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15/10/2020 | FRANCE | N°18PA00414

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 18PA00414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Avron Audit et Comptabilité a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2009 et le

30 septembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, ainsi que des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1503429/

1-3 du 6 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Avron Audit et Comptabilité a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2009 et le

30 septembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, ainsi que des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1503429/1-3 du 6 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un montant total de 18 439 euros, prononcé une décharge partielle au titre de l'impôt sur les sociétés, et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 février et 12 juillet 2018, la SARL Avron Audit et Comptabilité, représentée par Me C... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction ;

2°) et de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal.

Elle soutient que :

- les justificatifs relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée collectée ayant été apportés à l'appui de la réclamation préalable, la somme de 4 411 euros correspondait bien à une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre du dernier trimestre de l'année 2009 ;

- le service a remis à tort en cause le caractère irrécouvrable de certaines créances, sur des sociétés débitrices en liquidation judiciaire ;

- le service a refusé à tort la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des factures de sous-traitance, d'études et de prestations, d'entretien immobilier, de cotisations professionnelles et de fournitures de bureau ;

- c'est à tort qu'il a remis en cause des provisions pour créances douteuses et des pertes pour créances irrécouvrables ;

- les charges relatives à des dépenses de sous-traitance, d'études et prestations, d'entretien immobilier, de cotisations professionnelles, de fournitures de bureau, d'électricité, d'indemnités kilométriques et d'intérêts d'emprunt remises en cause par le service ont été à bon droit déduites du bénéfice;

- la pénalité infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée et est disproportionnée ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ne saurait s'appliquer en l'espèce, en l'absence d'un manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Avron Audit et Comptabilité ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2018.

Des pièces complémentaires, enregistrées le 21 novembre 2019, ont été présentées pour la SARL Avron Audit.

Des mémoires ont été enregistrés les 4 et 6 octobre 2020 pour la SARL Avron Audit et Comptabilité après la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Avron Audit et Comptabilité, cabinet d'expertise comptable, qui a porté sur les exercices 2010, 2011 et 2012 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, l'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés selon la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Le Tribunal administratif de Paris ayant partiellement rejeté ces rehaussements par jugement n° 1503429/1-3 du 6 décembre 2017, la société relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel [...]. Aux termes de l'article 269 du même code : " [...] 2. La taxe est exigible /[...] c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits [...] ".

3. D'une part, la SARL Avron Audit et Comptabilité soutient avoir versé la somme de

4 411 euros en vue d'une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre du dernier trimestre de l'année 2009, période au cours de laquelle elle était encore soumise au régime simplifié en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Si elle excipe à cet effet d'un extrait de ses écritures comptables faisant mention, en date du 6 janvier 2010, d'un chèque " ca 12 2009 " d'un montant de 4 411 euros, ainsi que d'un extrait de son compte bancaire mentionnant un débit de ce montant à la même date, elle ne produit toujours pas en appel la copie du chèque correspondant, de nature à justifier de ce que ledit chèque était établi à l'ordre du Trésor public, alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que la régularisation alléguée ne figure pas sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de janvier 2010. Eu égard à ces éléments, la société requérante n'est pas fondée à obtenir la réduction de sa base d'imposition à concurrence de la somme en cause.

4. D'autre part, les rapprochements effectués par l'administration entre les crédits portés sur le compte bancaire de la société et les montants déclarés sur les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée ont révélé des insuffisances de chiffre d'affaires déclarés, la SARL Avron Audit et comptabilité s'étant abstenue de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée à hauteur de 32 891 euros au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2009 et le 30 septembre 2010, de

17 402 euros au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 30 septembre 2011 et de 10 735 euros au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2011 et le 30 septembre 2012. La requérante a admis devant la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires avoir constitué une trésorerie, en omettant de déclarer et de payer la taxe sur la valeur ajoutée collectée. En se bornant à verser au dossier une attestation du gérant de la société Faaar Industry, elle n'établit pas que certaines des sommes figurant au crédit de son compte bancaire ne devaient pas être regardées comme des encaissements soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen tiré de la surestimation des encaissements réalisés doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 272 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale ". Si la SARL Avron Audit et Comptabilité a déduit, au titre des exercices clos en 2011 et 2012, des sommes qu'elle a regardées comme créances irrécouvrables, et récupéré à ce titre la taxe collectée correspondante, elle se borne à soutenir, sans l'établir, que les sociétés débitrices auraient été placées en liquidation judiciaire et s'abstient de produire des éléments de preuve décisifs tels qu'un certificat du liquidateur judiciaire. Elle n'allègue pas non plus des démarches en vue d'obtenir le paiement des factures en cause. Elle ne justifie nullement du caractère définitivement irrécouvrable de ces créances, en faisant valoir, comme elle l'a fait en première instance, qu'en cas de défaillance de paiement d'acomptes mensuels ou trimestriels d'un client, qu'elle estimait incapable de redevenir solvable, elle constatait une perte pour créance irrécouvrable dès lors que ce client n'avait plus recours à ses services.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déduite :

6. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 à 12 du jugement attaqué, d'écarter les moyens repris sans changement en appel par la SARL Avron Audit et Comptabilité à l'appui de sa contestation afférente à la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à des factures de sous-traitance, d'études et de prestation, d'entretien immobilier, de cotisations professionnelles et de fournitures de bureau. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société requérante en appel, il résulte de l'instruction que la facture émise par la société Sage, produite devant le tribunal, mentionne expressément une date d'échéance au 13 novembre 2008 et non 2009 et un paiement par chèque bancaire effectué le

6 novembre 2008.

