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24/09/2020 | FRANCE | N°19PA02673

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 septembre 2020, 19PA02673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1813908 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction du montant des cotisations de contributions sociales résultant de la majoration de 25 % prévue par le 2° du 7 de l'article 158

du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1813908 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction du montant des cotisations de contributions sociales résultant de la majoration de 25 % prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 août 2019 et le

22 août 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1813908 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, assortie des intérêts moratoires, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des majorations correspondantes restant en litige au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'ensemble de ses moyens ;

- c'est à tort que l'administration a considéré que l'apport n'avait pas été réalisé au sens de l'article 1843-3 du code civil, alors que la cession résulte du contrat d'apport conclu le 26 février 2011 ;

- la position de l'administration est incohérente ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations de l'instruction BOI-RFPI-PVI-30-10 n° 10, du 12 décembre 2012 ;

- les pénalités qui lui ont été infligées sont disproportionnées et ont été établies en méconnaissance de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- l'administration n'établit pas le manquement délibéré qui lui est reproché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de Mme B... et d'annuler, par la voie de l'appel incident, l'article 1er du jugement n° 1813908 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Paris.

Le ministre soutient que :

- le tribunal ne pouvait pas prononcer la décharge des contributions sociales correspondant à la majoration de 25 % de la base imposable en application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dont l'administration avait déjà accordé le dégrèvement par la décision statuant sur la réclamation ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., propriétaire indivise d'une villa située sur le territoire de la commune du Cannet, dans le département des Alpes Maritimes, a, par un contrat du 26 février 2011, fait apport à la société EGV des droits qu'elle détenait sur cette villa et a reçu en contrepartie 30 592 actions de la société, d'une valeur totale de 466 528 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, consécutif à la vérification de comptabilité de la société, l'administration a estimé que l'attribution des actions de la société EVG à Mme B... présentait le caractère d'une libéralité dont elle a imposé le montant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Mme B... a, en conséquence, été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011, assorties des intérêts de retard et de majorations sur le fondement de l'article 1758 A et du a) de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Paris, saisi par

Mme B..., a prononcé la réduction du montant des cotisations de contributions sociales mises à sa charge résultant de la majoration de 25 % prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable. Le ministre, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de l'article 1er de ce même jugement.

Sur l'appel principal de Mme B... :

En ce qui concerne régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont répondu de façon suffisamment précise aux différents moyens soulevés devant eux par Mme B... et, en particulier, à ceux tirés de ce que l'administration a renoncé à la rectification relative aux amortissements pratiqués par la société EGV sur l'immeuble en litige et des modalités d'imposition des plus-values de cession de biens immobiliers commentées au BOI-RFPI-PVI-30-10 du 12 décembre 2012. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que le tribunal aurait insuffisamment motivé son jugement.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

Quant au bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'État ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

5. Mme B... soutient que l'attribution des 30 592 actions de la société EGV, d'une valeur totale de 466 528 euros, ne pouvait être regardée comme faite sans contrepartie et générer une somme imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, dès lors que l'apport de ses droits dans l'immeuble en litige à cette société a été effectif, le transfert de propriété résultant de l'apport étant réalisé, en application des articles 1843-3, 1583, 1604 et 1605 du code civil, à la date du contrat du 26 février 2011, repris par l'assemblée générale du 18 juin 2011, dont le procès-verbal a été enregistré et qui a approuvé les termes du contrat et l'apport lui-même. Toutefois, il résulte de l'instruction que la convention d'apport signée le 26 février 2011 entre Mme B... et la société EGV prévoyait que " S'agissant de droits immobiliers, les apports en nature devront faire l'objet d'un acte authentique, et les transferts de propriété ne seront opposables aux tiers qu'après accomplissement des formalités de publicité requises ". En application de cet accord, l'opposabilité de l'opération d'apport des droits que Mme B... détenait sur la villa de la commune du Cannet était ainsi subordonnée à l'accomplissement des formalités de publicité requises pour le transfert des propriétés immobilières, outre l'établissement d'un acte authentique, seuls à même de justifier à l'égard des tiers de la réalisation du transfert de propriété. Or, il est constant que l'apport en litige, qui n'a pas été constaté par un acte authentique, n'a donné lieu à aucune mesure de publicité foncière. Les conditions fixées par l'accord du 26 février 2011 auquel les parties ont librement consenti n'ayant ainsi pas été accomplies, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cet accord stipulant l'apport de ses droits à la société EGV était opposable, alors même que le transfert de propriété aurait été réalisé au sens des dispositions du code civil. C'est dès lors à bon droit que le service a estimé que la somme en litige était imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

