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29/09/2020 | FRANCE | N°20PA01193

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 20PA01193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Infinity 23 a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 17 décembre 2018 par le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement pour des montants respectifs de 14 280 et 5 106 euros ; d'annuler la décision du 20 février 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recour

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Infinity 23 a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 17 décembre 2018 par le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement pour des montants respectifs de 14 280 et 5 106 euros ; d'annuler la décision du 20 février 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours contre la décision du 6 décembre 2018 mettant à sa charge les sommes mentionnées pour l'emploi de deux étrangers non autorisés à séjourner en France, ensemble ladite décision ; de la décharger de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge et de mettre à la charge de l'OFII le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1907857 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2020, la SARL Infinity 23, représentée par

Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907857 du 11 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 20 février 2019 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration portant rejet de son recours contre la décision du 6 décembre 2018 mettant à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire pour l'emploi de deux étrangers non autorisés à séjourner en France, d'annuler les titres de perception du

17 décembre 2018 et de la décharger de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été relaxée par le tribunal correctionnel en conséquence de quoi le principe non bis in idem énoncé à l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- le montant de la contribution spéciale est disproportionné au regard des faits reprochés, de son comportement postérieur, irréprochable, des résultats de son activité, et le principe de proportionnalité, les stipulations de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 4 août 1789 ainsi que celles des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les bases de liquidation, qui varient en fonction de la zone géographique du pays d'origine du salarié étranger, ne sont pas précisées dans le titre de perception du 17 décembre 2018 relatif à la contribution forfaitaire des frais de réacheminement, en méconnaissance de l'alinéa 2 de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et de l'article R. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Infinity 23 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conclusions de la requête de la SARL Infinity 23 dirigées contre les titres de perception sont irrecevables faute de réclamation préalable devant le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris et, en tout état de cause, que tous les moyens sont infondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 22 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 4 août 1789,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code du travail,

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- et les conclusions de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle effectué le 10 juillet 2018 dans un salon de coiffure exploité par la société Infinity 23, les services de police ont constaté la présence d'un ressortissant béninois et d'un ressortissant camerounais en action de travail, démunis d'autorisations de travail et de titres de séjour. Par une décision du 6 décembre 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Infinity 23 la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 14 280 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 5 106 euros. Le recours gracieux du 4 février 2019 formé par la société Infinity 23 a été rejeté par une décision de l'OFII du 20 février 2019. Par ailleurs, deux titres de perception ont été émis le 17 décembre 2018 en vue du recouvrement des contributions en litige. La réclamation en date du 5 février 2018, reçue le 7 février suivant, formée par la société Infinity 23 à l'encontre de ces deux titres de perception a été rejetée par une décision de l'OFII du 27 mars 2018. La société Infinity 23 relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, des décisions du 6 décembre 2018 et du 20 février 2019, d'autre part, des titres de perception émis à son encontre et à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de payer les sommes de 14 280 et 5 106 euros.

Sur la légalité des décisions de l'OFII du 6 décembre 2018 et du 20 février 2019 :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3132-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

3. La société Infinity 23 ne conteste pas avoir recruté deux salariés dépourvus de titres de séjour et d'autorisation de travail et n'établit pas qu'en vertu des dispositions précitées du code du travail son représentant légal, qui se borne à déclarer qu'il aurait vérifié la carte nationale d'identité de l'un des deux salariés et n'a fait aucune déclaration s'agissant du second, s'est assuré, en saisissant les autorités préfectorales, de l'existence et de l'authenticité des documents attestant la régularité du séjour et de l'existence d'une autorisation de travail des deux ressortissants étrangers.

4. Au soutien de son recours, elle invoque tout d'abord les stipulations de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se prévaut de la méconnaissance du principe non bis in idem interdisant qu'une faute déjà sanctionnée puisse faire l'objet d'une nouvelle sanction.

5. Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. (...) ". Ces stipulations ne trouvent toutefois à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit ainsi pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. La contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ne vise pas à sanctionner un délit et ne présente pas un caractère pénal. Par suite, alors même au surplus que la requérante se borne à produire sa convocation devant le tribunal correctionnel sans justifier de l'issue des poursuites et, que l'autorité de chose jugée au pénal ne saurait s'attacher aux relaxes prononcées au motif que les faits reprochés ne sont pas établis ou qu'un doute sérieux subsiste sur leur réalité, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

6. La requérante se borne ensuite à reproduire en appel les moyens qu'elle avait développés en première instance, sans les assortir d'éléments nouveaux, tirés de la méconnaissance du principe de proportionnalité tel qu'il est consacré à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789 et de celle des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce que le montant des contributions contestées ne serait pas fondé au regard des circonstances de l'infraction et de sa situation financière. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les juges de première instance, d'écarter ces moyens.

7. Il résulte de ce qui précède, sans que soit opposable le caractère isolé des manquements et les difficultés financières de la société quant au montant de la sanction, que la SARL Infinity 23 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions de l'OFII des

6 décembre 2018 et 20 février 2019.

Sur la légalité du titre de perception relatif à la contribution forfaitaire :

8. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " [...]. / Toute créance liquidée faisant l'objet [...] d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. [...] ". Il en résulte que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis ainsi que les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

9. Le titre de perception, émis le 17 décembre 2018, relatif à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant de 5 106 euros, précise la nature de la contribution mise à la charge de la société requérante, les textes législatifs et réglementaires qui en constituent le fondement, le nombre de travailleurs concernés et leurs nom et prénom. Ce titre de perception fait, en outre, référence à la décision du 6 décembre 2018, par laquelle l'OFII a infligé à la société Infinity 23 les deux contributions en litige, dont il est constant qu'elle a reçu notification. Cette lettre se réfère elle-même au procès-verbal du 10 juillet 2018, précise la nature et le montant de chacune des contributions mises à la charge de la requérante en mentionnant, d'une part, l'article R. 8253-2 du code du travail fixant le taux de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du même code, dont les dispositions sont d'ailleurs reproduites au verso et, d'autre part, l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine, auquel renvoie l'article R. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et reproduit au verso les dispositions de l'article L. 126-1 du même code. Nonobstant les différences de coût de réacheminement selon les zones géographiques, au nombre de cinq, du pays d'où est originaire le ressortissant étranger, la mention des titres est suffisante pour répondre aux exigences de l'article 24 du décret précité du 7 novembre 2012 dans la mesure où la société appelante ne pouvait ignorer les pays d'origine des salariés qu'elle avait elle-même employés et que cette précision était en outre portée sur les procès-verbaux d'infraction. Ainsi la société requérante était à même de comprendre le quantum des contributions, au demeurant, non entaché d'inexactitude, mises à sa charge. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce titre de perception doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le titre de perception, que la SARL Infinity 23 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation du titre de perception du 17 décembre 2018 relatif à la contribution forfaitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Infinity 23 au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Infinity 23 le versement de la somme que demande l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Infinity 23 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Infinity 23 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

M-F... B... Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 20PA01193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01193
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AIT HOCINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-29;20pa01193 ?
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