Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme P... et leur assureur, la MACIF, ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), la société Lyonnaise des Eaux, devenue société Suez Eau France, et la communauté de communes Plaines et Monts de France à leur verser les sommes de 3 652,62 euros au titre du remboursement des honoraires relatifs aux investigations, sondages et études géothermiques, de 48 079,19 euros au titre de travaux de consolidation des fondations, de 33 600 euros au titre du préjudice de jouissance et de 5 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un jugement n° 1610228 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Melun a condamné la société Suez Eau France à verser la somme de 49 719,85 euros à
M. et Mme P..., la somme de 3 512,26 euros à la MACIF, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mars 2019 et 27 novembre 2019, la société Suez Eau France, représentée par Me Ben Zenou, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes indemnitaires de M. et Mme P... et de la MACIF ;
3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement uniquement en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux P... à la somme de 48 219,85 euros au titre du préjudice matériel ;
4°) de mettre à la charge de M. et Mme P... ou de tout succombant la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Melun n'est pas suffisamment motivé ;
- l'action des époux P... et de la MACIF à son encontre était prescrite lorsque le 13 décembre 2016, ils lui ont pour la première fois adressé des demandes ;
- à titre subsidiaire, la seule circonstance que la Lyonnaise des Eaux était chargée de l'entretien du réseau d'assainissement de la commune ne suffit pas à engager sa responsabilité ; elle a rempli l'ensemble de ses obligations contractuelles ; le choc de la borne incendie à l'origine des dommages est un évènement étranger à l'entretien des ouvrages ;
- les premiers juges n'ont pas examiné l'une des hypothèses retenues par l'expert, relative à un défaut inhérent à la nature ou à la mise en oeuvre de la prise d'incendie, imputable au seul maître d'ouvrage, la communauté d'agglomération Roissy-Pays de France ;
- c'est à bon droit que le tribunal a limité le préjudice matériel des époux P... à la somme de 48 219,85 euros ;
- la MACIF n'est pas fondée à réclamer le remboursement d'une facture qu'elle n'a pas réglée ;
- la réalité du trouble de jouissance n'est pas établie ;
- aucun préjudice moral ne saurait être indemnisé.
Par un mémoire enregistré le 2 mai 2019, la commune de Mauregard, représentée par Me Aubert, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la société Suez Eau France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a mise hors de cause, sur le fondement des conclusions de l'expert, dès lors que la fuite d'eau à l'origine des dommages ne résulte pas des travaux menés sous sa maîtrise d'ouvrage ;
- la responsabilité sans faute de la société Suez Eau France est engagée dès lors qu'elle a la garde des bornes d'incendie.
Par deux mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés les 3 juin 2019 et 28 janvier 2020, M. et Mme P... et la société MACIF, représentés par Me Bouaziz, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre principal, de condamner la société Suez Eau France à verser à M. et Mme P... la somme de 33 600 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et la somme de 26 400 euros au titre de leur préjudice matériel ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Suez Eau France à verser à M. et Mme P... la somme de 16 800 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Mauregard, la société SNTPP, la société Suez Eau France, la communauté d'agglomération Roissy-Pays-de-France à indemniser intégralement les préjudices subis par M. et Mme P... ;
5°) de mettre à la charge de la société Suez Eau France le versement de la somme de 3 000 euros à M. et Mme P..., et de la somme de 3 000 euros à la société MACIF, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur action n'est pas prescrite ;
- la responsabilité de la société Suez, délégataire de service public, est engagée ; à titre subsidiaire, la responsabilité solidaire de tous les intervenants devra être reconnue, au regard des conclusions d'expertise ;
- outre la somme retenue par le tribunal administratif de Melun, leur préjudice matériel doit être réparé à hauteur de de la somme complémentaire de 26 400 euros, correspondant à l'aggravation des désordres ;
- dès lors que les trois propriétaires victimes des désordres ont réglé chacun un tiers de la facture de l'étude géothermique, la MACIF est bien fondée à réclamer le remboursement de la somme de 3 512,26 euros ;
- leur préjudice moral est établi ;
- le préjudice de jouissance, lié à la perte de loyers, s'élève à la somme de 33 600 euros ou, à titre subsidiaire, à la somme de 16 800 euros.
