Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer la somme de 728 986 euros visée par l'avis à tiers détenteur du 26 février 2018 signifié en vue du paiement de la sanction infligée à la société Centre régional de conseil aux entreprises (CRCE) au titre des années 2011, 2012 et 2013 en application de l'article L. 6362-7-2 du code du travail.
Par un jugement n° 1816333/2-3 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2020, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1816333/2-3 du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de le décharger de l'obligation de payer la somme de 728 986 euros visée par l'avis à tiers détenteur émis le 26 février 2018 pour avoir paiement de la sanction infligée à la société Centre régional de conseil aux entreprises (CRCE) au titre des années 2011, 2012 et 2013 en application de l'article L. 6362-7-2 du code du travail ;
3°) à titre subsidiaire, de le décharger de l'obligation de payer les sommes objet de l'avis à tiers détenteur litigieux, à concurrence de 313 095,74 euros ;
4°) à titre plus subsidiaire, de le décharger de l'obligation de payer les sommes objet de l'avis à tiers détenteur litigieux, à concurrence de la somme de 5 219, 40 euros, réclamée deux fois, une fois au titre de l'année 2011 et une autre fois au titre de l'année 2012
Il soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ce qu'il ne vise pas et n'analyse pas l'ensemble des mémoires des parties ;
- en refusant de faire droit à sa demande en tant qu'elle portait sur la décharge de l'obligation de payer la somme litigieuse de 728 986 euros à hauteur de 313 095,74 euros au titre de l'année 2013, le tribunal administratif a méconnu les exigences de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales et celles de l'article 2246 du code civil ; à la date de l'avis à tiers détenteur litigieux, le 26 février 2018, et de sa réception par le requérant le 5 mars suivant, non seulement la somme de 313 095,74 euros n'était pas exigible faute d'avoir été mise en recouvrement au nom de la société CRCE ou au nom de M. A..., mais encore elle ne pouvait plus être mise en recouvrement puisqu'elle était prescrite en application de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales ;
- le jugement attaqué a méconnu les exigences des articles L. 281 et R. 281-1 du livre des procédures fiscales en considérant que le requérant, en sa qualité de débiteur solidaire, ne pouvait pas invoquer la décharge des sommes litigieuses susceptibles d'être prononcée au profit de la société CRCE, débitrice principale, pour contester l'obligation de payer les sanctions pécuniaires litigieuses ;
- le tribunal administratif a méconnu les exigences de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, en considérant que le requérant ne pouvait invoquer pour la première fois devant le tribunal, le moyen tiré de ce que l'administration ne lui ayant pas adressé un avis de mise en recouvrement individuel en application de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, il était fondé à solliciter la décharge de l'obligation de payer la somme litigieuse de 728 986 euros ;
- le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, en estimant que le requérant n'était pas recevable à demander à être déchargé de l'obligation de payer la somme de 5 219,40 euros qui lui était réclamée à la fois au titre de l'année 2011 et de l'année 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le code des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " (...) / La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...). ".
2. En se bornant à soutenir que les dispositions réglementaires précitées avaient été méconnues et que le jugement attaqué " ne vise pas et n'analyse pas l'ensemble des mémoires des parties ", le requérant ne met pas la Cour en mesure de prononcer sur le bien-fondé de son moyen tiré de l'irrégularité qui entacherait le jugement attaqué. Au surplus, les conclusions et moyens de la requête, enregistrée le 13 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif, le mémoire en réplique du requérant, enregistré le 2 juin 2019, et le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, sont visés et analysés dans le jugement attaqué. Enfin, les parties ont été informées le 2 septembre 2019, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Sur les conclusions à fins de décharge :
3. La société Centre régional de conseil aux entreprises (CRCE), dont le dirigeant est M. D... A..., a pour activité la formation professionnelle continue. Elle a fait l'objet en 2013 d'un contrôle réalisé par les services du ministère du travail et de l'emploi portant sur la période du 24 novembre 2011, date de sa création, au 30 septembre 2013, date de la situation comptable présentée lors du contrôle. Ce contrôle a révélé qu'elle n'avait pas, en fait, réalisé 427 actions de formation pour lesquelles elle avait reçu des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) des versements d'un montant total de 728 986 euros. Par une décision du 31 juillet 2014 prise en application du deuxième alinéa de l'article L. 6362-7-1 du code du travail, qui dispose qu'" En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ", le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, l'a en conséquence obligée à verser au Trésor public la somme de 728 986 euros, correspondant au chiffre d'affaires réalisé avec les OPCA au cours de la période contrôlée. Par la même décision, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a infligé la sanction prévue par l'article L. 6362-7-2 du code du travail, qui dispose que " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus ", pour avoir établi ou utilisé intentionnellement des documents de nature à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation. Cette sanction, qui correspond aux montants indûment perçus, s'élève également à la somme de 728 986 euros. Dans le cadre d'un recours préalable obligatoire, la société CRCE a contesté cette décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, qui l'a confirmée par une décision du 19 novembre 2014. En vue d'exécuter cette décision et de recouvrer les sommes en cause, le comptable des impôts, chargé du recouvrement en vertu des dispositions de l'article L. 6362-12 du code du travail, qui dispose que " Le recouvrement des versements exigibles au titre des contrôles réalisés en application des articles L. 6361-1 à L. 6361-3 est établi et poursuivi selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires ", a établi le 26 janvier 2015 au nom de la société CRCE trois avis de mise en recouvrement d'un montant total de 1 457 972 euros (728 986 euros x 2). Le comptable public, estimant que M. A... est solidairement tenu au paiement de la sanction prévue par l'article L. 6362-7-2 du code du travail, lui a notifié trois mises en demeure datées du 20 juillet 2016 de payer un montant total de 728 986 euros, puis encore deux mises en demeure, datées du 29 novembre 2016 et du 6 mars 2017, demandant chacune le paiement de la somme de 728 986 euros, puis a émis à son encontre trois avis à tiers détenteur, chacun en vue du paiement de la même somme de 728 986 euros, en date des 29 novembre 2016, 6 mars 2017 et 26 février 2018. M. A... a demandé au tribunal administratif la décharge de l'obligation de payer la somme visée par le dernier avis à tiers détenteur, daté du 26 février 2018. Par le jugement attaqué du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) " ; aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement à moins qu'ils n'aient la qualité de représentant ou d'ayant cause du contribuable, telle que mentionnée à l'article 1682 du code général des impôts. ". D'autre part, termes de l'article L. 281 de ce livre : " Les contestations relatives au recouvrement des (...) sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) " ; aux termes de l'article R. 281-1 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. / Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. (...) " ; aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, au directeur départemental des finances publiques, (...) dans un délai de deux mois à partir de la notification : / (...) b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif. ".
