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07/10/2020 | FRANCE | N°19PA01004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 octobre 2020, 19PA01004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :

1°) d'annuler la décision du 1er mai 2018 par laquelle le directeur interrégional, chef de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer l'a licencié pour inaptitude physique professionnelle ;

2°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de le réintégrer dans ses fonctions ou de procéder à son reclassement ;

3°) d'ordonner, le cas échéant, une nouvelle mesure d'expertise sur sa

personne avec mission pour l'expert désigné d'évaluer notamment son aptitude à reprendre ses fonc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :

1°) d'annuler la décision du 1er mai 2018 par laquelle le directeur interrégional, chef de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer l'a licencié pour inaptitude physique professionnelle ;

2°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de le réintégrer dans ses fonctions ou de procéder à son reclassement ;

3°) d'ordonner, le cas échéant, une nouvelle mesure d'expertise sur sa personne avec mission pour l'expert désigné d'évaluer notamment son aptitude à reprendre ses fonctions.

Par un jugement n° 1800192 du 17 janvier 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de M. A... comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, ensemble les conclusions qu'il a présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2019, M. A..., représenté par

Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800192 du 17 janvier 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision du 1er mai 2018 par laquelle le directeur interrégional, chef de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer l'a licencié pour inaptitude physique professionnelle ;

3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de le réintégrer dans ses fonctions ou de procéder à son reclassement ;

4°) d'ordonner, le cas échéant, une nouvelle mesure d'expertise sur sa personne avec mission pour l'expert désigné d'évaluer notamment son aptitude à reprendre ses fonctions

5°) de mettre à la charge de l'administration la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif qu'en sa qualité d'agent contractuel, il ne relevait pas, au sens des dispositions de l'article Lp. 111-1 et suivants du code du travail applicable en Nouvelle-Calédonie, d'un statut de droit public ; l'administration a entendu le placer sous un statut de fonction publique ou un statut de droit public en lui imposant le respect des obligations des fonctionnaires de l'Etat et en lui appliquant les dispositions législatives et réglementaires dont relèvent les fonctionnaires et les agents contractuels de l'Etat ; ce statut de droit public implique la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges relatifs aux contrats liant l'administration à ses agents contractuels ; en outre, il a exercé les fonctions de surveillant pénitentiaire au sein du service public pénitentiaire dont la gestion relève de la compétence de l'Etat ; or, les agents contractuels travaillant pour le compte d'un service public administratif sont, quel que soit leur emploi, des agents de droit public et relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;

- la décision du 1er mai 2018 n'est pas motivée ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 45 du décret du 17 janvier 1986, faute qu'il ait été informé de l'intention de l'administration de ne pas renouveler son contrat un mois avant son terme et qu'il ait bénéficié d'un entretien préalable à son licenciement ;

- l'administration a méconnu le principe général du droit relatif à l'obligation de procéder au reclassement d'un agent reconnu inapte ; l'administration a méconnu les dispositions de

l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 ainsi que celles de l'article 17 du décret du 17 janvier 1986 ; l'administration ne lui a proposé aucun emploi de reclassement ; il n'a jamais été avisé de la possibilité de présenter une demande de reclassement ni invité à formuler dans le délai imparti une telle demande ; l'administration ne l'a jamais convoqué à un entretien préalable ; les docteurs Bejean et Charlot ont reconnu qu'il pouvait être reclassé sur un autre poste ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation de son inaptitude physique à reprendre ses fonctions.

Vu la mise en demeure adressée le 22 juillet 2019 au garde des Sceaux, ministre de la justice, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 5 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2019.