Par deux mémoires enregistrés les 28 juin 2019 et 27 novembre 2019, la communauté d'agglomération Roissy-Pays de France, représentée par Me Corneloup, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande indemnitaire des époux P... et de leur assureur au titre du préjudice de jouissance ;
3°) de mettre à la charge de la société Suez Eau France la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si les compétences eau potable et assainissement lui ont bien été transférées au 1er janvier 2016, la compétence " défense incendie " incluant la gestion des bornes à incendie est demeurée de la compétence de la commune de Mauregard ;
- aucune faute ne saurait lui être reprochée.
Par deux mémoires enregistrés les 4 juillet 2019 et 20 février 2020, la société SNTPP, représentée par Me Jougla, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de rejeter les demandes de toutes parties à son égard ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'appel incident des époux P... à son égard doit être rejeté dès lors qu'elle n'est pas à l'origine du sinistre, n'étant pas intervenue sur les lieux où est implantée la borne d'incendie dont la fuite a provoqué les dommages ;
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2019, la société Eiffage Génie civil Réseaux, représentée par Me Brosset, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa responsabilité ne peut qu'être écartée au regard des conclusions de l'expert.
Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2019, la société Areas Dommages, représentée par la SCP Thouvenin-Coudray-Grevy, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre solidairement à la charge de la société Suez Eau France et des époux P... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société Suez Eau France ne sont pas fondés ;
- elle ne saurait être condamnée dès lors que la responsabilité de son assurée, la commune de Mauregard, n'est pas engagée.
Vu les autres pièces du dossier.
La date de clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2020.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- les observations de Me Ben Zenou, représentant la société Suez Eau France,
- les observations de Me Jalley, représentant M. et Mme P... et la MACIF,
- les observations de Me Thornet, représentant la commune de Mauregard,
- les observations de Me Jougla, représentant la SNTPP,
- les observations de Me Brosset, représentant la société Eiffage Génie civil Réseaux,
- et les observations de Me Hortance, représentant la communauté d'agglomération Roissy-Pays-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Au cours du mois de juin 2002, les époux P... ont constaté l'apparition de désordres, affaissements et fissures, affectant leur propriété située 5 bis rue Porte de la Ville, à Mauregard, au sein d'un corps de bâtiment divisé en trois parties dont les deux autres parties appartiennent respectivement à M. et Mme L... et à M. et Mme R... et ont également subi des désordres de même nature. M. M..., expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Melun le 6 janvier 2003 en vue de rechercher les causes de ces désordres, a déposé un rapport le 2 janvier 2008. Une seconde expertise a été ordonnée le
11 mai 2012, confiée à M. N..., dont le rapport a été déposé le 21 juillet 2015.
M. et Mme P... et leur assureur, la MACIF, ont ensuite demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), la société Lyonnaise des Eaux, devenue société Suez Eau France, et la communauté de communes Plaines et Monts de France à leur verser les sommes de 3 652,62 euros au titre du remboursement des honoraires relatifs aux investigations, sondages et études géothermiques, de 48 079,19 euros au titre de travaux de consolidation des fondations, de 33 600 euros au titre du préjudice de jouissance et de 5 000 euros au titre du préjudice moral. Par un jugement du 1er février 2019 dont la société Suez Eau France relève appel, le tribunal a condamné cette dernière à verser aux époux P... la somme
de 48 079,19 euros au titre du préjudice matériel et de 1 500 euros au titre du préjudice moral, et à la MACIF la somme de 3 512,26 euros en remboursement d'une étude géotechnique.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments développés par les parties, ont expliqué de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils estimaient que la prescription n'était pas acquise lorsque les époux P... ont mis en cause la société requérante. Par suite, le jugement, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En cas de dommages causés à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur ou au maître d'oeuvre, à moins que ces dommages ne soient imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure. La personne responsable ne peut se prévaloir du fait d'un tiers. En cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante. Ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public c'est-à-dire d'une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage.
