Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Ecole spéciale d'architecture (ESA) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la ministre du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. E... B... et d'enjoindre à l'inspection du travail de faire droit à sa demande d'autorisation de licenciement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1607935/3-3 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 14 avril 2016 et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 août 2019, M. E... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de l'association ESA ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris (sic) la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'école spéciale d'architecture ne démontre pas la réalité des difficultés économiques invoquées pour procéder à son licenciement ;
- le poste de chargé de l'atelier maquette, auquel il était affecté, n'a pas été supprimé, dès lors qu'il existe au sein de l'école un atelier maquette " laser " qui aurait pu l'accueillir ;
- l'école spéciale d'architecture a manqué à son obligation de recherche d'un reclassement, aucune proposition ne lui ayant été faite ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat et ses actions syndicales.
Par deux mémoires enregistrés les 10 mars 2020 et 22 juillet 2020, l'association Ecole spéciale d'architecture, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête et renvoie à ses écritures de première instance.
La clôture de l'instruction est intervenue le 14 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- les observations orales de Me A..., représentant M. B...,
- et les observations orales de Me F..., représentant l'association Ecole spéciale d'architecture.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B... a été recruté le 4 septembre 2008 par l'association Ecole spéciale d'architecture (ESA), sur le poste de " chargé de l'atelier maquette ". Il est représentant de section syndicale depuis 2012. Le 23 février 2015, il est mis à pied à titre conservatoire pour des propos tenus en assemblée générale. Le 8 avril 2015, M. B... est convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique, entretien qui a lieu le 21 avril 2015. Le 2 juillet 2015, l'ESA a sollicité l'autorisation de le licencier, pour motif économique. Cette demande a été refusée par l'inspecteur du travail le 11 septembre 2015. L'ESA a formé un recours hiérarchique le 20 octobre 2015. Le 14 avril 2016, la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet de ce recours, a annulé la décision prise le 11 septembre 2015 par l'inspecteur du travail, et a rejeté la demande au motif que l'ESA n'apportait pas d'éléments probants permettant d'établir la réalité des difficultés économiques alléguées. Par un jugement du 25 juin 2019 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de refus d'autorisation du 14 avril 2019 et a rejeté les conclusions à fin d'injonction présentées par l'ESA.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".
4. D'une part, il ressort des comptes annuels de l'ESA qu'au cours des trois exercices qui ont précédé la décision contestée, les inscriptions d'élèves, qui contribuent pour 90 % au chiffre d'affaires, ont baissé de 10 %, que les produits d'exploitation ont diminué d'environ 3 %, que le résultat net d'exploitation a été constamment déficitaire, de l'ordre de 309 000 euros en 2012/2013, puis de 502 000 euros en 2013/2014 et de 861 000 euros en 2014/2015, et que le résultat net global et la trésorerie se sont dégradés. Cette situation a conduit l'employeur, qui a recueilli l'avis favorable unanime des délégués du personnel, à envisager un plan de restructuration consistant en la suppression de neuf postes, dont celui du requérant, afin de réduire les charges d'exploitation, tout en créant concomitamment trois nouveaux emplois. Le recours à l'externalisation de certaines tâches et les circonstances, qui fondent la décision du ministre, selon lesquelles le montant net des créances reste important, la trésorerie est positive et les provisions pour charges ne seraient pas justifiées au regard de la baisse des produits de service, ce qui n'est pas au demeurant corroboré par l'expert, ne suffisent pas à établir au regard des données précédemment rappelées que les difficultés économiques ne justifiaient pas les mesures de licenciement. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail ne conditionnent pas la réalité du motif économique à l'existence d'un risque pour la survie d'une entreprise. Enfin, et quand bien même l'expert aurait formulé des critiques s'agissant des pratiques de l'ESA en matière de recouvrement des créances et de paiement des dettes, M. B... ne saurait utilement faire valoir que la situation économique dégradée de l'association serait le résultat d'erreurs de gestion de la direction.
5. D'autre part, M. B... ne peut utilement soutenir que l'ESA a manqué à son obligation de reclassement et que la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat, dès lors que la décision du 14 avril 2016 refusant cette autorisation n'était pas fondée sur ces motifs mais uniquement sur l'absence de réalité des difficultés économiques invoquées.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail du 14 avril 2016.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris, qui n'est ni présente dans la présente instance ni, a fortiori, partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme à l'ESA sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'association Ecole spéciale d'architecture présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à l'association Ecole spéciale d'architecture.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. D..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
G. C...Le président,
M. D...
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02683