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13/10/2020 | FRANCE | N°20PA00115

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 13 octobre 2020, 20PA00115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités belges, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer l'attestatio

n correspondante, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités belges, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer l'attestation correspondante, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer l'attestation provisoire de séjour correspondante, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1923519/8 du 17 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1923519/8 du 17 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de vingt-quatre heures après la notification du jugement sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer l'attestation correspondante ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer l'attestation provisoire de séjour correspondante, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre au moyen, soulevé à l'audience, tiré de ce qu'en décidant de son transfert aux autorités belges malgré la protection subsidiaire que lui avaient accordée les autorités italiennes, le préfet de police a méconnu les dispositions du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 5 de ce même règlement faute de preuve que l'entretien a été mené par un agent qualifié ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 4 de ce même règlement dès lors qu'il est illettré et que l'une des brochures d'information lui a été remis hors la présence d'un interprète ;

- en décidant de son transfert aux autorités belges malgré la protection subsidiaire que lui avaient accordée les autorités italiennes, le préfet de police a méconnu les dispositions de ce même règlement.

Les parties ont été informées le 20 mai 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, du champ d'application du règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et que le moyen à relever d'office doit être écarté dès lors que M. D... conteste avoir obtenu la protection subsidiaire en Italie et n'établit pas avoir obtenu un titre de séjour sur ce fondement.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan né selon ses déclarations le 15 février 1986, est entré irrégulièrement en France, et a sollicité le 12 août 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités hongroises le 21 mars 2015, auprès des autorités allemandes le 5 mai 2015, auprès des autorités italiennes les 5 novembre et 2 décembre 2015 et auprès des autorités belges le 25 mars 2018. Le 13 août 2019, le préfet de police a adressé aux autorités belges une demande de reprise en charge de M. D... en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités belges ont acceptée par un accord du 14 août 2019. Par un arrêté en date du 14 octobre 2019, le préfet de police a décidé de remettre M. D... à ces autorités.

2. M. D... ayant été au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2020, ses conclusions aux fins de se voir accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé le 12 août 2019 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de police et que le service lui a délivré, dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable du traitement de sa demande en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'attestation de demande d'asile prévue par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les empreintes de M. D... ont été relevées et la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître qu'il avait été enregistré en Italie les 5 novembre et 2 décembre 2015. Consultées en vue de la prise en charge de M. D... sur le fondement du règlement précité, les autorités italiennes ont informé le préfet de police, par un courrier du 23 août 2019, qu'elles avaient accordé à M. D... le bénéfice de la protection subsidiaire jusqu'en 2021. Aucun élément produit par les parties ne permet de contredire sérieusement cette réponse des autorités italiennes. M. D..., qui bénéficiait ainsi, à la date de la décision attaquée, d'une protection internationale dans l'un des Etats membres de l'Union européenne, ne pouvait se voir appliquer les dispositions du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ni faire l'objet d'une décision de transfert sur le fondement de ce règlement.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu de ses motifs le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. D..., implique seulement que le préfet de police réexamine sa situation et lui délivre l'attestation provisoire de séjour correspondante. Il y a donc lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En l'espèce il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance :

6. M. D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à se voir accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1923519/8 du 17 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 14 octobre 2019 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'intervalle l'attestation provisoire de séjour correspondante.

Article 4 : L'Etat versera, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me C..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me C..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

Le rapporteur,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00115
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : NOMBRET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-13;20pa00115 ?
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