6. A cet égard, la circonstance que l'administration, afin de se conformer à l'avis que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis dans le cadre du litige l'opposant à la société EGV, a abandonné le chef de rectification relatif aux amortissements pratiqués par cette société sur le bien immobilier en litige est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des impositions mises à la charge de Mme B....

7. Par ailleurs, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 150 U du code général des impôts et des énonciations de la documentation administrative publiée au BOI-RFPI-PVI-30-10 du 12 décembre 2012, qui sont relatives aux seules

plus-values de cession de biens immobiliers.

Quant aux pénalités :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

9. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, le service a relevé que Mme B... ne pouvait ignorer que la villa dont elle était propriétaire indivise devait faire l'objet d'un transfert de propriété, qu'elle était, avec son frère et sa soeur, redevable légale de la taxe foncière réclamée chaque année à l'indivision, et qu'elle avait donc conscience qu'elle bénéficiait de l'attribution d'actions par la société EGV sans contrepartie puisqu'elle avait conservé la propriété indivise de la villa. En se fondant sur ces seuls éléments, l'administration n'établit pas que Mme B... savait ou ne pouvait ignorer qu'en l'absence de reprise dans un acte authentique et de publication, l'apport n'était pas opposable. Ainsi, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'intention de Mme B... de minorer l'imposition dont elle était redevable et, par suite, du caractère délibéré des manquements qu'elle lui reproche. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de cette pénalité, Mme B... est fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été infligées.

10. En second lieu, aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires (...) II. Cette majoration n'est pas applicable : (...) b) Ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par l'article 1729 (...) ".

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 9, Mme B... n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le montant cumulé des pénalités qui lui ont été infligées, sur le fondement des articles 1729 a) et 1758 A du code général des impôts, est disproportionné.

Sur l'appel incident du ministre :

12. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 17 janvier 2018, antérieure à l'enregistrement de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Paris, l'administration a accordé le dégrèvement de la fraction des contributions sociales correspondant à la majoration de 25 % de la base imposable, prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé la réduction des cotisations de contributions sociales et a fait droit aux conclusions de la demande qui, tendant à la décharge d'impositions dégrevées avant l'introduction de l'instance, étaient irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts et à demander la décharge de ces pénalités. Le surplus des conclusions de la requête doit dès lors être rejeté. Il résulte également de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal a prononcé la décharge des cotisations de contributions sociales correspondant à la majoration de 25 % de la base imposable prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

14. Aux termes de l'article L. 208 du livre de procédures fiscales : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable (...) ".

15. En l'absence de litige né et actuel opposant Mme B... au comptable concernant le versement des intérêts moratoires, les conclusions tendant au versement de ces intérêts sont prématurées et doivent ainsi et en tout état de cause être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1813908 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris tendant à la décharge des cotisations de contributions sociales correspondant à la majoration de 25 % de la base imposable prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts sont rejetées.

Article 3 : Mme B... est déchargée des pénalités qui lui ont été infligées au titre de l'année 2011 sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

Article 4 : Le jugement n° 1813908 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle juridictionnel administratif).

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le président-rapporteur,

F. D...L'assesseur le plus ancien,

I. MARION

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02673 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02673
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SEBAOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-24;19pa02673 ?
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