La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2020 | FRANCE | N°19PA02033

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 novembre 2020, 19PA02033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme L... I... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis pour le recouvrement d'un indu de revenu minimum d'insertion de 17 740, 36 euros au titre des mois de novembre 2001 à juin 2007 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 13 juin 2018, ce tribunal s'est déclaré incompétent pour connaitre de la demande et l'a transmise à la com

mission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis. Mme L... I....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme L... I... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis pour le recouvrement d'un indu de revenu minimum d'insertion de 17 740, 36 euros au titre des mois de novembre 2001 à juin 2007 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 13 juin 2018, ce tribunal s'est déclaré incompétent pour connaitre de la demande et l'a transmise à la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis. Mme L... I... a par ailleurs demandé à cette commission d'annuler la décision du 8 août 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a rejeté son recours contre la décision décidant la récupération de l'indu de revenu minimum d'insertion, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 17 740,36 euros et d'enjoindre la restitution des sommes recouvrées.

Par une décision du 16 novembre 2018 notifiée le 21 décembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 juin 2019 et le 30 septembre 2020, Mme I..., représentée par Me Bapceres, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 16 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis ;

2°) d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'annuler la décision confirmative d'indu du 8 août 2017 du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ;

4°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 17 740,36 euros ;

5°) d'enjoindre la restitution des sommes recouvrées ;

6°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- son recours est recevable ;

* la décision de la commission départementale d'aide sociale est irrégulière, faute pour celle-ci d'avoir répondu aux moyens soulevés en première instance tirés de l'absence de signature du bordereau du titre de recettes, d'indication des bases, modalités de calcul et de liquidation de l'indu, de la prescription de l'action en recouvrement ; la commission n'a par ailleurs pas mis en oeuvre ses pouvoirs d'instruction afin de vérifier la régularité du rapport d'enquête de la caisse d'allocations familiales ;

* la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

du 8 août 2017 :

- est entachée d'incompétence de son auteur ;

- est entachée de vices de procédure, faute pour le contrôle de la caisse d'allocations familiales d'avoir été mené conformément aux dispositions de l'article L. 114-10 du code de l'action sociale et des familles ou de la sécurité sociale, par un agent agréé et assermenté ;

- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle conteste avoir mené une vie maritale ;

- est entachée d'erreur de fait, le quantum de l'indu de revenu minimum d'insertion n'étant pas établi dès lors que le montant des ressources attribuées à M. J... C... n'était pas tel que cela excluait tout droit au bénéfice du revenu minimum d'insertion pour un couple avec enfants ; les revenus de ce dernier pris en considération n'ont pas été portés à sa connaissance ; elle n'a pas rencontré l'agent de contrôle de la caisse d'allocations familiales, lequel a recueilli des témoignages mensongers et diffamatoires contre lesquels elle a déposé plainte ;

- est entachée de prescription.

* la décision portant opposition à tiers détenteur :

- est irrégulière faute de signature du titre de recettes et du bordereau du titre de recettes en méconnaissance des dispositions des articles L. 1617-5 et D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales ;

- ne mentionne pas les bases et les modalités de calcul et de liquidation de l'indu, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 ;

- est entachée de prescription.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2019 et les pièces nouvelles enregistrées le 28 janvier 2020, le département de la Seine-Saint-Denis, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 950 euros soit mise à la charge de Mme I... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés sont inopérants ou infondés.

Les parties ont été informées le 28 septembre 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les moyens selon lesquels l'opposition à tiers détenteur serait entachée d'un défaut de signature, d'une incompétence de son auteur et d'une insuffisance de motivation constituent une contestation de la régularité en la forme de l'acte de poursuite relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution.

