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15/10/2020 | FRANCE | N°20PA00227

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 octobre 2020, 20PA00227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme C... A... sous tutelle, a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler les décisions du 29 mars 2016 par lesquelles le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées pour la période du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014 d'une part, et, pour la période du 15 octobre 2014 au 30 juin 2015 d'autre part.



Par une décision du 18 mai 2017, la commission départementale d'aide social...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme C... A... sous tutelle, a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler les décisions du 29 mars 2016 par lesquelles le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées pour la période du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014 d'une part, et, pour la période du 15 octobre 2014 au 30 juin 2015 d'autre part.

Par une décision du 18 mai 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet 2017 et 15 septembre 2020, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 18 mai 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne ;

2°) d'annuler les décisions du 29 mars 2016 par lesquelles le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé d'accorder à Mme A... l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées pour la période du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014 d'une part, et, pour la période du 15 octobre 2014 au 30 juin 2015 d'autre part ;

3°) de prononcer la prise en charge des frais d'hébergement au titre de l'aide sociale de Mme A... pour la période du 16 juillet 2014 au 30 juin 2015 ;

4°) de mettre à la charge du département de la Dordogne le versement à l'UDAF de la Dordogne en sa qualité de tuteur de Mme A... de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne qui a rendu la décision attaquée est irrégulière en ce qu'elle méconnaît l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles, ainsi qu'il résulte de la décision n° 2010-110 QPC du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 dès lors que la commission est composée du président-rapporteur et de la secrétaire en présence du représentant du conseil départemental de la Dordogne et que le président de la commission a également exercé les fonctions de rapporteur ;

- ses ressources mensuelles ne lui permettent pas de s'acquitter de ses frais d'hébergement ;

- la somme maximum allouée au titre de la prestation spéciale d'accompagnement de la SNCF et non renouvelable est de 4 757 euros ; cette somme ne peut donc pas être prise en compte dans le calcul des ressources au sens des dispositions de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ; au surplus, la prestation spéciale d'accompagnement de la SNCF ne permet pas de prendre en charge ses frais d'hébergement sur la durée dès lors notamment que seuls les intérêts éventuellement générés par cette somme pourraient être retenus ;

- son dossier est en cours d'instruction auprès de la caisse de prévoyance de la SNCF ;

- les factures relatives à son hébergement en EHPAD émanant du département dès lors qu'elle perçoit l'aide sociale pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2017, elle ne peut bénéficier de la prestation spéciale d'accompagnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2017, le président du conseil départemental de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'insuffisance des ressources de l'intéressée doit s'apprécier au regard de sa situation globale ;

- il appartenait à l'UDAF de présenter une demande auprès de la caisse de prévoyance de la SNCF dès l'entrée en établissement de Mme A... afin que celle-ci obtienne la prestation spéciale d'accompagnement qui aurait ainsi été perçue avant la demande d'aide sociale à l'hébergement ; bien qu'ayant été informée par les services du département en novembre 2014 de la possibilité d'obtenir la prestation spéciale d'accompagnement, l'UDAF n'avait toujours pas déposé de demande en février 2016.

Par un courrier du 1er septembre 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne qui a rendu la décision attaquée du 18 mai 2017 était irrégulière en ce qu'elle était seulement composée du président, qui exerçait les fonctions de rapporteur, et d'une secrétaire non rapporteur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles en vigueur à la date de cette décision.

Par une ordonnance en date du 3 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux a transmis le jugement de la requête de l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme C... A... à la Cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1937, placée sous la tutelle de l'UDAF de la Dordogne, a séjourné dans l'unité de soins de longue durée du centre hospitalier de Périgueux du 16 juillet 2014 au 15 octobre 2014 avant d'être hébergée, à compter de cette dernière date, au sein de l'EHPAD Beaufort Magne de Périgueux. Le 11 août 2014, l'UDAF de la Dordogne a sollicité du département de la Dordogne la prise en charge par l'aide sociale des frais d'hébergement de Mme A... à compter du 16 juillet 2014. Par trois décisions du 29 mars 2016, le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé d'accorder à Mme A... l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées pour la période du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014 d'une part, et, pour la période du 15 octobre 2014 au 30 juin 2015 d'autre part et l'a admise à l'aide sociale pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2017. Par une décision du 18 mai 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté la demande de l'UDAF de la Dordogne tendant à l'annulation des décisions du 29 mars 2016 du président du conseil départemental de la Dordogne refusant à Mme A... l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées pour les périodes du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014 et du 15 octobre 2014 au 30 juin 2015. Par la présente requête, l'UDAF de la Dordogne relève appel de cette décision et demande à la Cour de prononcer la prise en charge des frais d'hébergement au titre de l'aide sociale de Mme A... pour la période du 16 juillet 2014 au 30 juin 2015.

Sur la demande d'admission à l'aide sociale :

2. L'article L. 113-1du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d'une aide à domicile, soit d'un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. Les personnes âgées de plus de soixante ans peuvent obtenir les mêmes avantages lorsqu'elles sont reconnues inaptes au travail. ". Aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme. ". Aux termes de l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. ".