5. Il résulte de l'instruction que trois mises en demeure, datées du 20 juillet 2016, demandant le paiement des sommes de 5 219,40 euros, de 410 670,86 euros et de 313 095,74 euros, ont été adressées à M. A..., qui a accusé réception des trois le 25 juillet 2016, et qu'ensuite deux mises en demeure, datées du 29 novembre 2016 et du 6 mars 2017, demandant chacune le paiement de la somme de 728 986 euros ont été adressées à M. A..., qui en a accusé réception respectivement le 1er décembre 2016 puis le 8 mars 2017. M. A... n'établit ni n'allègue avoir contesté ces mises en demeure dans les deux mois à compter de leur notification, qui mentionnait les délais et voies de recours. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, le moyen tiré de l'inexigibilité à l'égard de M. A... de la somme de 313 095,74 euros, qui ne porte ni sur l'obligation de payer, ni sur le montant de la dette, est irrecevable, faute d'avoir été soulevé dans le délai de deux mois à compter de la notification du premier acte de poursuite permettant de l'invoquer.
6. En deuxième lieu, dès lors que le litige porte sur le contentieux du recouvrement, le ministre est fondé à soutenir que l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, qui fixe le délai de reprise des rappels de taxe sur le chiffre d'affaires, ne trouve pas à s'appliquer. Par suite, le moyen tiré de ce que le recouvrement de la somme en cause serait prescrite en application des dispositions de cet article doit être écarté comme étant inopérant.
7. En troisième lieu, le moyen soulevé par M. A... dans sa demande présentée au tribunal, tiré de l'irrégularité des avis de mise en recouvrement en date du 26 janvier 2015 émis à l'encontre de la société CRCE, se rattachent au contentieux de l'assiette des amendes fiscales litigieuses, auquel ne se rattache pas la contestation en date du 26 avril 2018 présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales et qui se rattache ainsi au contentieux du recouvrement. La limitation de l'objet des contestations et des moyens susceptibles d'être invoqués au soutien de conclusions fondées sur l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ne faisait nullement obstacle à l'exercice par l'intéressé d'une action distincte relative à l'assiette des amendes litigieuses, sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Par suite, ce moyen ne pouvait en tout état de cause être utilement invoqué devant le tribunal au soutien de la contestation de l'obligation de payer résultant d'un acte de poursuite initiée sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales.
8. En quatrième lieu, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, M. A... n'était pas recevable à invoquer après l'expiration du délai de deux mois ayant suivi la notification des mises en demeure du 20 juillet 2016, qui lui ont été régulièrement notifiées le 25 juillet 2016 et constituaient à son égard le " premier acte de poursuite ", au sens du c) de l'article R. 281-3-1, qui lui permettait d'invoquer ce motif, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance des articles R. 256-1 et R. 256-2 du livre des procédures fiscales l'administration ne lui a pas adressé un avis de mise en recouvrement individuel comportant les indications prescrites par l'article R .256-1 du livre des procédures fiscales.
9. En cinquième et dernier lieu, M. A... soutient que la société CRCE n'a réalisé qu'un exercice unique au titre de la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2012, au cours duquel elle a réalisé un chiffre d'affaires d'un montant de 410 670 euros, correspondant au montant de la somme réclamée par l'administration au titre de l'année 2012, et qu'ainsi l'administration ne saurait lui réclamer en outre une somme de 5 219 euros au titre de l'année 2011, cette somme étant incluse dans celle de 410 670 euros. Cependant, dès lors que ce moyen ne porte ni sur l'obligation de payer, ni sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, et que M. A..., comme il a été dit ci-dessus, n'a pas contesté dans le délai de deux mois les mises en demeure du 20 juillet 2016, qui constituaient les premiers actes de poursuites qui lui auraient permis d'invoquer ce motif, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas recevable à soulever ce moyen devant le tribunal.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit déchargé de l'obligation de payer la somme de 728 986 euros visée par l'avis à tiers détenteur émis le 26 février 2018 pour avoir paiement de la sanction infligée à la société Centre régional de conseil aux entreprises (CRCE) au titre des années 2011, 2012 et 2013 en application de l'article L. 6362-7-2 du code du travail. Sa requête doit, dès lors, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
H. VINOTLe greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01090