Mme I... a obtenu l'aide juridictionnelle par décision du 2 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me El Moussaoui représentant le département de la Seine-Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I... a été allocataire du revenu minimum d'insertion. A la suite d'un contrôle et d'un rapport d'enquête de la caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis du 28 juin 2007, un indu de revenu minimum d'insertion a été mis à sa charge pour la période allant de novembre 2001 à juin 2007, pour un montant de 17 740,36 euros. Courant février 2008, la créance a été transférée par la caisse d'allocations familiales au département, lequel a émis un titre exécutoire à l'encontre de l'intéressée, le 16 mai 2008. Des oppositions à tiers détenteur ont ensuite été émises par le paierie départementale de la Seine-Saint-Denis sur la base de ce titre, les 28 novembre 2008, 15 novembre 2010, 21 février 2012, 27 février 2013, 2 mai 2016,

26 mai 2016, 23 juin 2016 et pour la dernière fois, le 5 juillet 2017. Dans l'intervalle, le 17 mai 2013, Mme I... avait sollicité une remise de dette auprès du président du département de la Seine-Saint-Denis. Sa demande a été rejetée le 17 mars 2014, pour fausses déclarations sur sa situation financière et familiale. Le recours administratif contre cette décision, formé le 2 avril 2014 par Mme I..., a été rejeté implicitement. Par une décision du 8 août 2017, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a maintenu sa décision concernant l'indu. Par une décision du 16 novembre 2018 dont Mme I... relève appel, la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 5 juillet 2017 et de la décision du 8 août 2017 du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, ainsi que ses conclusions aux fins de décharge.

Sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis :

2. A l'appui de sa demande devant la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis, Mme I... a notamment soutenu que l'action en recouvrement était prescrite et que le titre de recettes n'était pas suffisamment motivé. La commission ne s'est pas prononcée sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens contestant la régularité du jugement critiqué, la requérante est fondée pour ce motif à demander l'annulation de la décision attaquée.

3. Par suite, il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme I... devant la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 8 août 2017 :

4. En premier lieu, par un arrêté du 31 mai 2017, régulièrement publié et rendu exécutoire, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme F... D..., cheffe du bureau orientation et parcours du service de l'orientation et de la mobilisation des publics à la direction de l'emploi, de l'insertion et de l'attractivité territoriale, pour signer, notamment : " III en matière d'orientation et de mobilisation des publics a) les actes relatifs au RSA et au revenu minimum d'insertion ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la décision attaquée est la réponse du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis au courrier du conseil de Mme I... du 1er août 2017, qualifié de " recours préalable obligatoire ", contre l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017, portant demande de suspension des mesures de recouvrement, de communication de pièces, d'annulation de trop-perçu et de l'opposition à tiers détenteur, ainsi que de décharge. Cette décision, qui mentionne la fraude constatée lors de l'enquête diligentée par la caisse d'allocations familiales, la levée consécutive de la prescription au visa de l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles pour la répétition des sommes indument versées à compter de novembre 2001 est dès lors et en tout état de cause suffisamment motivée, l'autorité administrative n'étant pas tenue d'y faire figurer à nouveau la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées, ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération, pas plus que les éléments servant au calcul du montant de l'indu. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. (...) Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire ". A la date de la décision attaquée, les conditions d'agrément des agents des caisses d'allocations familiales exerçant une mission de contrôle étaient définies par un arrêté du ministre de la santé et de la protection sociale et du ministre de la famille et de l'enfance du 30 juillet 2004, pris sans préjudice des dispositions de l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les conditions d'assermentation. Il résulte de ces dispositions que l'absence d'assermentation des agents de droit privé désignés par les caisses d'allocations familiales pour conduire des contrôles sur les déclarations des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion est de nature à affecter la validité des constatations des procès-verbaux ou des rapports qu'ils établissent à l'issue de ces contrôles et à faire ainsi obstacle à ce qu'elles constituent le fondement d'une décision déterminant pour l'avenir les droits de la personne contrôlée ou remettant en cause des paiements déjà effectués à son profit en ordonnant la récupération d'un indu. Il résulte, toutefois, de l'instruction, de l'attestation émanant du sous-directeur chargé des ressources humaines de la caisse d'allocations familiales produite par le département que l'agent ayant procédé au contrôle du 28 juin 2007 est un contrôleur, assermenté depuis le 23 novembre 1994 et dès lors nécessairement agréé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'agrément et d'assermentation de l'agent chargé du contrôle manque en fait et doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si aux termes de l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale : " l'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande ", ainsi que le soutient l'intimé, de telles dispositions issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, n'étaient pas en vigueur à la date du contrôle litigieux, diligenté au mois de juin 2007.

