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06/10/2020 | FRANCE | N°20PA00408

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 octobre 2020, 20PA00408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme E... A... D... sous tutelle, a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle le conseil départemental de la Dordogne a refusé l'admission de Mme A... D... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 21 juin 2017.

Par une décision du 15 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme E... A... D... sous tutelle, a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle le conseil départemental de la Dordogne a refusé l'admission de Mme A... D... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 21 juin 2017.

Par une décision du 15 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 décembre 2018 et 14 février 2019, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 15 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne rejetant le recours formé contre la décision du 1er juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme A... D... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 21 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 1er juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme A... D... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 21 juin 2017 ;

3°) de prononcer la prise en charge des frais d'hébergement au titre de l'aide sociale de Mme A... D... à compter du 21 juin 2017 ;

4°) de condamner le département de la Dordogne à lui verser la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 75-1 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

- la composition de la commission départementale d'aide sociale est contraire aux dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction validée par la décision du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 n° 2010-110 QPC ;

- le président du conseil départemental de la Dordogne ne pouvait lui refuser le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au motif de l'absence de réponse d'un de ses obligés alimentaires alors qu'il lui appartenait de saisir l'autorité judiciaire afin de fixer le montant éventuel de la dette alimentaire ; en l'absence de ces éléments, l'intéressée a apporté la preuve de son état de besoin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, le département de la Dordogne, représenté par son président, conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 15 novembre 2018.

Il soutient qu'en l'absence de réponse d'un de ses obligés alimentaires, et en l'absence de saisine du juge aux affaires familiales par l'UDAF de la Dordogne, il devait rejeter la demande d'aide sociale de Mme A... D....

Par une ordonnance en date du 3 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux a transmis le jugement de la requête de l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme E... A... D... à la Cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... est hébergée depuis le 21 juin 2017 au sein de l'EHPAD du centre hospitalier d'Excideuil. Le 3 octobre 2017, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne (UDAF 24), agissant en son nom en tant que tutrice, a demandé au département de la Dordogne la prise en charge de ses frais de séjour à compter du 21 juin 2017 au titre de l'aide sociale. Une décision de rejet lui a été opposée le 1er juin 2018, au motif que la situation d'un obligé alimentaire, qui n'avait pas répondu à la demande qui lui était faite et n'avait déposé aucune déclaration auprès de l'administration fiscale, n'avait pas pu être précisée. Par une décision en date du 15 novembre 2018 dont l'UDAF 24 relève appel, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté le recours formé par l'UDAF 24 contre cette décision du 1er juin 2018 du département de la Dordogne.

Sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles : " La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. / En cas d'égal partage des voix, le président a voix prépondérante. / Un commissaire du Gouvernement désigné par le préfet prononce ses conclusions sur les affaires que lui confie le président. Il n'a pas voix délibérative. / Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs. Le secrétaire et les rapporteurs sont nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil départemental, ou, en Corse, le président du conseil exécutif et le préfet. Ils ont voix délibérative sur les affaires qu'ils rapportent (...) ".

3. Il ressort des mentions de la décision attaquée de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne que cette commission était seulement composée du président et rapporteur, et de la secrétaire. Or les dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles ne permettent pas au président de siéger comme rapporteur d'une commission composée de lui-même, avec voix prépondérante, et du secrétaire de la commission. Ainsi, la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne ayant rendu la décision attaquée était irrégulière. Par suite, il y a lieu d'annuler cette décision et d'évoquer la demande.

Sur le bien-fondé de la demande d'admission à l'aide sociale :

4. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus. ". Et aux termes de l'article L. 132-7 du même code : " En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part d'aide sociale ".

5. D'une part, en rejetant la demande d'aide sociale au motif que la situation d'un obligé alimentaire de Mme A... D... n'avait pas pu être précisée, le président du conseil départemental de la Dordogne a méconnu la combinaison des dispositions ci-dessus rappelées des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles. Ainsi, en application de ces dispositions, il appartenait au département de fixer la contribution des obligés alimentaires aux frais d'hébergement de l'intéressée pour vérifier si leur participation, ajoutée aux ressources propres de cette dernière, permet de couvrir ses frais d'hébergement. En application de ces mêmes dispositions il appartenait également au département, en cas de carence de l'intéressée à saisir l'autorité judiciaire malgré la défaillance d'un ou de plusieurs de ses obligés alimentaires à faire connaître le montant de l'aide qu'il peut lui allouer, de saisir lui-même l'autorité judiciaire en son lieu et place, pour obtenir la fixation de leur dette alimentaire et l'obligation au versement de son montant. En effet le département, à la différence du postulant à l'aide alimentaire, est en mesure de s'assurer qu'il récupèrera les sommes qu'il avancerait, le cas échéant, à tout ou partie d'éventuels obligés alimentaires défaillants, par le biais de la prise en charge provisoire de sommes dues par eux à compter de la date d'effet de la décision de l'autorité judiciaire leur enjoignant de procéder au paiement de la dette alimentaire, en émettant au besoin un titre exécutoire à leur encontre sous le contrôle du juge judiciaire. Le département de la Dordogne n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'UDAF 24, en s'abstenant de saisir elle-même le juge judiciaire, l'aurait contraint à rejeter la demande d'aide sociale.

6. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que l'autorité judiciaire aurait assigné aux obligés alimentaires de Mme A... D... le montant et la date d'exigibilité de leur participation aux frais d'hébergement de l'intéressée, ni même qu'elle aurait été saisie à cette fin. Or les frais d'hébergement de Mme A... D..., qui s'élèvent à 1 855,64 euros par mois, ne sont pas couverts par ses ressources propres, lesquelles s'élèvent à 450,98 euros après déduction de la quote-part de 10 % devant être laissée à sa disposition en vertu de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles. Il suit de là que son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi.

7. Par suite, l'UDAF 24, agissant au nom de Mme A... D..., est fondée à soutenir que cette dernière doit être admise à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 21 juin 2017, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt, et à demander pour ce motif l'annulation de la décision du 1er juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne.

8. Il y a lieu de renvoyer l'UDAF 24, agissant au nom de Mme A... D..., devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la détermination du déficit constaté entre les ressources perçues par l'intéressée depuis le 21 juin 2017, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'EHPAD du centre hospitalier d'Excideuil, et au paiement des sommes ainsi calculées.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Dordogne le versement à l'UDAF 24, agissant au nom de Mme A... D..., de la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont la requérante doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme demandant l'application en se prévalant des dispositions de l'article 75-1 du code de procédure civile.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 15 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne, ainsi que la décision du 1er juin 2018 du président du conseil départemental de la Dordogne, sont annulées.

Article 2 : Mme A... D... est admise à l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement, à compter du 21 juin 2017, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme A... D..., est renvoyée devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la détermination et au paiement des sommes dues à ce titre.

Article 3 : Le département de la Dordogne versera à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de Mme A... D..., la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... D..., au département de la Dordogne et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00408
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées - Accueil et hébergement.

Aide sociale - Contentieux de l'aide sociale et de la tarification - Contentieux de la tarification.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-06;20pa00408 ?
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