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24/09/2020 | FRANCE | N°19PA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 septembre 2020, 19PA00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... veuve A..., assistée de l'association tutélaire du Pas-de-Calais en sa qualité de curateur, a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais d'annuler la décision du 7 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a refusé son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées à compter du 1er décembre 2017.

Par une décision du 29 juin 2018, la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais a

rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... veuve A..., assistée de l'association tutélaire du Pas-de-Calais en sa qualité de curateur, a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais d'annuler la décision du 7 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a refusé son admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées à compter du 1er décembre 2017.

Par une décision du 29 juin 2018, la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 septembre 2018 et 3 juin 2019, Mme A..., assistée de l'association tutélaire du Pas-de-Calais en sa qualité de curateur, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 29 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais ;

2°) d'annuler la décision du 7 février 2018 du président du conseil départemental du Pas-de-Calais ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées à compter du 1er décembre 2017.

Elle soutient que :

- la décision de la commission départementale d'aide sociale est insuffisamment motivée ;

- la décision du président du conseil départemental du Pas-de-Calais est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas les motifs de droit ou de fait justifiant le refus d'admission à l'aide sociale ; le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a ainsi méconnu le principe du contradictoire ;

- ses ressources sont insuffisantes pour s'acquitter de ses frais d'hébergement et son état de besoin est démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, le président du conseil départemental du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les ressources mensuelles de Mme A... qui s'élèvent à 2 341,08 euros lui permettent de s'acquitter de ses frais d'hébergement d'un montant mensuel de 1 965 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00517.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le règlement départemental d'aide sociale du Pas-de-Calais ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... veuve A..., née en 1938 et placée sous curatelle assurée par l'association tutélaire du Pas-de-Calais, est hébergée au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Marie Curie de Beuvry depuis le 21 décembre 2015. Le 1er février 2018, elle a déposé avec l'assistance de l'association tutélaire du Pas-de-Calais une demande d'admission à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées à compter du 1er décembre 2017. Par une décision du 7 février 2018, le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a rejeté sa demande. Par une décision du 29 juin 2018, la commission départementale d'aide sociale a rejeté la demande de l'association tutélaire du Pas-de-Calais présentée pour le compte de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision. Par la présente requête, Mme A..., assistée de l'association tutélaire du Pas-de-Calais en sa qualité de curateur, relève appel de cette décision et demande à la Cour de prononcer son admission à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er décembre 2017.

Sur la régularité de la décision du 29 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale :

2. Il ressort des termes de la décision du 29 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais que cette décision ne cite aucune des dispositions du code de l'action sociale et des familles qui fondaient la décision de refus litigieuse du président du conseil départemental du Pas-de-Calais du 7 février 2018 qui, au demeurant, ne visait elle-même aucune disposition législative ou réglementaire. L'absence de citation, et même de visa, des dispositions législatives et réglementaires applicables par la décision attaquée du 29 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais ne permet pas de comprendre le raisonnement tenu par les premiers juges et, ainsi n'a pas mis Mme A... en mesure d'en contester le bien-fondé. Par suite, cette décision, qui méconnaît la règle en vertu de laquelle les décisions de justice doivent être motivées, qui est au nombre de celles qui s'imposent à toutes les juridictions, est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association tutélaire du Pas-de-Calais pour le compte de Mme A... devant la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais.

Sur la demande d'admission à l'aide sociale :

4. L'article L. 113-1du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d'une aide à domicile, soit d'un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. Les personnes âgées de plus de soixante ans peuvent obtenir les mêmes avantages lorsqu'elles sont reconnues inaptes au travail. ". Aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme. ". Aux termes de l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. ".

5. Il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu, des frais de mutuelle ou des frais de tutelle. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 32-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses.

6. Il résulte de l'instruction que les ressources mensuelles de Mme A... s'élevaient, à la date de sa demande d'aide sociale, à la somme de 2 325,70 euros correspondant au montant de ses pensions de retraite. Par ailleurs, les frais de mutuelle constituent une dépense mise à la charge des personnes âgées par la loi et comme étant exclusive de tout choix de gestion uniquement à hauteur de la partie destinée au remboursement des participations assises sur les tarifs prévus par la réglementation de sécurité sociale. En l'espèce, si les frais de mutuelle de Mme A..., née en 1938, s'élèvent mensuellement à 97, 69 euros, il convient de déduire ces frais à hauteur seulement de 80 euros, ce qui correspond au montant moyen des cotisations pour une assurance complémentaire de base couvrant une personne âgée. Mme A... s'acquittait également de 48,91 euros au titre de l'impôt sur le revenu. Il ressort de l'attestation du 25 avril 2019 du directeur général de l'association tutélaire du Pas-de Calais que les frais de gestion de la mesure de protection de Mme A... s'élevaient à 2 600,14 euros par an, soit 216,67 euros par mois. Par suite, compte tenu de l'argent de poche (198 euros), le montant des ressources nettes des charges obligatoires de Mme A... pour assurer le paiement de ses frais d'hébergement s'élève à la date de sa demande d'aide sociale à 1 782,12 euros.

7. Il résulte de l'instruction que le coût total de l'hébergement au sein de l'EHPAD dans lequel réside Mme A... était de 1 965 euros par mois. Ainsi, les ressources de Mme A... à la date de sa demande d'aide sociale ne lui permettaient pas de couvrir les frais d'hébergement au sein de cet établissement. Par suite, et en application des dispositions de l'article R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles, il y a seulement lieu d'admettre Mme A... à l'aide sociale à l'hébergement à compter du premier jour de la quinzaine suivant la date du 1er février 2018 à laquelle sa demande a été déposée, et sous réserve de changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de la notification du présent arrêt. Il y a lieu, également, de renvoyer Mme A... devant le département du Pas-de-Calais pour la détermination, conformément aux motifs du présent arrêt, du montant de cette aide.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 29 juin 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Pas-de-Calais et la décision du 7 février 2018 du président du conseil départemental du Pas-de-Calais sont annulées.

Article 2 : Mme A... est admise au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées, à compter du premier jour de la quinzaine suivant la date du 1er février 2018, et sous réserve de changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de la notification du présent arrêt. Mme A... est renvoyée devant le département du Pas-de-Calais pour la détermination, conformément aux motifs du présent arrêt, du montant de cette aide.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... veuve A..., à l'association tutélaire du Pas-de-Calais et au président du conseil départemental du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

V. E...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00517

5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00517
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-04-01 Aide sociale. Contentieux de l'aide sociale et de la tarification. Contentieux de l'admission à l'aide sociale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BACQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-24;19pa00517 ?
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