportée au 9 octobre 2018 ;

- il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense ;

- la décision du 28 mars 2018 est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, l'avis de la commission d'aptitude ne lui ayant jamais été communiqué, ni le nom de ses membres, le rapport établi le 22 décembre 2016 n'étant pas impartial et ne lui ayant pas non plus été communiqué ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'imputabilité au service de son état de santé, causé par ses conditions de travail qui relèvent du harcèlement et de la discrimination ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2019, la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration ;

- la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux ;

- la délibération n° 309 du 27 août 2002 relative au fonctionnement et à la composition de la commission d'aptitude ;

- la délibération n° 74/CP du 12 février 2009 portant statut particulier des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;

- l'arrêté n° 1066 du 22 août 1953 fixant le régime des congés des personnels civils relevant de l'autorité du chef du territoire ;

- l'arrêté n° 67-481/CG du 28 septembre 1967 relatif au congé de longue durée des fonctionnaires des cadres territoriaux ;

- l'arrêté n° 75-157/CG du 14 avril 1975 relatif aux modalités d'application de l'article 9 paragraphe II de l'arrêté n° 1066 du 22 août 1953 relatif au congé de maladie et à l'allocation temporaire d'invalidité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., technicien du cadre territorial de l'économie rurale de la Nouvelle-Calédonie, a obtenu du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de la décision prononçant son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er octobre 2006. Par un jugement du 6 juin 2013, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, faisant droit à la demande de M. E..., a condamné le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 3 200 000 F. CFP (26 816 euros) en réparation du préjudice financier qu'il avait subi pendant vingt-quatre mois du fait de son absence d'affectation et de l'interruption du versement de son traitement à compter du 1er juin 2011. Par un arrêt du 19 juin 2014, la Cour a annulé et réformé ce jugement, a enjoint au gouvernement de Nouvelle-Calédonie de proposer à M. E... une affectation correspondant à son grade dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et a porté le montant de l'indemnité lui étant due à la somme de 55 000 euros. Par un arrêté du 29 septembre 2014, M. E... a été réintégré au sein de la direction des affaires vétérinaires, alimentaires et rurales (DAVAR) en qualité de technicien sur un emploi de contrôleur aux frontières. A partir du mois de mai 2015, M. E..., ayant été placé en congé maladie, a sollicité, par un courrier du 9 novembre 2015, la saisine de la commission d'aptitude pour qu'elle se prononce sur l'imputabilité au service des arrêts de travail et de son état de santé. Suite à une expertise en date du 22 décembre 2016, la commission d'aptitude a rendu un avis, lors de sa réunion du 7 avril 2017, défavorable à l'imputabilité au service des arrêts de travail et à l'inaptitude totale et définitive de l'intéressé à toute fonction et à tout poste. Un courrier du 2 juin 2017 ayant indiqué au requérant que le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie avait décidé de reconnaître son inaptitude totale et définitive à l'exercice de tout emploi, M. E... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à servir par un arrêté du président du gouvernement en date du 6 juin 2017. Un arrêté portant concession de pension de retraite proportionnelle du même jour a été pris par le directeur de la caisse locale de retraite de Nouvelle-Calédonie. Par un jugement du 28 février 2018, devenu définitif, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé ces deux décisions motif pris de leur absence de motivation, et a enjoint à l'administration de se prononcer à nouveau sur la situation de M. E.... Par un nouvel arrêté du 28 mars 2018, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie a admis l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service. M. E... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments développés au soutien des moyens de la requête, ont suffisamment motivé leur réponse à chacun des moyens soulevés par le requérant.

3. En deuxième lieu, la seule circonstance que le jugement a été rendu dans un délai de quatre mois après la date d'enregistrement de la requête, laquelle portrait sur des faits déjà examinés par le même Tribunal dans son jugement du 28 février 2018, n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'ordonnance du 14 septembre 2018 reportant la clôture de l'instruction au 9 octobre 2018 a été rapportée par une ordonnance de réouverture d'instruction du 18 septembre 2018, notifiée à l'avocat de M. E... en même temps que la convocation à l'audience du 4 octobre 2018, par courrier recommandé dont il a été accusé réception le 26 septembre 2018. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'audience serait irrégulièrement intervenue à une date antérieure à celle de la clôture d'instruction.

5. Enfin il ressort également des pièces du dossier de première instance que le mémoire en défense produit par la Nouvelle-Calédonie le 11 septembre 2018 a été communiqué à M. E... par un courrier simple du 14 septembre 2018 auquel il a eu la possibilité de répliquer jusqu'à la clôture de l'instruction, fixée, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant l'audience soit le 1er octobre 2018. Le moyen tiré de ce qu'il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour répliquer au mémoire en défense doit dès lors être écarté.

Sur le bien fondé du jugement :

6. En premier lieu si M. E... reprend en appel les moyens tirés du défaut de motivation de la décision attaquée, de la non communication du nom des membres de la commission et du défaut d'impartialité du médecin ayant réalisé l'expertise, il n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Il y a lieu, par suite, de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 4 de la délibération n° 309 du 27 août 2002 relative au fonctionnement et à la composition de la commission d'aptitude : " (...) Le président de la commission d'aptitude notifie l'avis de la commission à l'employeur ainsi qu'à l'agent dont la situation a été examinée. (...) ".

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

9. S'il est constant que, en méconnaissance des dispositions précitées, le président de la commission d'aptitude n'a pas notifié à M. E... l'avis émis sur sa situation par cette commission lors de sa séance du 7 avril 2017, il ressort toutefois des pièces du dossier que par un courrier du 24 avril 2017, reçu par M. E... le 3 mai 2017, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a informé celui-ci de la teneur de cet avis, tant en ce qui concerne l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et de son état de santé qu'en ce qui concerne son inaptitude totale et définitive à l'exercice de tout emploi pour raison de santé. Dans ces conditions, et alors que l'avis de la commission doit être émis dans le respect du secret médical, M. E... n'a été privé d'aucune garantie en ayant reçu ce courrier d'information au lieu et place de la notification de l'avis de la commission.

10. En troisième lieu il ressort des pièces du dossier, et notamment de trois rapports d'expertise médicale établis entre 2012 et 2016 par trois praticiens différents, que les arrêts de maladie de M. E... depuis 2015 ainsi que son inaptitude définitive à tout emploi à la date de la décision attaquée ont tous pour origine unique d'importants troubles de la personnalité de l'intéressé, dont la cause ne réside pas dans ses conditions de travail, mais qui au contraire ont été la cause directe des difficultés professionnelles rencontrées par l'intéressé depuis son recrutement en 1980. A cet égard, la circonstance que le licenciement de M. E..., prononcé en 2006 pour inaptitude physique, ainsi que les conditions de sa réintégration après cette annulation ont été entachés d'illégalités sanctionnées par la juridiction administrative n'est pas de nature à établir ou à faire présumer, dans les circonstances de l'espèce, l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination. M. E... n'est dans ces conditions pas fondé à soutenir que son état de santé présenterait un lien direct, même non exclusif, avec ses conditions de travail et que la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé serait entachée sur ce point d'une erreur d'appréciation.

11. Il ne ressort par ailleurs pas plus des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'un détournement de pouvoir, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'ayant pas fait usage de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui ont été conférés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Aggiouri , premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03479
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Comités médicaux. Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : GARET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-10;18pa03479 ?
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