8. D'une part, aux termes de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles dans sa version alors applicable : " L'ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est pris en compte pour le calcul de l'allocation " et aux termes de l'article L. 262-41 du même code : " Tout paiement indu d'allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d'aide sociale dans les conditions définies à l'article L. 262-39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire (...) ". En vertu de l'article R. 262-3 du même code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation de revenu minimum d'insertion comprennent, (...) l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) " et aux termes de l'article R. 262-44 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu minimum d'insertion est tenu de faire connaître à l'organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l'article R.262-1; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments (...) ". Lorsque le recours dont il est saisi est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion, il entre dans l'office du juge d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu. Il lui appartient, s'il y a lieu, d'annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l'exercice de son office, de régler le litige.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles dans sa version alors applicable : " L'action du bénéficiaire pour le paiement de l'allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées ". Il résulte de ces dispositions qu'une manoeuvre frauduleuse ou une fausse déclaration doit s'entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d'une volonté de dissimulation de l'allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives. Lorsque l'indu résulte de ce que l'allocataire a omis de déclarer certaines de ses ressources, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l'intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l'inverse, portent sur des ressources dépourvues d'incidence sur le droit de l'intéressé au revenu minimum d'insertion ou sur son montant, de tenir compte de la nature des ressources ainsi omises, de l'information reçue et de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l'omission, des justifications données par l'intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l'allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises.

10. En cinquième lieu, alors même que la requérante oppose concomitamment et en se contredisant que les revenus de M. J... C... n'étaient pas tels qu'il ne lui permettaient pas d'ouvrir droit à la perception du revenu minimum d'insertion, il est suffisamment établi par les pièces du dossier, notamment l'avis des sommes à payer du 16 mai 2008, que la somme de 17 740,36 euros lui a bien été versée au titre du revenu minimum d'insertion pour la période litigieuse.

11. En sixième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de contrôle établi à l'issue d'une visite au domicile de l'intéressée le 28 juin 2007, que ce dernier était alors occupé par une personne ayant déclaré y habiter provisoirement, en accord avec la requérante et à titre gracieux, depuis le départ de cette dernière, de son compagnon et de leurs deux enfants pour le Portugal, le 8 juillet 2006. Le contrôleur assermenté mentionne également qu'il ressort de ses vérifications que M. J... C..., de nationalité portugaise, avait vécu à cette adresse jusqu'en juin 2006 et que Mme I... et ce dernier l'avait déclarée comme étant leur adresse commune lors de la reconnaissance de leur deuxième fils, le 26 novembre 2001, ainsi que cela résulte d'une pièce versée aux débats ; le contrôleur indique par ailleurs qu'il s'agit de l'adresse à laquelle M. J... C... est affilié pour la CPAM depuis mars 2003, celle à laquelle il s'est déclaré auprès de son ex-employeur d'avril 2001 à mai 2004 et de 2003 jusqu'au moins juin 2007, à l'Assedic de juin 2004 à juin 2006, au centre départemental des impôts de Drancy pour 2003, 2004 et 2005. Il en déduit que la vie martiale est établie du 26 novembre 2001 au moins, au 7 juillet 2006, avant le départ du couple du territoire français, le 8 juillet 2006. La seule circonstance que Mme I... a déposé plainte le 27 avril 2018 -soit plus de dix ans après les faits- contre la personne dont le témoignage a été recueilli par l'agent de la caisse d'allocations familiales, pour des faits de " violation de domicile " entre le 10 juillet 2006 et le 31 août 2012, sans autre précisions quant à la suite donnée à cette plainte au pénal, ne saurait infirmer les constatations de l'agent assermenté de la caisse d'allocations familiales, ce d'autant qu'il ressort des déclarations mêmes de Mme I... qu'elle a quitté la France pour le Portugal le 10 juillet 2006, tout en continuant de percevoir le revenu minimum d'insertion jusqu'en 2008 en contravention aux dispositions de l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable. En considérant qu'il ressortait de ces éléments que la vie maritale de Mme I... et de M. J... C... était établie, a minima du 26 novembre 2001 au moins et jusqu'au 7 juillet 2006, date à laquelle les intéressés avaient quitté le territoire français, et que Mme I... avait effectué des déclarations frauduleuses concernant sa situation familiale, l'administration n'a ainsi commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation.