S'agissant de l'exception de prescription :
4. S'il résulte du rapport d'expertise de M. M..., déposé le 2 janvier 2008, que les désordres affectant la propriété des époux P... ont pour origine un phénomène de décompression du sol autour et sous le bâtiment, conséquence d'importantes fuites d'eau dues à la rupture de la bride d'alimentation en eau sous pression de la borne d'incendie située à l'angle des rues Porte de la Ville et Galai, les éléments de nature à permettre aux victimes de rechercher spécifiquement la responsabilité de la société Suez Eau France n'ont en réalité été clairement exposés que dans le second rapport d'expertise, déposé le 21 juillet 2015. Il y a donc lieu de retenir cette dernière date comme point de départ du délai de prescription. Par suite, lorsque
M. et Mme P... et la MACIF ont pour la première fois mis en cause la société requérante, le 13 décembre 2016, le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008, n'était pas expiré.
S'agissant de la responsabilité :
5. Comme il a été dit au point 4 du présent arrêt, il résulte des rapports d'expertise que la cause principale et déterminante des désordres constatés sur la propriété de
M. et Mme P... réside en d'importantes fuites d'eau dues à la rupture de la bride d'alimentation en eau sous pression de la borne d'incendie située à l'angle de la rue Porte de la Ville et de la rue Galai. Le rapport de M. N..., second expert, indique que la rupture de la bride a été probablement causée par un choc sous la prise d'incendie provoqué par un engin de chantier, par du matériel de chantier lors de son stockage ou par un véhicule lors d'un stationnement, sans pour autant qu'il soit possible d'écarter le fait que la rupture ait pour cause un défaut inhérent à la nature et/ou la mise en oeuvre de la prise d'incendie.
En ce qui concerne la détermination de la personne responsable :
6. Le district de la Plaine de France, auquel la commune de Mauregard a notamment délégué, lors de sa création le 22 mai 1990, sa compétence en matière de gestion du service de distribution d'eau potable, devenu la communauté de communes de la Plaine de France, a conclu le 11 septembre 1992 avec la Lyonnaise des eaux-Dumez, devenue Lyonnaise des eaux, un contrat d'affermage lui délégant l'exploitation de son service de distribution publique d'eau potable. Ce contrat stipule en son article 4 : " Dès la prise en charge des installations, le Fermier est responsable du bon fonctionnement du service, dans le cadre des dispositions du présent Cahier des Charges. / Le Fermier est tenu de couvrir sa responsabilité civile par une police d'assurance dont il donne connaissance à la collectivité. / La responsabilité civile de la collectivité résultant de l'existence des ouvrages dont la collectivité est propriétaire, incombe à celle-ci " et en son article 20 " (...) Les travaux d'entretien et de grosses réparation sont exécutés par le Fermier, à ses frais, conformément à l'article 21 (...). Aux termes de cet article 21 : " Tous les ouvrages, équipements et matériels permettant la marche de l'exploitation y compris les compteurs et les branchements, seront entretenus en bon état de fonctionnement et réparés par les soins du Fermier, à ses frais. ". Il résulte par ailleurs des principes rappelés au point 3 du présent arrêt que si la communauté de communes de la Plaine de France, à laquelle incombait la compétence de la distribution d'eau potable, demeurait responsable des dommages imputables à l'existence, à la nature et au dimensionnement de l'ouvrage, la responsabilité de la société Lyonnaise des eaux doit être recherchée, en sa qualité de fermier ayant reçu délégation de l'exploitation de l'ouvrage, au titre de son fonctionnement.
7. Au regard de ces principes et des stipulations du contrat d'affermage liant le district de la Plaine de France, auquel la commune de Mauregard avait notamment délégué sa compétence en matière de gestion du service de distribution d'eau potable, devenu la communauté de communes de la Plaine de France, et la Lyonnaise des eaux, devenue depuis la société Suez Eau France, c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré, alors qu'aucune faute de la part d'aucune des parties en cause n'avait pu être mise en évidence au cours des opérations d'expertise, que M. et Mme P..., tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par la borne d'incendie, étaient fondés à rechercher la responsabilité sans faute de la société Suez Eau France, dès lors que le fonctionnement d'un ouvrage appartenant au réseau public de distribution d'eau étant en cause, la fuite ayant été constatée au niveau de la bride d'alimentation de la borne d'incendie. L'argumentation de la société Suez Eau France tirée de ce qu'aucun défaut d'entretien n'a pu lui être imputé est sans incidence sur sa responsabilité, les époux P... n'étant pas usagers mais tiers à l'ouvrage public à l'origine des dommages. De même, la circonstance que la société requérante aurait parfaitement rempli ses obligations contractuelles ne peut être opposée à des tiers.
