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15/10/2020 | FRANCE | N°19PA04060

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 octobre 2020, 19PA04060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1920919/2-1 du 14 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregi

strés les 13 décembre 2019 et 4 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1920919/2-1 du 14 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2019 et 4 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1920919/2-1 du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de la convoquer pour réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet de police ne lui a pas laissé le temps de déposer une demande de titre de séjour autre que celle déposée en sa qualité de demandeur d'asile ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi des risques auxquels elle sera soumise en cas de retour dans son pays d'origine ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le Nigéria comme pays de destination d'une mesure d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'ayant été enrôlée de force dans son pays d'origine dans un réseau de traite d'êtres humains dont elle a réussi à s'extraire sans s'acquitter intégralement de sa " dette ", elle sera soumise à des traitements inhumains et dégradants ainsi qu'à une menace réelle pour sa liberté en cas de retour dans son pays.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du 24 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me B..., avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité nigériane, est entrée en France le 28 novembre 2016 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 novembre 2017 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 février 2019. Par un arrêté du 31 mai 2019 pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, si la requérante entend soulever les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige, du défaut d'examen particulier de sa demande et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens, déjà développés dans sa demande de première instance, ne sont pas assortis en appel d'éléments nouveaux. Dès lors il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ces moyens repris en appel par Mme A....

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est présente sur le territoire français depuis au moins le 13 février 2017, date à laquelle elle a été reçue par les services de la préfecture. L'intéressée est célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas l'existence des attaches familiales dont elle se prévaut, ni l'intensité des liens privés qu'elle aurait développés sur le territoire français. Elle ne justifie pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. Par ailleurs, l'attestation de l'association Amicale du nid 92 en date du 13 décembre 2019 mentionnant que Mme A... bénéficie d'un accompagnement social depuis le 16 octobre 2019 et l'attestation de la CGT du 14 octobre 2019 sont insuffisantes pour établir que l'intéressée exercerait une activité professionnelle et serait bien intégrée à la société française. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de la requérante.

4. En troisième et dernier lieu aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. Mme A... soutient qu'un retour au Nigeria l'exposerait à des représailles de la part du réseau de prostitution qui l'a conduite en Europe et dont elle a réussi à s'extraire dès lors qu'elle ne se serait pas acquittée de l'intégralité de sa " dette " auprès de ce réseau et que sa soeur et sa mère restées au Nigéria ont été victimes de violentes agressions de la part de membres de ce réseau qui ont conduit au décès de sa mère. Si son enrôlement au Nigéria dans un réseau de traite des êtres humains à des fins sexuelles a été reconnu par l'OFPRA et par la CNDA, sa demande de statut de réfugié a toutefois été rejetée, comme il a déjà été dit, par une décision du 30 novembre 2017 de l'OFPRA confirmée par une décision du 19 février 2019 de la CNDA. L'attestation de l'association Amicale du nid 92 en date du 13 décembre 2019 qui mentionne notamment qu'elle a été contactée par Mme A... en octobre 2019, soit après la notification de l'arrêté litigieux, et que les services de police ont refusé de prendre sa plainte en novembre 2018 d'une part, et la copie de sa plainte adressée seulement le 11 avril 2020 auprès du procureur de la république d'autre part, ne permettent pas d'établir la réalité des menaces alléguées. En outre, les photographies de la grave blessure de sa soeur et la copie du certificat de décès de sa mère sont insuffisantes pour démontrer que ces événements seraient imputables à des représailles menées par des membres du réseau de prostitution qui l'aurait conduite en Europe. Les publications et les rapports auxquels la requérante se réfère qui font état de considérations générales quant à la situation des jeunes femmes de l'ethnie edo victimes des réseaux de prostitution au Nigéria ne permettent pas d'établir qu'elle serait personnellement exposée à des risques de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans ce pays. Par suite, le préfet de police, qui au demeurant a procédé à l'examen particulier des risques invoqués par Mme A... en cas de retour au Nigéria, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais de l'instance doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

V. C...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA04060

5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04060
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DELAVAY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-15;19pa04060 ?
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