12. En septième lieu, dans la mesure où il résulte des vérifications faites par le contrôleur de la caisse d'allocations familiales, notamment de ses déclarations fiscales, que les revenus de M. J... C... se sont élevés mensuellement à 1 615 euros en 2001, à 1 811 euros en 2002, à 1 748 euros en 2003 et à 1 162 euros jusqu'en mai 2004, puis à 1 200 euros de juin 2004 à mai 2006, et sans que soient opposables les circonstances que ces revenus n'ont pas été portés à la connaissance de la requérante et qu'elle n'a pas rencontré l'agent de contrôle de la caisse d'allocations familiales, il est établi que le foyer composé par

Mme I... M. J... C... n'ouvrait pas droit au versement du revenu minimum d'insertion pour la période considérée.

13. En huitième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 11, dès lors que ses fausses déclarations peuvent être opposées à Mme I..., la prescription applicable à l'action en recouvrement de la créance ne peut être celle de deux ans prévue à l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, mais celle de cinq ans au sens des dispositions de l'article 2224 du code civil qui dispose que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Il résulte de l'instruction, que le point de départ de ce délai étant la date du contrôle diligenté le 28 juin 2007, l'action en répétition de l'indu est prescrite en-deçà du

28 juin 2002, soit pour la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002. Il y a dès lors lieu d'annuler la décision litigieuse dans la mesure où la demande de répétition de l'indu concerne cette période.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme I... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que la répétition d'un indu de revenu minimum d'insertion lui a été réclamée pour la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017 :

15. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale (...) pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. L'action dont dispose le débiteur de la créance visée à l'alinéa précédent pour contester directement devant le juge de l'exécution mentionné aux articles L. 213-5 et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire la régularité formelle de l'acte de poursuite diligenté à son encontre se prescrit dans le délai de deux mois suivant la notification de l'acte contesté. (...) 7° Le recouvrement par les comptables publics compétents des titres rendus exécutoires dans les conditions prévues au présent article peut être assuré par voie d'opposition à tiers détenteur adressée aux personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte de redevables, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération. (...) Les contestations relatives à l'opposition sont introduites et instruites dans les conditions fixées aux 1° et 2° du présent article. ". Aux termes de l'article L. 213-5 du code de l'organisation judiciaire : " Les fonctions de juge de l'exécution sont exercées par le président du tribunal de grande instance. (...) " et aux termes de l'article L. 213-6 du même code : " Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. (...) ".

16. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire que la contestation de la régularité en la forme d'un acte de poursuites, telle qu'une opposition à tiers détenteur, relève de la compétence du juge de l'exécution, et par voie de conséquence de celle de la juridiction de l'ordre judiciaire. Par suite, comme en ont été informées les parties, les moyens tirés de l'absence de signature et de ce que la décision litigieuse ne comporte pas les bases de la liquidation -l'argumentation relative à la méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 étant au surplus inopérante à l'égard d'un acte de poursuite- doivent être écartés comme ayant été portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.

17. Aux termes du 3° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 3° L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription. (...) ".