3. Il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu, des frais de mutuelle ou des frais de tutelle. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 32-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses.

4. En premier lieu, il ressort des termes des décisions du 29 mars 2016 que, pour refuser d'accorder à Mme A... l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées pour la période du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014, d'une part, et, pour la période du 15 octobre 2014 au 30 juin 2015, d'autre part, le président du conseil départemental de la Dordogne s'est fondé sur le motif tiré de ce que les ressources de l'intéressée " y compris l'aide de la prestation spéciale d'accompagnement de la SNCF lui permettent d'acquitter ses frais de séjour en EHPAD sans recourir à l'aide sociale qui présente un caractère subsidiaire ".

5. Cependant, il résulte de l'instruction que Mme A... ne bénéficiait pas de la prestation spéciale d'accompagnement versée par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à la date de sa demande d'aide sociale, ni à la date des décisions du président du conseil départemental de la Dordogne rejetant sa demande. En outre, le département de la Dordogne n'établit pas que Mme A... serait effectivement éligible à cette aide financière spécifique à la SNCF. Il s'ensuit que le président du conseil départemental de la Dordogne ne pouvait prendre en considération le montant de la prestation spéciale d'accompagnement de la SNCF dans le calcul des ressources de Mme A....

6. En second lieu, si le président du conseil départemental entend soutenir, en mentionnant devant la Cour le montant des capitaux placés sur le livret A et le livret d'épargne populaire détenus par Mme A..., que cette dernière peut s'acquitter de ses frais d'hébergement, il résulte toutefois des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles citées au point 2 que seuls peuvent être pris en compte, pour la détermination des ressources d'un postulant à l'aide sociale, d'une part, les revenus tirés des biens qu'il possède, et, d'autre part, s'agissant des biens qu'il possède non productifs de revenu, l'évaluation, effectuée sur la base forfaitaire prévue par les dispositions précitées des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, des ressources que l'allocataire est supposé pouvoir retirer de biens non productifs de revenu, à l'exclusion du montant du capital lui-même. Ainsi, lorsque le postulant à l'aide sociale dispose, comme en l'espèce, de capitaux qui ont fait l'objet d'un placement, seuls doivent être pris en considération les revenus de ce placement comme au demeurant l'a considéré le président du conseil départemental lors de l'instruction de la demande d'aide sociale de Mme A.... Il résulte de l'instruction que les ressources mensuelles de Mme A... s'élevaient, à la date de sa demande d'aide sociale, à la somme de 1 327,09 euros correspondant au montant de ses pensions de retraite, des intérêts de capitaux placés et de l'allocation logement. Par ailleurs, par un jugement du 26 janvier 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Périgueux a rejeté la demande d'obligation alimentaire au profit de Mme A... à l'encontre de sa fille unique. Or les frais d'hébergement de Mme A..., qui s'élèvent à 1 635,15 euros par mois pour la période du 16 juillet 2014 au 14 octobre 2014 puis à 1 620,43 euros à compter du 15 octobre 2014, ne sont pas couverts par ses ressources propres, lesquelles s'élèvent à 1 194 euros après déduction de la quote-part de 10 % devant être laissée à sa disposition en vertu de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles. Il suit de là que son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi. Par suite, l'UDAF de la Dordogne, agissant au nom de Mme A..., est fondée à soutenir que cette dernière doit être admise à l'aide sociale à l'hébergement pour la période comprise entre le 16 juillet 2014 et le 30 juin 2015.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'UDAF est fondé à demander l'annulation de la décision du 18 mai 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de cette décision, ainsi que des décisions du 29 mars 2016 du président du conseil départemental de la Dordogne.

8. Il y a lieu de renvoyer l'UDAF de la Dordogne, agissant au nom de Mme A..., devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la détermination du déficit constaté entre les ressources perçues par l'intéressée sur la période comprise entre le 16 juillet 2014 et le 30 juin 2015, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'unité de soins de longue durée du centre hospitalier de Périgueux puis au sein de l'EHPAD Beaufort Magne de Périgueux, et au paiement des sommes ainsi calculées.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Dordogne le versement à l'UDAF de la Dordogne, agissant au nom de Mme A..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 18 mai 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et les décisions du 29 mars 2016 du président du conseil départemental de la Dordogne sont annulées.

Article 2 : Mme A... est admise à l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement pour la période comprise entre le 16 juillet 2014 et le 30 juin 2015. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme A..., est renvoyée devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la détermination et au paiement des sommes dues à ce titre.

Article 3 : Le département de la Dordogne versera à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme A..., la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme C... A..., au département de la Dordogne et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie pour information sera adressée au centre hospitalier de Périgueux et à l'EHPAD Beaufort Magne du centre hospitalier de Périgueux.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

V. D...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

C. POVSE La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20PA00227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00227
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-04-01 Aide sociale. Contentieux de l'aide sociale et de la tarification. Contentieux de l'admission à l'aide sociale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-15;20pa00227 ?
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