Sur les suppléments d'impôts sur les sociétés :

7. Si la SARL Avron Audit et Comptabilité invoque en appel le caractère erroné du montant correspondant au profit sur le Trésor, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 13. 14. et 16. à 18. du jugement attaqué, d'écarter les moyens repris sans changement en appel par la SARL Avron Audit et Comptabilité à l'appui de sa contestation de la remise en cause des déductions qu'elle avait opérées à raison de provisions pour créances douteuses, de pertes sur créances irrécouvrables et de charges déduites sans être accompagnées de justificatifs suffisants, la société requérante ne faisant valoir aucun élément de fait ou de droit nouveau, par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal.

9. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 39-1 du code général des impôts, sont admises en déduction du résultat au titre des frais et charges les dépenses exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattachent à la gestion normale de l'entreprise, correspondent à une charge effective et sont appuyées de justifications suffisantes. L'administration a remis en cause la déduction au cours des exercices en litige des intérêts de deux emprunts consentis par le Crédit Mutuel de Bretagne, pour des montants de 100 000 euros et de 113 600 euros. Si elle ne conteste pas sérieusement la réalité des deux emprunts, ni le fait que ces emprunts ont été contractés dans l'intérêt de l'entreprise, l'un ayant au demeurant servi à racheter le cabinet d'expert-comptable, elle met en doute le paiement des intérêts d'emprunt faute de justificatifs suffisants. Or, si le contrat de prêt de 113 600 euros n'est pas signé, il est certifié par la Crédit Mutuel de Bretagne par une attestation du 25 mars 2015, et accompagné par un tableau d'amortissement signé où figurent les intérêts d'emprunt en litige. En revanche, malgré une annonce en ce sens, la SARL Avron Audit et Comptabilité ne produit pas l'échéancier relatif au prêt de 100 000 euros. C'est donc à bon droit que l'administration n'a pas admis la déductibilité des intérêts afférents à cet emprunt. Ainsi, seule peut être admise la réduction des bases d'impositions de la SARL Avron Audit et Comptabilité à l'impôt sur les sociétés à concurrence des intérêts afférents à l'emprunt de 113 600 euros.

Sur les pénalités et amende :

10. D'une part, en vertu des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relatives à l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a, en l'espèce, appliqué cette majoration aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'insuffisance de déclaration de la taxe collectée par la SARL Avron Audit et Comptabilité au cours de la période vérifiée. En rappelant que cette société, qui avait d'ailleurs reconnu au cours du contrôle s'être abstenue de verser l'ensemble de la taxe due en raison de sa situation financière difficile, ne pouvait ignorer, en sa qualité de cabinet d'expertise comptable, son obligation de déclarer et de verser la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de services fournies à ses clients, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de l'entreprise de se soustraire au paiement de cette taxe. En se bornant à invoquer une disproportion de cette pénalité, sa bonne foi, ou la circonstance qu'une partie des rectifications notifiées ont été abandonnées, la SARL Avron Audit et Comptabilité n'en conteste pas efficacement le bien-fondé.

11. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. En l'espèce, il est constant que la SARL Avron Audit et Comptabilité, interrogée sur le fondement de l'article 117 de ce code, s'est refusée à désigner les bénéficiaires des revenus distribués dans le délai prévu à cet article. Par suite, les rectifications relatives au profit de TVA, aux charges non justifiées et pertes sur créances irrécouvrables, réputées distribuées sur le fondement des articles 109-1-1 et 110 du même code ont été soumises à cette amende. En raison du fondement légal sur lequel l'administration l'a interrogée, la SARL Avron Audit et Comptabilité ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1353 du code civil qui fait obligation à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Avron Audit et Comptabilité est seulement fondée à obtenir la réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices en litige des sommes versées à raison des intérêts de l'emprunt souscrits pour un montant de 113 600 euros auprès du Crédit Mutuel de Bretagne, et la décharge correspondante, en droits et majorations, des impositions qui lui ont été assignées. Pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, contrairement à ce qu'elle soutient, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés maintenus à sa charge.

DECIDE :

Article 1er : La base d'imposition de la SARL Avron Audit et Comptabilité à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, est réduite des intérêts afférents à l'emprunt de

113 600 euros souscrit auprès du Crédit Mutuel de Bretagne.

Article 2 : La SARL Avron Audit et Comptabilité est déchargée, en droits et majorations, de la différence entre les impositions qui lui ont été assignées et celles résultant de la réduction de base mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1503429/1-3 du 6 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Avron Audit et Comptabilité est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Avron Audit et Comptabilité et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00414
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : VALLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-15;18pa00414 ?
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