18. Le titre de recettes n°16083 sur la base duquel a été émise l'opposition à tiers détenteur litigieux, relatif à la créance de revenu minimum d'insertion, a été émis par le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis le 16 mai 2008 (et non le 27 comme indiqué par erreur). La requérante soutient que l'action est prescrite au motif qu'elle a été destinataire de la décision d'opposition à tiers détenteur le 5 juillet 2017, soit au-delà du délai de quatre ans prescrit par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales aux comptables publics pour assurer le recouvrement des créances à compter de la prise en charge du titre de recettes. Il résulte cependant de l'instruction, du bordereau de situation établi par la direction générale des finances publiques suffisamment probant pour en établir l'existence, que plusieurs actes interruptifs de prescription ont été émis entre le titre exécutoire du 16 mai 2008 et l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017. Ainsi, ce document fait état d'un commandement de payer du 6 octobre 2008, de nouvelles oppositions à tiers détenteur des 28 novembre 2008,

15 novembre 2010, 21 février 2012, d'une mise en demeure du 18 décembre 2012, d'une nouvelle opposition à tiers détenteur du 27 février 2013, d'un encaissement du 7 juin 2013, d'une décision du 17 mars 2014 du département portant rejet d'une demande de remise de dette et de réexamen de son dossier par Mme I..., d'une mise en demeure du 24 mars 2014, de nouvelles oppositions à tiers détenteur du 2 mai 2016, du 26 mai 2016 et du 23 juin 2016. Il en résulte que le délai de quatre ans fixé au 3° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales n'était, à la date de réception de l'opposition à tiers détenteur, pas écoulé. Par suite, l'action en recouvrement n'était pas prescrite.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017.

Sur les conclusions aux fins de décharge et d'injonction :

20. En cas d'annulation par le juge de la décision ordonnant la récupération de l'indu, il est loisible à l'administration, si elle s'y croit fondée et si, en particulier, aucune règle de prescription n'y fait obstacle, de reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. Lorsque tout ou partie de l'indu d'allocation de revenu minimum d'insertion a été recouvré avant que le caractère suspensif du recours n'y fasse obstacle, il appartient au juge, s'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rembourser la somme déjà recouvrée, de déterminer le délai dans lequel l'administration, en exécution de sa décision, doit procéder à ce remboursement, sauf à régulariser sa décision de récupération si celle-ci n'a été annulée que pour un vice de forme ou de procédure.

21. En l'espèce, alors même que l'action en recouvrement a dû être suspendue du fait de la présente procédure conformément aux dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, il ne résulte pas de l'instruction, du bordereau de situation

du 17 décembre 2019, que la requérante ait effectué d'autre paiement que celui de la somme de 532 euros le 7 juin 2013 correspondant au montant des frais du commandement de payer notifié le 6 octobre 2008. En l'absence de recouvrement de tout ou partie de l'indu d'allocation de revenu minimum d'insertion pour la période entachée par la prescription, il y a lieu dès lors seulement de décharger Mme I... de l'obligation de payer la somme réclamée pour la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002, sans enjoindre à l'administration de rembourser des sommes déjà recouvrées.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Seine-Saint-Denis, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande de Mme I... au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme I... le versement de la somme réclamée par le département de la Seine-Saint-Denis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis du 16 novembre 2018 notifiée le 21 décembre 2018 est annulée.

Article 2 : La décision du président du département de la Seine-Saint-Denis du 5 juillet 2017 relative à la répétition de l'indu de revenu minimum d'insertion est annulée en tant qu'elle concerne la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002.

Article 3 : Mme I... est déchargée de l'obligation de payer la somme mise à sa charge pour la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme I... devant la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme L... I... et au département de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

M-D Jayer Le président,

M. Bouleau

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA02033


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-03-03 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale aux personnes âgées. Allocation personnalisée d'autonomie.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DBKM AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 03/11/2020
Date de l'import : 14/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA02033
Numéro NOR : CETATEXT000042503961 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-03;19pa02033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award