Un mémoire en défense, produit par le garde des Sceaux, ministre de la justice, a été enregistré le 17 septembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;

- décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., dont la qualité de travailleur handicapé, avec un taux d'incapacité de 18 % jusqu'au 31 octobre 2019, a été reconnue par une décision de la commission de reconnaissance du handicap et de la dépendance de Nouvelle-Calédonie du 27 avril 2015, a été recruté le

20 janvier 2016, avec effet au 29 février suivant pour une durée de huit mois, par le garde des Sceaux, ministre de la justice, sur le fondement de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 précitée, en qualité d'agent contractuel pour exercer, ainsi que le stipule l'article 2 du contrat, " la fonction d'élève surveillant pénitentiaire ", à temps complet, au centre pénitentiaire (CP) de Nouméa et suivre la formation dispensée par l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (ENAP). A l'issue de sa scolarité, d'une durée de huit mois, à l'ENAP, M. A... a été nommé surveillant stagiaire et affecté au CP de Nouméa. C'est dans ce contexte que M. A... a signé, le 17 octobre 2016, un premier avenant à son contrat d'engagement, lequel est entré en vigueur le 29 octobre suivant, pour une durée d'un an puis, deux autres avenants respectivement d'une durée de six mois du 29 octobre 2017 au 29 avril 2018 et d'une durée de deux jours du 29 au 30 avril 2018. Par une décision du 1er mai 2018, le directeur interrégional, chef de la mission des services pénitentiaires de l'Outre-mer, a prononcé le licenciement de M. A... pour inaptitude physique professionnelle. Par un jugement n° 1800192 du 17 janvier 2019, dont l'intéressé relève appel, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, ensemble les conclusions qu'il avait présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article Lp. 111-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie prévoit l'application de ce code, dont le contrôle relève du juge judiciaire, à tous les " salariés " de Nouvelle-Calédonie et aux personnes qui les emploient. L'article Lp. 111-2 du même code définit comme salarié entrant dans son champ d'application " toute personne physique qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l'autorité d'une autre personne physique ou morale publique ou privée ". Ne sont exclues du champ d'application du code du travail de Nouvelle-Calédonie, aux termes de son article Lp. 111-3, que les " personnes relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public ". Un agent contractuel de l'Etat exerçant en Nouvelle-Calédonie ne relève pas, au sens de ces dispositions, d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public.

3. En second lieu, aux termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable : " I. -Aucun candidat ayant fait l'objet d'une orientation en milieu ordinaire de travail par la commission prévue à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa fonction, (...). / II. -Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du corps dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction. / (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 25 août 1995 : " Les agents bénéficient d'une formation au cours du contrat, dont les modalités et les conditions sont fixées par chaque administration. Ils font en outre l'objet d'un suivi personnalisé visant à faciliter leur insertion professionnelle. Lorsque ces agents suivent la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel ils ont vocation à être titularisés, l'examen de leur aptitude professionnelle intervient, dans les conditions fixées à l'article 8, au moment où est examinée l'aptitude professionnelle des fonctionnaires stagiaires du corps avant leur titularisation. (...) ".

4. Pour décliner sa compétence, le tribunal a estimé qu'en sa qualité d'agent contractuel de l'Etat, M. A... ne relevait pas d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public au sens de l'article Lp. 111-3 précité du code du travail de la Nouvelle-Calédonie. Il était donc soumis aux dispositions de l'article Lp. 111- 2 de ce code et le litige l'opposant au garde des Sceaux, ministre de la justice ressortissait à la compétence de l'ordre judiciaire en vertu de l'article Lp. 111-1 du même code.

5. Toutefois, si M. A..., reconnu travailleur handicapé, a été recruté en qualité d'agent contractuel de l'Etat, il a exercé la fonction de surveillant pénitentiaire stagiaire, à temps complet, du 29 octobre 2016 au 30 avril 2018 au CP de Nouméa, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 et du décret susvisé du 25 août 1995, il avait vocation, à l'issue de son contrat d'engagement, à être titularisé dans les mêmes conditions qu'un stagiaire recruté par concours après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné, ainsi que le rappellent les stipulations de ce contrat. Dans ces conditions, la situation de M. A... s'inscrit dans une perspective d'intégration dans le corps du personnel de surveillance pénitentiaire dont le statut particulier a été fixé par le décret susvisé du 14 avril 2006, et relève ainsi d'une logique de carrière. Il doit ainsi être regardé comme relevant d'un statut de droit public au sens des dispositions rappelées ci-dessus de l'article Lp. 111-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie. M. A... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, et à obtenir l'annulation de ce jugement.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie la demande présentée par M. A....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800192 du 17 janvier 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 octobre 2020.

Le rapporteur,

S. C...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

J.-E. SOYEZ

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01004
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : VILLAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-07;19pa01004 ?
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