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03/11/2020 | FRANCE | N°20PA00749

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 novembre 2020, 20PA00749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers le Costa Rica ou tout autre pays où elle est légalement admissible.

Par un jugement n° 2000967/8 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 janvier 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée le 27 février 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers le Costa Rica ou tout autre pays où elle est légalement admissible.

Par un jugement n° 2000967/8 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 janvier 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... F... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le ministre de l'intérieur avait commis une erreur manifeste d'appréciation alors même que la simple lecture attentive du récit de Mme F... F... permet de constater que sa demande d'entrée au titre de l'asile est manifestement infondée.

La requête a été communiquée à Mme F... F..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me A... E..., représentant le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 15 janvier 2020 prise après l'avis rendu le 15 janvier 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile formée par Mme F... F..., interpellée à son arrivée à l'aéroport de Roissy - Charles de Gaulle. Par cette même décision, le ministre de l'intérieur a ordonné son réacheminement vers le Costa Rica, pays d'où elle provenait, ou vers tout autre pays où elle serait légalement admissible. Saisi par Mme F... F..., le tribunal administratif a annulé cette décision par jugement du 20 janvier 2020 dont le ministre de l'intérieur relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens soulevés par Mme F... F... en première instance. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans (...) un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ (...) Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande (...) n'est pas manifestement infondée (...) ". Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3°(...) la demande d'asile est manifestement infondée./ Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...) L'étranger autorisé à entrer en France au titre de l'asile est muni sans délai d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande auprès de l'office ". Aux termes de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif (...) ". En application des articles R. 213-2 et R. 213-3 du même code, la décision visée à l'article L. 213-9 précité est prise par le ministre chargé de l'immigration après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre de l'intérieur peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article

1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

5. Pour annuler la décision du ministre de l'intérieur refusant l'entrée sur le territoire de Mme F... F..., le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les déclarations de l'intéressée telles qu'elles ont été consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, complétées à la barre, dont il ressortait qu'elle serait harcelée par son ancien concubin avec lequel elle a rompu il y a environ deux ans, que ce dernier la menacerait elle et ses deux enfants restés au pays, et qu'elle n'aurait pas trouvé sur place d'association pour la protéger. Le tribunal administratif a estimé qu'au regard de ces éléments, le ministre de l'intérieur, en refusant l'admission de Mme F... F... sur le territoire national et en estimant que sa demande d'asile devait être regardée comme manifestement infondée, avait méconnu les dispositions du code précité.

6. Toutefois, Mme F... F... n'a apporté devant le ministre aucun élément ou document de nature à établir la réalité, l'intensité et le caractère personnel des menaces et violences dont elle alléguait avoir été la victime dans son pays d'origine ni aucun élément ou document de nature à justifier des risques qu'elle prétendait encourir en cas de retour dans ce pays. Elle n'établit pas davantage dans ses écritures la réalité de ces menaces, violences et risques, ne produisant aucune pièce à l'appui de son récit. Par suite, le ministre de l'intérieur a pu à bon droit estimer que la demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile de Mme F... F... était manifestement infondée.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé sa décision du 15 janvier 2020.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... F... devant le tribunal administratif de Paris.

S'agissant des autres moyens soulevés par Mme F... F... :

9. D'une part, aux termes de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. (...) ". Ces dispositions assurent la transposition de l'article 12 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale qui prévoit : " 1. En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : / a) ils sont informés, dans une langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. (...) ".

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 213-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger est entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon les modalités prévues par les articles R. 723-5 à R. 723-9. ". L'article R. 231-5 prévoit par ailleurs que : " l'office transmet son avis au ministre chargé de l'immigration dans le délai de deux jours ouvrés à compter de la demande à bénéficier de l'asile consignée par procès-verbal ". Aux termes de l'article R. 213-6 de ce code : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. / Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre. ". Enfin, l'article L. 723-7 dudit code dispose : " I.- L'entretien personnel mené avec le demandeur, ainsi que les observations formulées, font l'objet d'une transcription versée au dossier de l'intéressé. La transcription est communiquée, à leur demande, à l'intéressé ou à son avocat ou au représentant de l'association avant qu'une décision soit prise sur la demande ".

11. En premier lieu, si Mme F... F... soutient qu'elle n'a pas été informée de son droit à bénéficier d'un interprète en langue espagnole, langue qu'elle parle, lit et comprend, il ressort du procès-verbal du 12 janvier 2020 que la requérante a été informée, lors d'un entretien dédié, tenu en présence d'un interprète en langue espagnole, de ses droits au cours de la procédure conformément aux dispositions précitées de l'article R. 213-2, de ses obligations et des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations, notamment celle de coopérer avec les autorités et des moyens à disposition pour l'aider à présenter sa demande. Il ressort également des pièces du dossier que l'entretien de Mme F... F... avec un officier de protection s'est déroulé avec le concours téléphonique d'un interprète en langue espagnole. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que la circonstance que l'interprète n'a pas été physiquement présent aux côtés de Mme F... F... aurait empêché l'intéressée d'exprimer clairement les motifs de sa demande d'asile. Mme F... F... n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas bénéficié, pour ce motif, d'une procédure régulière, alors d'ailleurs que la possibilité de recourir à l'assistance d'un interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication est expressément prévue par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme F... F... a été effectivement informée et accompagnée à chaque étape de sa demande d'asile par un interprète, dans une langue qu'elle comprend. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un interprète lors de son entretien dans le cadre de la procédure d'examen de sa demande d'asile et en particulier lors de son entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides manque en fait et doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée, qu'en appréciant la crédibilité du récit de Mme F... F... faisant état d'un harcèlement subi dans son pays d'origine et de risques en cas de retour dans ce pays et en se prononçant sur le bien-fondé de sa demande, le ministre de l'intérieur ait excédé la compétence que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ", et aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. ".

14. Mme F... F... étant arrivée en France en provenance du Costa Rica, la décision ministérielle contestée prévoit le réacheminement de l'intéressée à destination de ce pays ou vers tout pays où elle sera légalement admissible. Le moyen selon lequel Mme F... F... encourrait des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 en cas de retour au Costa Rica n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant refus d'entrée sur le territoire français de Mme F... F.... La demande qu'elle a présentée devant le tribunal doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... F... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

G. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

20PA00749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00749
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-03;20pa00749 ?
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