8. Il résulte de ce qui précède que seule la responsabilité de la société Suez Eau France est engagée du fait des désordres subis par la propriété de M. et Mme P....
S'agissant des préjudices :
9. En premier lieu, la société Suez Eau France ne conteste pas le montant de 48 219,85 euros, alloué par les premiers juges aux époux P... au titre de leur préjudice matériel. Il y a lieu par suite de confirmer le jugement sur ce point. Par ailleurs, la société requérante n'a pas davantage contesté la somme de 26 400 euros sollicitée par les époux P... au titre de l'aggravation des désordres, et justifiée par la production d'un devis correspondant à des travaux de consolidation et de renforcement d'un mur porteur. Il y a lieu par suite de condamner la société Suez Eau France à verser à M. et Mme P... la somme totale de 74 619,85 euros au titre de leur préjudice matériel.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société MACIF, assureur de M. et Mme P..., a réglé un tiers, soit 3 512,26 euros, de la facture émise le 25 février 2005 par la société Solen, correspondant à une étude géothermique menée dans le cadre de la recherche des causes des dommages affectant les trois propriétés des époux L..., R... et P.... Il y a lieu dans ces conditions de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Suez Eau France à rembourser cette somme à la MACIF.
11. En troisième lieu, si M. et Mme P... demandent réparation d'un préjudice de jouissance qu'ils auraient subi du fait de pertes locatives, leur propriété étant louée en deux lots distincts, il résulte de l'instruction, comme l'ont relevé les premiers juges, que le premier lot était encore loué au 31 décembre 2016 et que ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2017 que le locataire a quitté les lieux en raison de l'insalubrité du logement, laquelle, ainsi que cela ressort du courrier de la MACIF du 19 avril 2018, n'est pas seulement imputable au sinistre mais également à l'absence de ventilation mécanique dans le logement qui a provoqué l'apparition de moisissures. Quant au second lot, si les époux P... soutiennent que le sinistre les a privés de la possibilité de le rénover pour ensuite le louer, il résulte du rapport d'expertise de M. N... que M. et Mme P... n'ont jamais été empêchés, en raison des désordres, d'utiliser les locaux dont ils sont propriétaires dans des conditions normales et n'ont pas eu à supporter des gênes ou désagréments importants. Par suite, la réalité du préjudice invoqué n'est pas établie. La demande au titre du préjudice de jouissance doit donc être rejetée.
12. En dernier lieu, eu égard aux préoccupations générées par la nature des dommages affectant la propriété des époux P..., il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il leur a accordé la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, les préjudices subis par M. et Mme P... du fait des désordres imputables à la société Suez Eau France devant être évalués à la somme totale de 76 119,85 euros, il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Melun en portant à cette dernière somme la condamnation de la société Suez Eau France à leur égard.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme P..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Suez Eau France et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Suez Eau France le versement de la somme de 500 euros chacun à M. et Mme P..., à la société MACIF, à la commune de Mauregard, à la société nouvelle des travaux publics et particuliers (SNTPP), à la société Eiffage Génie civil Réseaux, à la compagnie Areas-CMA et à la communauté d'agglomération Roissy-Pays de France.
DECIDE :
Article 1er : La somme que la société Suez Eau France a été condamnée à verser à
M. et Mme P... par l'article 2 du jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Melun est portée à 76 119,85 euros.
Article 2 : Le jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Suez Eau France versera la somme de 500 euros chacun à
M. et Mme P..., à la société MACIF, à la commune de Mauregard, à la société nouvelle des travaux publics et particuliers (SNTPP), à la société Eiffage Génie civil Réseaux, à la compagnie Areas-CMA et à la communauté d'agglomération Roissy-Pays de France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Suez Eau France, à M. et Mme J... P..., à la société MACIF, à la commune de Mauregard, à la société nouvelle des travaux publics et particuliers (SNTPP), à la société Eiffage Génie civil Réseaux, à la compagnie Areas-CMA et à la communauté d'agglomération Roissy-Pays de France.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
G. MornetLe président,
M. Bouleau
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01177